Chers diocésains,
Le 22 septembre 2018, comme prévu, nous clôturerons l’année Alain de Solminihac en fêtant les 400 ans de son ordination presbytérale en présence de plusieurs évêques et autres prélats. J’espère que nous serons nombreux à participer à ce rassemblement dans notre cathédrale de Cahors où Alain de Solminihac a vécu tant d’événements importants durant les 23 années de son épiscopat. Nous porterons l’intention des vocations auprès du bienheureux Alain pour notre diocèse et pour toute l’Église, en particulier les diocèses de France les plus pauvres et pour que les jeunes ouvrent leur cœur aux appels du Seigneur : Dieu veut pour eux une vie sainte et heureuse ! Nous continuerons par la suite à prier toujours pour les vocations religieuses et aux ministères ordonnés. C’est une habitude à garder.
Pour l’année 2018-2019, je propose que notre diocèse travaille plus particulièrement une des épîtres pauliennes : l’épître aux Ephésiens.
En effet, nous avons promulgué le 9 décembre 2017 la Charte des paroisses qui nous engage à mettre en place des structures en vue de la mission d’annonce de l’Évangile et j’ai précisé que nous avions jusqu’à l’été 2019 pour le réaliser. Notre Charte commence peu à peu à être appliquée dans diverses paroisses. En particulier, on progresse dans la mise en place des conseils pastoraux des paroisses et des équipes d’animation pastorale (EAP). Mais, comme tout changement, cette mise en œuvre de la charte demande aux ministres ordonnés et aux fidèles laïcs de renoncer à certaines habitudes sécurisantes. Où aurons-nous la messe le dimanche ? Qui va enterrer nos morts ? Dans quelles conditions célébrer le baptême de notre enfant ? Qui va rassembler des jeunes pour leur proposer des itinéraires spirituels ? Les réponses à ces questions et à beaucoup d’autres tiendront compte de la Charte des paroisses .
Rappelons quelques points d’insistance contenus dans notre Charte des paroisses :
– il n’est pas bon qu’un prêtre porte seul la charge d’une paroisse car c’est l’Esprit Saint qui est l’agent principal de la mission (cf. Charte des paroisses, I.3, p. 4). L’Église doit discerner les charismes aussi chez les laïcs en vue du bien de tous et de la communion (ib. I.4, pp 4-5).
– les paroisses sont appelées à collaborer entre elles, s’entraider, au service de la Mission du Christ, Rédempteur du monde (ib. I.5, p. 5).
– la paroisse doit articuler et intégrer ses services (catéchèse, catéchuménat, funérailles et sacrements, convivialité, caritatif, animations pastorales, etc.), ses familles (« premiers lieux de rayonnement de la foi »), ses relais et pôles (équipes locales qui font le lien de proximité autour des clochers), les fraternités locales ou les autres fraternités, mouvements et communautés (cf. Charte, II., pp. 6-9).
– pour la structure des paroisses, une implication forte de beaucoup de chrétiens est demandée. De nouvelles formes de collaborations, une ouverture, bien au-delà des traditionnels « clochers » à la communion de l’Église sont à rechercher (cf. Charte, III., pp. 6-9).
– cette organisation a pour finalité la Mission et le projet pastoral missionnaire est la clé d’une dynamique paroissiale enthousiasmante, adaptée aux réalités locales et vraiment ajustée au projet de Dieu, dans le souffle du Saint-Esprit.
L’épître aux Ephésiens offre un itinéraire spirituel pour nous aider sur ce chemin de conversion pastorale, pour que notre vie chrétienne soit ouverte au monde et vraiment en synergie avec l’œuvre du Saint-Esprit.
Dieu appelle tous les baptisés à la sainteté
Cette lettre attribuée à saint Paul commence, dans un bel hymne à méditer et prier, par affirmer que Dieu nous appelle à la sainteté. Toute notre identité chrétienne s’enracine dans un appel de Dieu. Dans son exhortation apostolique sur l’appel à la sainteté, le pape François explique pourquoi il a choisi d’insister sur ce thème, précisément en citant la lettre aux Ephésiens : « le Seigneur a élu chacun d’entre nous pour que nous soyons « saints et immaculés en sa présence, dans l’amour » (Ep 1, 4) » (Gaudete et Exultate, 19 mars 2018, n° 2). Notre engagement dans la vie de nos paroisses n’a pas pour but un confort spirituel individuel ni de poursuivre des habitudes commodes mais de parvenir au bonheur que donne la grâce du Seigneur, qu’il « a fait déborder jusqu’à nous en toute sagesse et intelligence » (Ep 1,8) en vue de « mener les temps à leur plénitude, récapituler toutes choses dans le Christ, celles du ciel et celles de la terre » (Ep 1,10). Autrement dit, nous n’avons pas notre bonheur en nous-mêmes, dans la préservation de nos habitudes, mais dans l’accomplissement du projet de Dieu qui est de tout faire converger dans le Christ.
