Mgr Laurent Camiade : appel à la réflexion
Le geste des fidèles au moment du rite de la communion est un geste qui exprime essentiellement un « recevoir », un accueil du Seigneur. Les mots biens connus de saint Jean Chrysostome († 407) peuvent être rappelés : « fais de ta main gauche un trône pour ta main droite, puisqu’elle doit recevoir le Roi ». Dans les tout premiers siècles, après avoir reçu ainsi le corps du Christ dans le creux de leurs mains avancées en signe d’accueil religieux, les fidèles le portaient à leur bouche dans un mouvement de respect. Ce mouvement s’est progressivement transformé au profit du geste en usage exclusif du VI° au XX° siècle, de recevoir le Corps du Christ directement sur la langue. Depuis la réforme liturgique de Vatican II, ce n’est plus le seul geste possible, puisque la réception de la communion dans la main a été autorisée par la plupart des conférences épiscopales, suite à une instruction de la congrégation pour le culte divin en 1969. Cependant, jusqu’ici, la réception de la communion directement dans la bouche n’avait jamais été interdite. Même si c’est de façon provisoire, le coronavirus a donc eu, là aussi, un effet inédit.
Pour aider ceux qui hésitent encore à recevoir la communion dans la main, libres de tout débat stérile qui divise les cœurs, j’invite à réfléchir à la signification spirituelle du geste de communion. Car nous savons tous qu’aucun geste ne garantit absolument contre l’irrespect, la maladresse, les attitudes ambigües, distraites, désinvoltes ou perverses. En revanche, l’humilité est la clé pour bien « recevoir le Roi ». Les paroles dites avant de communier doivent être intériorisées : « Seigneur, je ne suis pas digne de te recevoir, mais dis seulement une parole et je serai guéri ». Le geste qui suit cette parole doit exprimer cette même humilité et cette même confiance dans la grâce du Seigneur.
Mettre une main dans l’autre pour accueillir le Christ dans sa paume, comme cela a été fait aux débuts de l’Église, signifie que l’on reçoit le Christ, présent sacramentellement. Le geste de porter ensuite à sa bouche le Corps du Christ, comme l’acte de la manducation, et ensuite de l’ingestion, exprime notre participation active à cette réception de la grâce et notre désir en retour du don entier de notre vie – corps, esprit et âme – à Celui que nous venons d’ingérer. Recevoir, accueillir, rendre grâce : voilà ce qui rend droite et bonne notre démarche de communion eucharistique. C’est pourquoi le fidèle ne doit pas se communier lui-même, ne doit pas prendre lui-même l’hostie dans la patène ou le ciboire. Lorsqu’on porte la communion à un malade en dehors de la messe, il reçoit d’un autre, mandaté par l’Église, le précieux don qui vient du Seigneur. Ce qui importe, c’est de recevoir ce que Dieu nous donne.
Saint Paul VI a voulu autoriser la communion dans la main pour « rendre Jésus Eucharistie plus proche des fidèles ». Cela s’inscrivait en continuité avec le Concile de Trente et avec saint Pie X qui souhaitaient promouvoir la communion fréquente, pour qu’elle soit « accessible à tous les fidèles » à la seule condition d’être « en état de grâce » et de s’en approcher « avec une intention droite ». Les conditions pour bien communier ne sont pas dans les gestes, mais dans le cœur : l’état de grâce et la droiture d’intention. Les gestes de communion que l’Église autorise font réaliser que toute grâce vient de Dieu par son Fils Jésus-Christ qui nous a sauvés par sa mort et sa résurrection. Méditons sur l’immense respect que nous devons porter aux Saintes Espèces, tout autant que sur l’importance de la communion ecclésiale qui nous engage à surmonter les dissensions et les jugements mutuels. Ne nous trompons pas de combat : le péché n’est jamais dans l’obéissance à l’Église, mais il se cache dans le repli sur soi et l’indifférence envers Dieu qui se donne à nous et envers les pauvres en qui Il attend notre charité.
Frères et sœurs, je supplie le Seigneur de nous donner son Esprit-Saint, pour que nous ayons la force et le discernement nécessaires pour accueillir notre Salut en Jésus-Christ, en recevant son Corps, son Sang, son Âme, son Humanité, sa Divinité.
+ Laurent Camiade, évêque de Cahors