Messe chrismale au Sanctuaire de Rocamadour

Lundi 1er juin à 10h30

Fête de Marie, mère de l’Eglise.
Anniversaire de la consécration du diocèse à Notre-Dame de Rocamadour.

Messe chrismale à 10h30 sur l’Esplanade Ste Véronique, en présence de l’ensemble des prêtres du diocèse et animée par le Centre de Musique Sacrée de Rocamadour.

Homélie de Mgr Laurent Camiade :

Aujourd’hui les prêtres vont renouveler devant nous leurs engagements. Il est bon de nous rappeler ce qui est essentiel dans le sacerdoce catholique. L’essentiel du prêtre vient de l’appel de l’Eglise qui a exprimé, le jour de leur ordination, le choix de Dieu : « nous vous choisissons comme prêtre ». Et toute la fécondité de l’action apostolique dépend de la confiance du prêtre en l’Église qui lui a transmis le don de l’Esprit Saint le jour de son ordination. Si le prêtre a confiance en l’Esprit Saint qui agit par et dans l’Église, il a alors confiance aussi en son propre ministère, en sa propre capacité à porter les fruits que Dieu veut qu’il porte.

Avoir confiance en l’Église ne va pas de soi, en un temps où celle-ci est fragilisée. L’Église est parfois marginalisée, souvent discréditée, et manifestement impuissante à réaliser les immenses désirs missionnaires que nous portons en nos cœurs. Est-il possible d’avoir confiance en l’Église quand elle paraît échouer dans ses plus belles entreprises ?

Je dis que l’Église paraît échouer car il n’est sans doute pas tout à fait vrai qu’elle échoue autant qu’il y paraît. Tout dépend des objectifs qu’elle se fixe. Si les membres de l’Église croient devoir contrôler le cours de l’histoire du monde, s’ils se croient capables de changer le monde par leurs seules forces, s’ils s’évertuent uniquement à augmenter leur nombre, il est sûr qu’ils vont échouer. A certains moments, l’Église peut obtenir quelques résultats provisoires, mais il est sûr qu’à un moment ou un autre, Dieu va tout mettre par terre de ces belles réussites. Il suffit de méditer sur la tour de Babel pour le comprendre. Comme l’écrivait un théologien, «  toute l’histoire de l’Église obéit à une loi paradoxale de dépouillement » (Louis Lochet, L’apôtre dans le mystère de l’Église, 1961, cité dans Vers une Église renouvelée. Paroles d’un visionnaire, éd. Salvator, 2020, p. 67)

L’Église ne réussit vraiment que lorsqu’on peut dire « voyez comme ils s’aiment » (cf. Tertulien, Apologétique, n. 39 § 7). Elle n’atteint les objectifs de sa mission que lorsque la charité s’accroit en elle et rayonne autour d’elle. Saint Jean-Paul II écrivait qu’avant même d’être une action, la mission de l’Église est un témoignage et un rayonnement (cf. Redemptoris missio, n. 26).

Or, l’Église qui paraît échouer selon tous les critères sociologiques ou entrepreneuriaux (essentiellement numériques), connaît souvent un regain de vitalité spirituelle dans les vicissitudes. Elle crie vers Jésus comme Pierre qui s’enfonce dans la mer « Seigneur sauve-moi ! » L’Église laisse alors jaillir en elle le souffle de l’Esprit d’amour. Car elle ne rayonne jamais autant que lorsqu’elle sait ne pas pouvoir beaucoup compter sur ses forces humaines, mais qu’elle s’appuie d’abord sur la grâce de Dieu et s’en remet à ses projets à Lui.

L’action principale du ministère des prêtres consiste à manifester leur confiance en Dieu qui agit dans son Église. Cela n’exclut pas des projets concrets, mais seulement si ces projets, modestes ou vastes, sont reçus de Dieu et laissés entre ses mains. Chaque jour, nous remettons nos projets entre les mains de Dieu et, en mettant toutes nos forces au service des projets de Dieu, nous pouvons Le laisser nous conduire, laisser Dieu se servir de nous comme d’instruments quelconques. Que l’Esprit Saint nous apprenne à nous donner sans compter et sans chercher dans nos actions aucun avantage personnel ! Dans les questions posées aux prêtres pour renouveler leurs engagements ce matin, vous entendrez « Voulez-vous accomplir ce ministère avec désintéressement et charité ? ». Désintéressement et charité.