Cela nous invite à contempler le Christ, passant de la mort à la vie : « Et vous, vous étiez des morts à cause de vos fautes... et nous aussi, nous étions tous de ceux-là... mais Dieu est riche en miséricorde... il nous a donné la vie avec le Christ : c’est bien par grâce que vous êtes sauvés » (Ep 2,1...8). Faire le deuil des anciennes formes de notre vie paroissiale pour laisser le Christ nous relever et impulser en nous le souffle de sa vie de Ressuscité, voilà la dynamique à laquelle nous appelle la Charte des paroisses.
Dépasser les clivages grâce à la croix du Christ
Cette communion nouvelle dans le Christ porte des fruits extraordinaires : aux débuts de l’Église, elle a réuni juifs et païens qui, jusque-là, étaient incompatibles (cf. Ep 2,11-13).
Peu importe ce qui, dans le passé, a pu produire ou renforcer un esprit de concurrence, de rivalité ou d’incompatibilité entre les habitants de deux villages voisins. Il est triste qu’il existe encore des réflexes de repli, mais notre Charte des paroisses ne pourra être mise en œuvre que grâce au Christ crucifié qui unifie tous les baptisés en « une seule réalité » (Ep 2,14), dans un effort de fraternité.
Des clivages idéologiques pèsent encore trop au sein même de nos paroisses. Sensibilités, générations ou cultures ne devraient pas diviser ceux que le Christ a rachetés par son sang.
Le Christ, « par le moyen de la croix, en sa personne, a tué la haine » (Ep 2,16). Si elle est vécue dans l’union à la croix du Christ, toute expérience difficile, douloureuse, de renoncement et de remise en question de nos schémas ou de nos goûts personnels, contribue à ce que nous soyons « intégrés dans la construction qui a pour fondation les Apôtres et les prophètes ; et la pierre angulaire, c’est le Christ Jésus lui-même. En lui, toute la construction s’élève harmonieusement pour devenir un temple saint dans le Seigneur. En lui, vous êtes, vous aussi, des éléments d’une même construction pour devenir une demeure de Dieu par l’Esprit Saint » (Ep 2,20-22).
Accepter les autres avec leurs tendances est une tâche laborieuse de tout itinéraire chrétien, mais cela en vaut la peine car cela purifie notre intention : si c’est bien le Christ en qui j’ai mis ma confiance, le reste (mes idées, mes sentiments, mes préférences) peut passer au second plan et même s’intégrer humblement comme des éléments dans l’harmonie d’une construction plus belle, où nous avons tous besoin les uns des autres.
Annoncer l’Évangile à tous
La méditation de la lettre aux Ephésiens, si elle nous permet d’approfondir la communion entre nous, nous aidera aussi à faire grandir en nos cœurs la conviction que « toutes les nations ont été associées au même héritage, au même corps, au partage de la même promesse, dans le Christ Jésus, par l’annonce de l’Évangile » (Ep 3,6). Cela veut dire que nos communautés paroissiales doivent être motivées par l’annonce de l’Évangile.
Le conseil pastoral, l’Equipe d’Animation pastorale, le conseil paroissial des affaires économiques et tous les fidèles doivent être habités par ce désir de l’annonce de l’Évangile qui est le moyen donné par Dieu pour que « toutes les nations », à commencer par les habitants de nos villages et de nos villes qui aujourd’hui ignorent, méconnaissent ou négligent la bonne nouvelle de Jésus, puissent partager la même promesse, le même bonheur de se savoir aimés et sauvés par le Christ. Reconnaissons d’ailleurs qu’il nous arrive aussi à nous tous chrétiens de méconnaître, voire de négliger le don précieux que Dieu nous a fait de son amour en Jésus-Christ. La prière que nous pouvons alors faire les uns pour les autres est : Que le Christ habite en nos cœurs par la foi ; que nous restions enracinés dans l’amour, et établis dans l’amour (cf. Ep 3,17) !
