Installation du Père Xavier Larribe, curé de Lacapelle-Marival

Dimanche 4 septembre 2022

 Homélie de Mgr Laurent Camiade :

Mes frères, un curé de paroisse est un don de Dieu pour le peuple tout entier. Il a été marqué par la grâce du sacrement de l’ordre qui lui permet d’être un instrument privilégié de la grâce du Seigneur. Ceci apparaît de la façon la plus claire dans sa place dans la célébration de la messe. Sans prêtre, il n’y a pas de messe, il n’y a pas le sacrement de l’eucharistie. Et la célébration de la messe est le centre de la vie d’une paroisse.

Si la messe est au centre, rappelons-nous que le mot messe signifie étymologiquement « envoi missionnaire ». Le Peuple de Dieu est tout entier un peuple missionnaire. Le pape François parle de manière éclairante d’être des « disciples-missionnaires ». Nous sommes appelés, tous, tous les baptisés, à être à la fois ses disciples et ses missionnaires. Le prêtre en général et le curé en particulier a pour tâche de former dans sa paroisse des disciples-missionnaires du Christ. Ce n’est pas évident car la culture dans laquelle nous évoluons, malgré son grand principe de la « liberté de culte » développe des injonctions intimidantes pour nous freiner dans l’annonce explicite de la foi. Qui d’entre nous peut dire qu’il se sent toujours libre, dans tous les milieux, dans toutes les situations, de témoigner de sa foi au Christ ? On dit même parfois qu’au sein d’une même famille, il a deux sujets interdits pour ne pas provoquer de conflits, la politique et la religion ! S’interdire par principe de parler de la foi, est-ce vraiment préférer le Christ, ou n’est-ce pas plutôt préférer sa tranquillité ? Or Jésus nous dit dans l’Évangile : « Si quelqu’un vient à moi sans me préférer à son père, sa mère, sa femme, ses enfants, ses frères et sœurs, et même à sa propre vie, il ne peut pas être mon disciple ». S’interdire de parler de Dieu et de Jésus-Christ, n’est-ce pas trahir le Christ ? Bien sûr, il n’est pas toujours opportun de parler de sa foi et si l’on peut amener les choses avec un minimum de douceur et de pédagogie, ce n’est pas plus mal. Il importe surtout d’ailleurs de savoir à qui on s’adresse et, avant tout, d’écouter les autres qui sont souvent porteurs en eux-mêmes de germes de foi, de désirs spirituels, de questionnements profonds sur lesquels ont peut « bâtir une tour », comme dit aussi Jésus. Celui qui veut bâtir une tour, dit le Seigneur, commence naturellement par s’asseoir pour calculer s’il aura de quoi aller jusqu’au bout. Il y a des conditions pour annoncer la foi vraiment. Lorsqu’on sait qu’on ne sera pas écouté jusqu’au bout, il vaut mieux parfois se taire. Mais on trouve bien plus facilement le moyen d’annoncer vraiment l’Évangile lorsqu’on a d’abord pris le temps de s’asseoir et d’écouter nos frères et sœurs pour s’intéresser à leur vie, pour découvrir ce qui les anime et entendre les questions qu’ils se posent vraiment.

Un curé de paroisse, un prêtre en général, de même, en fait, que tout chrétien, doit être un homme qui a un cœur qui écoute. Un curé montre l’exemple de l’écoute qu’on peut attendre de tout baptisé si lui-même écoute ses paroissiens et s’intéresse à leur vie concrète de tous les jours. Il écoute aussi la parole du Seigneur assidument et en profondeur. Il sera ainsi davantage capable de la faire retentir jusqu’au bout, avec des fondations solides, car il aura recueilli en lui assez de matériaux pour bâtir, sur le terrain concret de sa paroisse, la tour lumineuse de la bonne nouvelle du Christ.

Aujourd’hui, nos paroisses sont des « groupements paroissiaux » et peuvent devenir de « nouvelles paroisses » dans le sens où il ne faut pas confondre la paroisse avec les lieux de cultes. Une paroisse d’aujourd’hui en France rurale comporte de nombreux lieux de cultes, lesquels étaient, autrefois, le seul lieu de prière pour une plus petite paroisse. Or, la paroisse n’est pas définie par la présence d’un clocher, mais comme une communauté précise de fidèles constituée de manière stable, confiée à la charge pastorale d’un prêtre. Les paroisses de notre diocèse sont composées de personnes venant de plusieurs villages. La paroisse c’est une communauté, cela veut dire que ce sont des personnes et non pas des bâtiments. Les bâtiments sont au service du rassemblement des personnes. Et nos belles églises permettent de se réunir dans des lieux propices à la prière et qui incarnent souvent des souvenirs très précieux pour nous, pour nos familles, pour l’identité même d’un village, d’une commune.