Jésus a une confiance totale en l’efficacité de la parole de Dieu. A Nazareth, nous le voyons refermer le livre et affirmer sans aucune hésitation « cette parole de l’Écriture c’est aujourd’hui qu’elle s’accomplit ». Pourtant toutes les apparences de l’échec de cette parole vont suivre, les gens de Nazareth ne le croient pas et vont tenter de le précipiter du haut de l’escarpement de la colline. Mais il continuera son chemin. Rien n’arrête la Parole faite chair, rien n’arrête l’amour. Toute situation d’échec, toute épreuve est une occasion pour aimer davantage, pour aimer mieux, avec plus de détachement et plus de don de soi-même. Ou encore : « avec désintéressement et charité ».

La mission des prêtres n’est pas une autre mission que la mission du Prêtre unique qui nous sauve, Jésus-Christ. Le Christ poursuit sa mission dans la mission des envoyés qu’il a choisis : « Celui qui vous reçoit me reçoit, et celui qui me reçoit, reçoit celui qui m’a envoyé » (Lc 9,48). « Celui qui vous écoute, m’écoute » (Lc 10,16). Le Christ sauve le monde dans ses prêtres, c’est-à-dire, en commençant par les sauver eux et, de leur expérience de salut, de leur habitation par l’Esprit Saint, il fait un témoignage et une source de grâce pour leurs frères. Ainsi, même lorsque l’Église nous apparaît affaiblie, ce n’est aucun d’entre nous qui devra sauver l’Église mais c’est par l’Église que nous ferons l’expérience du Christ qui nous sauve des ambiguïtés et des défaillances de notre amour.

Car tout le drame de l’Église, comme le drame du sacerdoce ministériel est là : nous ne savons pas aimer comme Jésus nous aime. Nos élans affectifs sont souvent des caricatures du véritable amour et pour qu’on dise « voyez comme ils s’aiment », il faut que Dieu agisse en nous. Et si Dieu agit en nous, notre amour peut alors rayonner. Non pas grâce à notre «  cœur généreux » ni de talents exceptionnels, mais grâce à l’élévation que l’Esprit Saint opère dans un cœur incapable, par lui-même, d’aimer en vérité. De nos failles, Dieu veut faire un brasier ardent de charité. Aussi, lorsque nous prenons davantage conscience de nos failles, cela ne doit jamais nous faire douter de notre vocation ni de l’Esprit Saint qui agit dans et par l’Église. Le Christ compte sur nous dans cette Église, telle qu’elle est.

Alors vient l’expérience de la joie. La joie de servir. La joie d’être traversé par l’énergie débordante de l’amour divin. La joie d’y avoir associé nos forces et nos faiblesses. La joie d’une présence qui nous comble. La joie de partager avec tous les hommes de bonne volonté le même désir de plénitude et de bonheur.

Ainsi, nous comprenons que la mission de l’Église ne peut se limiter à constituer des cercles communautaires, même en croissance. La mission de l’Église est participation à la mission du Christ et au souffle de l’Esprit dans le monde entier. Dans un monde pluri-religieux et fortement sécularisé, la mission de l’Église ne peut se désintéresser du reste de l’humanité. Dieu agit dans ce monde, et l’Église doit être un ferment qui révèle l’origine divine de cette action. La transformation de l’Église dépend de la transformation du monde qui nous entoure.

N’avons-nous pas tendance à penser uniquement le contraire ? Nous inclinons à penser que la transformation du monde dépend de la nôtre. Ce n’est pas faux. Ayons confiance dans notre mission. Oui. Mais n’oublions pas que notre transformation comme celle du monde, dépend d’abord et surtout de Dieu. Une part de l’humanité n’a pas découvert Dieu, n’a pas accueilli la lumière du Christ et se ferme à l’Esprit Saint. Cette fermeture est appelée « mondanité spirituelle ». La mondanité spirituelle guette le croyant autant que le non croyant. Mais partout où l’Esprit Saint agit dans l’histoire des hommes, le Royaume de Dieu est là, il grandit et sa croissance précède souvent l’annonce de la foi. La foi devra booster cette croissance, mais ne part pas de zéro.