La diversité des dons de Dieu à son Église
Etre établis dans l’amour favorise l’unité du Corps du Christ (l’Église) en même temps que la diversité des charismes. C’est le fondement de notre Charte des paroisses : l’organisation à partir des ministères ordonnés, des missions des baptisés laïcs en paroisse et de tous ceux qui mettent leurs dons au service de l’annonce de l’évangile, soit par la catéchèse, soit par le témoignage, soit par des œuvres en faveur des plus fragiles, soit encore dans l’action liturgique, tout cela est fondé sur le principe de l’unité du Corps du Christ articulé à la diversité des charismes : « les dons que le Christ a faits, ce sont les Apôtres, et aussi les prophètes, les évangélisateurs, les pasteurs et ceux qui enseignent » (Ep 4,11) : notons bien la diversité des termes employés par l’Apôtre Paul : cette diversité montre qu’il n’y a pas seulement les diacres, les prêtres et les évêques, mais divers services de la parole de Dieu. « De cette manière, les fidèles sont organisés pour que les tâches du ministère soient accomplies et que se construise le Corps du Christ, jusqu’à ce que nous parvenions tous ensemble à l’unité dans la foi et la pleine connaissance du Fils de Dieu, à l’état de l’Homme parfait, à la stature du Christ dans sa plénitude » (Ep 4,12-13).
Selon cet enseignement de l’Écriture, pour parvenir à l’état de l’Homme parfait, autrement dit à la pleine maturité chrétienne, les fidèles (laïcs ou ministres ordonnés) ont besoin les uns des autres et d’une bonne organisation de l’Église-Corps du Christ. C’est les uns par les autres que nous grandissons dans la foi et la pleine connaissance du Christ et que nous prenons notre réelle stature de chrétiens. « Par le Christ, dans l’harmonie et la cohésion, tout le corps poursuit sa croissance, grâce aux articulations qui le maintiennent, selon l’énergie qui est à la mesure de chaque membre. Ainsi le corps se construit dans l’amour » (Ep 4,16).
Cette conversion d’une organisation ecclésiale qui attend, dans la cohésion, la grâce de progresser en sainteté, produit alors des fruits de conversion morale, la « transformation spirituelle de votre pensée » (Ep 4,23). « Aucune parole mauvaise ne doit sortir de votre bouche ; mais, s’il en est besoin, que ce soit une parole bonne et constructive, profitable à ceux qui vous écoutent » (Ep 4,29).
Notre vie ecclésiale se développe aussi dans la louange et l’action de grâce : « Dites entre vous des psaumes, des hymnes et des chants inspirés, chantez le Seigneur et célébrez-le de tout votre cœur » (Ep 5,19).
Au service d’un renouvellement des relations sociales
La lettre aux Ephésiens, dans un langage à bien contextualiser, décrit ensuite la nouveauté évangélique des relations familiales et sociales, entre maris et femmes, entre parents et enfants, entre maîtres et esclaves. On peut reprocher à ce texte de ne pas proposer d’alternative aux hiérarchies sociales de son temps. En réalité, en présentant la relation à Dieu et l’union au Christ comme modèle des liens humains, ce texte engage à un renoncement profond à nos tentations d’asservir nos frères. La conclusion est plus radicale que toute autre contestation car elle sapera l’idée même d’esclavage : « vous le savez bien, le Maître est dans le ciel, et il est impartial envers les personnes » (Ep 6,9).
Cette réflexion contient déjà en germe toute la pensée sociale de l’Église et ses principes de la recherche du bien commun et de l’égale dignité de toutes personnes humaines. Cela nous rappelle qu’une vie paroissiale doit aider tout le monde à repenser et à convertir les relations familiales et sociales, les manières de servir les personnes les plus fragiles. Car Dieu « est impartial envers les personnes ». Cette impartialité du regard de Dieu nous invite à accueillir la vulnérabilité humaine plutôt que de rêver d’un homme augmenté qui serait une version supérieure de l’humanité, supposée corriger les défauts de conception de la race humaine primitive.
La Charte des paroisses indique que chaque membre du conseil pastoral d’une paroisse doit être particulièrement attentif aux « préoccupations humaines et spirituelles du milieu dans lequel il vit » (Charte III.2, p.12). Pour en donner un exemple significatif, dernièrement, le conseil pastoral diocésain a réfléchi à la situation des personnes surendettées, des entreprises en difficulté, des agriculteurs parfois découragés ou révoltés qui sont assez nombreux dans le Lot. Nous avons vu que certains sont amenés à désespérer parce qu’ils n’ont pas su ni se faire aider, ni à qui s’adresser pour dépasser la honte d’un sentiment d’échec personnel. Pourtant, bien souvent, la conjoncture ou la pression des offres de prêts ou d’investissement est une cause plus prégnante que d’éventuelles erreurs de gestion.
