COP21 : Eclairage sur l’Accord de Paris

Première évaluation sur ses principaux atouts, limites et promesses, mise en écho avec la foi chrétienne par Elena Lasida, membre de Justice et Paix et d’Ecologie et Société à la Conférence des évêques de France.

Retrouvez dans le texte ci-dessous :

  • 3 points positifs à souligner : des signes d’un monde nouveau
  • 3 limites à faire évoluer : des défis à relever

3 points positifs à souligner : des signes d’un monde nouveau
Universalité de l’accord : il s’agit du premier accord universel sur le climat, adopté à l’unanimité y compris par les deux plus grands pollueurs de la planète – les Etats Unis et la Chine – qui avaient refusé de signer le protocole de Kyoto. Par rapport à « l’échec » de Copenhague, l’accord de Paris constitue une véritable réussite avec un objectif commun et des engagements précis déjà pris par la plupart des pays (187 pays sur 195).
Cette universalité de l’accord fait écho avec l’universalité du bien commun prônée par l’Eglise.

Objectif ambitieux et dynamique : alors que la communauté internationale s’était accordée à fixer le seuil de réchauffement planétaire à 2°C, le texte fixe un objectif plus ambitieux : celui de 1,5°C. Ce chiffre était une revendication des petits Etats insulaires, premières victimes potentielles face à la montée du niveau des mers, et avait été soutenu par la délégation du Vatican. L’accord prévoit également une révision des objectifs tous les 5 ans à partir de son entrée en vigueur en 2020.
L’objectif ainsi défini peut être mis en résonance avec deux fondamentaux de la foi chrétienne :

L’espérance : exprimée par l’affirmation d’un objectif ambitieux qui met en route vers un meilleur possible.
L’option préférentielle pour les plus pauvres : ce sont les plus petits Etats et les plus menacés qui ont été privilégiés dans la définition de l’objectif général.
Responsabilités différenciées : les responsabilités face au défi climatique sont définies comme communes mais différenciées. L’accord parle ainsi de « réduction » des émissions pour les pays développés et d’ « atténuation » pour les pays plus pauvres. L’aide financière des pays développés au bénéfice des pays plus pauvres est confirmée et l’accord signale que les 100 milliards par an constituent un plancher appelé à être relevé.
De ce fait, les principes de justice climatique et de solidarité à l’égard des pays plus pauvres sont partiellement reconnus, mais sans arriver jusqu’à la compensation ou le dédommagement des dérèglements provoqués.

3 limites à faire évoluer : des défis à relever
Absence de moyens et des contraintes : l’objectif de ne pas dépasser le seuil de +1,5°C est ambitieux mais pour l’instant très loin de la réalité car les engagements affichés par les Etats sont encore très insuffisants pour y arriver et les moyens pour y parvenir restent très vagues. Par ailleurs, les signataires s’obligent à respecter les dispositions du texte mais il n’y a pas de contrainte institutionnelle ni de sanction prévue pour ceux qui ne tiendront pas leur engagement.
Le pape François propose dans « La joie de l’Evangile » d’ « initier des processus plutôt que de posséder des espaces ». L’accord peut être le début d’un processus si on se donne les moyens pour le mettre en marche.

Stockage du carbone plutôt qu’énergies renouvelables : au lieu d’envoyer un signal clair vers la sortie des énergies fossiles à 2050 et le remplacement par des énergies renouvelables, le texte propose comme objectif de long terme le développement des systèmes d’absorption du gaz à effet de serre (article 4).
Le changement de paradigme auquel appelle « Laudato Si’ » ne signifie pas de l’innovation technique pour continuer à vivre pareil, mais de l’innovation technique et sociale pour changer la conception du progrès. On attend que l’accord puisse ouvrir la voie vers une nouvelle forme de progrès.

Production alimentaire plutôt que sécurité alimentaire : Dans l’article 2 de l’accord, le terme de « sécurité alimentaire » a été remplacé par celui de « production alimentaire ». Or le problème n’est pas celui d’augmenter la production agricole – suffisante pour nourrir la planète – mais de changer le modèle agricole pour favoriser des pratiques pouvant garantir la souveraineté alimentaire des populations les plus pauvres.
La clameur des pauvres et la clameur de la terre sont à relier, comme nous y invite « Laudato Si ‘ » : le modèle agricole en est concerné.

Autour de l’Accord, quelques promesses d’un nouveau possible :

Mobilisation conjointe de la société civile et des religions : non sans difficulté mais conscients que nous avons tous à gagner si nous apprenons à travailler véritablement ensemble.
Des coalitions volontaires décidées à tirer vers le haut :
« la coalition pour une haute ambition » qui rassemble autour de 80 pays (dont l’UE, les Etats-Unis et le Brésil) prêts à réviser leurs engagements et les moyens octroyés aux pays vulnérables avant 2020 ;
les 700 élus locaux de villes du monde entier qui ont décidé la prise en charge de 30% des efforts nécessaires pour combler l’écart entre les engagements des Etats et la barre de +2° C ;
40 pays qui s’engagent à mettre en place des mécanismes, taxes et marchés, de tarification de carbone.
Des financements engagés au bénéfice des pays plus pauvres :
1er fonds mondial pour lutter contre les terres abîmées par la sécheresse et la surexploitation, associant des capitaux privés et publics, sous l’égide des Nations Unies.
Alliance solaire internationale afin de réveiller le potentiel de 120 pays, riches en soleil, dont l’Inde, et de rendre accessible l’électricité aux populations les plus pauvres.
Accord à l’initiative de l’Afrique pour doubler l’approvisionnement en énergie « verte » du continent d’ici 2030, avec promesse de la France de verser 2 milliards d’euros sur quatre ans, sous forme de prêts.
Conclusion : le Président Hollande a dit : « C’est la plus belle et la plus pacifique des révolutions qui vient d’être accomplie ». Je dirais : » C’est la plus belle et la plus pacifique des révolutions qui vient de démarrer… »

Soutenir par un don