Le Christ est l’Alpha et l’Oméga, comme il est dit dans le passage de l’Apocalypse lu ce matin. L’Apocalypse, selon l’étymologie du mot est dévoilement d’une réalité mystérieuse qui habite déjà l’histoire. Le Christ est « L’Alpha et l’Omega, celui qui est qui était et qui vient » (Ap 1,8), le commencement et la fin, « le Souverain de l’univers ». Il ne règne donc pas seulement sur l’évolution de l’Église mais sur celle de tout l’univers. La mission de l’Eglise est de dévoiler et de booster ce règne du Christ.

Ne nous y trompons pas, comme à chaque époque de l’histoire, les faiblesses de l’Église actuelle sont les faiblesses du monde actuel.

Et les forces de l’Église sont intimement liées aux forces du monde actuel.

Sans négliger d’investir ses forces avec confiance et générosité, l’Église est fidèle à sa mission si elle s’appuie sur Dieu et non pas d’abord sur des forces limitées.

L’expérience de ces dernières semaines avec la crise sanitaire que nous traversons, a rappelé au monde moderne sa vulnérabilité. Nous faisons ensemble, avec le monde entier, l’expérience de ne pas être tout-puissants, malgré le génie et les performances de nos savoirs et de nos techniques, malgré la mise en commun de nos outils de recherche et l’émulation de nos laboratoires, malgré la bienveillance de la plupart de nos gouvernants. Il n’est d’ailleurs pas anodin de remarquer les nombreux élans de générosité qu’a pu déclencher ce sentiment de fragilité généré par la crise sanitaire et ses conséquences économiques. Les associations investies dans l’aide d’urgence ont témoigné de l’augmentation des dons et du relais pris par de nouveaux bénévoles, comme aussi de la créativité des plus anciens qui, depuis chez eux, ont su garder des contacts ou poser des gestes de solidarité inédits et pertinents.

Il faut alors qu’avec le monde entier, nous chrétiens, nous recevions de Dieu la grâce de réaliser à quel point nous avons besoin d’être sauvés. Alors nous pourrons vivre de cette grâce de l’Esprit d’Amour qui s’offre au monde.

Si nous comprenons ainsi la véritable mission de l’Église, nous pouvons tous mieux comprendre également en quoi l’Église a besoin de prêtres. Nos sociétés peuvent mettre en œuvre toutes sortes de moyens pour devenir meilleures, plus fraternelles et plus en harmonie avec la création. Des hommes et des femmes peuvent avoir de nombreux talents à mettre au service de l’Évangélisation. Ces talents sont une des forces de notre Église aujourd’hui. Mais le propre du prêtre, ce dont il est le sacrement (= le signe rendu efficace par l’action du Saint-Esprit), c’est du fait que notre espérance se trouve d’abord en Jésus-Christ.

C’est précisément cela notre humble et unique témoignage. C’est notre mission.

Amen.

Mgr Laurent Camiade, évêque de Cahors

 Pourquoi « Chrismale » ?

La Messe Chrismale reçoit cette appellation parce que c’est au cours de cette célébration que le Saint Chrême est consacré. Cette huile servira dès les baptêmes de Pâques puis tout au long de l’année pour les sacrements du baptême, de la confirmation et de l’ordre.

Avec le Saint Chrême qui est l’objet d’une consécration spéciale, deux autres huiles sont bénites : l’Huile des Catéchumènes qui sert dans les célébrations préparatoires au baptême surtout pour les adultes ou les enfants déjà grands ; et l’Huile des Malades qui sert dans la célébration du Sacrement des malades.

Prêtres, diacres et fidèles sont invités largement à cette célébration qui manifeste l’unité de toute la communauté diocésaine autour de son évêque.

 Pourquoi à Rocamadour ?

Cette année, du fait du confinement, la messe chrismale n’a pas pu se dérouler le lundi Saint en la cathédrale de Cahors.
La date retenue pour cette célébration est finalement le 1er juin, fête de Marie mère de l’Eglise, date anniversaire de la consécration du diocèse à Notre-Dame de Rocamadour. C’est donc tout naturellement que les prêtres se sont tous réunis au Sanctuaire de Rocamadour cette année.

(Photographies : Marie-Madeleine Rey - Alexandra de Nantes - @ Sanctuaire ND de Rocamadour)

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