Dans l’Église, ce qui est réellement une institution, ce que Jésus lui-même a institué, ce ne sont ni des bâtiments ni des règles d’organisation, mais ce sont des personnes à qui il a dit « viens et suis-moi ». Souvent quand nous pensons « institution », nous pensons à des fonctions, à des conventions, des protocoles d’action, des structures stables, des statuts et des règles juridiques. Tout ceci fait partie de notre savoir-vivre ensemble, nous en avons besoin. Réhabiliter une maison paroissiale, par exemple, c’est un outil qui peut s’avérer très précieux pour la vie d’une paroisse. Et cela doit être au service des personnes, en discernant ensemble la meilleure façon de l’habiter. Car Jésus ne fait pas à notre place ce que nous sommes parfaitement capables d’établir par nous-mêmes. Lui, il a appelé et il appelle encore des personnes. Il veut que son Église soit d’abord un Corps vivant, formé de membres variés, qui sont tous les êtres vivants appelés par leur nom, choisis par lui pour être au service les uns des autres. L’Église, grâce à cela, a très vite été appelée du nom de « fraternité ». Le mot « fraternité », aux commencements de la vie de l’Église a désigné cette institution du Christ, l’Église c’est quoi ? C’est « la fraternité ». Une communauté de frères et sœurs. Fils d’un même Père et frères de Jésus, animés, attirés à s’aimer les uns les autres par l’unique Esprit Saint. Pourtant, dès le début, cette fraternité par essence qu’est l’Église a connu des tensions, des conflits, parfois des divisions plus graves. Car c’est aussi un peuple de pécheurs qui doit sans cesse s’appuyer sur la miséricorde de Dieu et exercer en elle-même la miséricorde, la réconciliation, le pardon. Cela n’est pas facile et cela demande d’assumer le fait qu’il existe des conflits, des fautes, des trahisons et qu’il faut les nommer pour pouvoir les dépasser, pour ne pas les laisser nous détruire.

Quand Jésus demande de venir à lui en le préférant « à son père, sa mère, sa femme, ses enfants, ses frères et sœurs et même à sa propre vie », il appelle à entrer toujours plus réellement dans cette grande fraternité que le baptême constitue en nous faisant fils d’un même Père et frères du Christ, c’est-à-dire membres d’une fraternité qui n’a pas de limites. Sans doute cette consigne de préférer Jésus à tous ses proches est à comprendre dans un contexte de persécution. Si on tient au Christ et que nos proches veulent nous en détourner, notre choix devrait être clair. Nous sommes appelés à préférer le Christ, même à notre propre vie. Penser à cela, c’est immanquablement prendre conscience de la faiblesse de notre foi : serais-je capable de mourir pour le Christ ? Mais c’est aussi réaliser que nous avons une famille plus vaste encore qui est l’Église, elle est un Corps vivant qui nous fait vivre dans la joie du Seigneur. Notre paroisse, communauté stable de fidèles, doit être pour nous un soutien pour notre foi. La tâche du curé pour la communauté de ses paroissiens, c’est de les encourager à être des frères qui soutiennent la foi les uns des autres. S’ils s’aiment entre eux comme des frères et sœurs, ils peuvent être facilement des missionnaires crédibles de la bonne nouvelle de Jésus.

En ce jour d’installation de votre nouveau curé, chers frères et sœurs, je sais que vous attendez beaucoup du prêtre. Alors retenons aussi que la vie paroissiale ne dépend pas que du prêtre mais essentiellement du dynamisme de la foi de l’ensemble de la communauté des fidèles du Christ. C’est un chemin à parcourir ensemble qui s’ouvre avec l’arrivée d’un nouveau prêtre qui est un don de Dieu pour vous. Cela suppose d’être attentifs les uns aux autres, sans esprit de clocher, mais avec le désir de vivre la fraternité pour répondre à l’appel du Seigneur. Comme nous sommes pécheurs, cela amènera forcément de traverser des moments d’épreuve, de même que Jésus a porté sa croix, mais par la puissance de sa résurrection, nous avons la ressource extraordinaire de la réconciliation. Soyez miséricordieux comme le Père est miséricordieux. Le prêtre est au milieu de vous un témoin et un serviteur de cette miséricorde, en particulier avec le sacrement du pardon. Tous les sacrements sont des moyens de vivre de la miséricorde de Dieu. Soyons tous, au milieu de ce monde, des témoins libres du Christ et préférons-le à toutes nos peurs, à tout ce qui nous retient d’être vraiment des disciples-missionnaires.

Amen.

+ Mgr Laurent Camiade, évêque du diocèse de Cahors

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Photographies ci-dessous d’Emmanuel Sudres

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