L’Église, au nom de la fraternité chrétienne, doit soutenir les personnes qui traversent ce type d’épreuves en les aidant à chercher les vraies solutions. Penser à ces situations, y réfléchir entre chrétiens, proposer une écoute et un soutien amical et prier pour ceux qui les vivent est une des tâches essentielles de nos paroisses : « en toute circonstance, que l’Esprit vous donne de prier et de supplier : restez éveillés et assidus à la supplication pour tous les fidèles » (Ep 6,18).
Pour l’année pastorale 2018-2019, plusieurs projets se dessinent dans notre diocèse :
– Formation : dans l’élan de la mise en œuvre de la Charte des paroisses, une bonne cinquantaine de membres des EAP (ou pressentis pour le devenir) participent au cycle de formation proposé sur 7 samedis. Ce succès confirme une réelle soif de formation. La proposition de formation pour les fidèles laïcs est donc un effort que nous poursuivrons ;
– Visites pastorales : pour approfondir ma connaissance du diocèse et encourager la mise en œuvre de la Charte des paroisses, je commencerai des visites pastorales en octobre 2018, jusqu’en 2020. Je passerai 6 jours dans chaque paroisse visitée, à la rencontre des chrétiens mais aussi des réalités humaines du territoire de la paroisse. 5 ans après les visites pastorales de Mgr Turini, il est temps de revivre ce temps de grâce pour notre diocèse ;
– La lettre aux Ephésiens : comme indiqué dans le corps principal de cette lettre, j’invite les paroisses et tous les groupes, mouvements, services, communautés du diocèse à relire et travailler la lettre aux Ephésiens, soit en constituant des groupes de lecture, soit lors de conférences, par exemple pendant l’Avent et pendant le Carême, en y puisant des repères pour vivre la mise en œuvre de la Charte des Paroisses. Ce n’est pas un texte très long mais plutôt dense, il invite à se poser un certain nombre de questions, à méditer paragraphe après paragraphe et, parfois, à rechercher la vraie signification des formules qui peuvent nous étonner ou nous heurter. A la lumière de ce beau texte du Nouveau Testament j’invite donc l’ensemble du diocèse à un approfondissement de notre vie spirituelle et à une maturation de nos relations dans le Christ ;
– Pastorale familiale : la pastorale familiale est un enjeu important pour l’Église. J’avais annoncé dans ma lettre pastorale de l’an dernier l’intention de recréer une équipe diocésaine. Cela devrait se faire très prochainement. L’enjeu ne sera pas de multiplier des propositions mais de porter cette préoccupation capitale de façon patiente, en s’appuyant sur ce qui existe déjà et en proposant quelques moyens de formation, dans la continuité de l’exhortation post-synodale du pape François Amoris laetitia (2016), sur l’amour dans la famille ;
– Recueil de procédures économiques : à l’usage des paroisses et services du diocèse, est promulgué le 22 juin 2018 un recueil de procédures. C’est une mise à jour attendue pour homogénéiser nos pratiques en conformité aux règles légales contrôlées par notre commissaire aux comptes. Ainsi, les dons des fidèles et les dépenses au service de la Mission seront gérés de façon encore plus lisible et plus cohérente.
– 900 ans de la cathédrale : en 2019, nous célèbrerons les 900 ans de la consécration de la cathédrale Saint-Etienne de Cahors. Cet événement religieux et historique va toucher un nombre vaste et diversifié de personnes à Cahors et ses alentours. Je souhaite que pendant cette période d’anniversaire, chaque doyenné organise un pèlerinage à la cathédrale, l’église-mère du diocèse. Je serai heureux de vous y accueillir pour un temps fort de communion, de joie et d’action de grâce pour ce que nous avons reçu de Dieu, 9 siècles d’histoire nous ayant « enracinés dans l’amour » (Ep 3,17).
Le bienheureux Alain de Solminihac a marqué l’histoire de France par l’intensité de sa foi au Christ, son extraordinaire proximité avec le Peuple de Dieu et son souci d’une formation chrétienne solide et d’une organisation juste de l’Église. Il avait compris que pour changer quelque chose dans l’Église, il faut d’abord se réformer soi-même. Qu’il veille sur notre désir de parvenir ensemble « à la stature du Christ dans sa plénitude », « enracinés et établis dans l’amour » (Ep 4,13 & 3,17) et que Notre-Dame de Rocamadour veille sur notre Diocèse et sur le monde entier !
Mgr Laurent CAMIADE
Evêque de Cahors
La lettre pastorale sera disponible en version papier dans votre paroisse à partir du 18 juin 2018.
Lettre pastorale à télécharger ci-dessous :