2017-2018
Année des vocations, avec le bienheureux Alain de Solminihac
(ordonné prêtre il y aura 400 ans le 22 septembre 2018)
Une immense soif de liberté et de renouveau caractérise notre époque, spécialement chez les jeunes. Même si le vieillissement de la population la cache parfois, ne soyons pas aveugles devant cette formidable disponibilité de notre jeunesse !
La société moderne offre une grande quantité de possibilités pour développer des activités qui ont un sens, qui permettent de se savoir utile. En participant à l’amélioration du monde, beaucoup de nos contemporains montrent qu’ils portent en eux cette intuition qu’ils ne sont pas sur terre par hasard.
La Bible nous apprend que toute personne humaine est appelée par Dieu pour une mission à la suite de Jésus-Christ. C’est une immense source de joie dont l’Église veut témoigner au milieu du monde. Chacun a sa place dans l’Église.
1. Les vocations et le bienheureux Alain
Alain de Solminihac (1593-1659) a été religieux et prêtre. Il a aussi été diacre, ce qui fut pour lui comme pour tout prêtre, une étape vers le presbytérat qui oriente le ministère sacerdotal vers le service des plus pauvres. Ses multiples œuvres auprès des pestiférés, des pauvres et des orphelins en témoignent largement. Alain devient finalement évêque de Cahors mais, si c’est un appel nouveau, il est clair que l’appel à l’épiscopat déploie la dimension pastorale déjà claire de sa vocation sacerdotale. Le don total de lui-même en est la clé de voute. Au roi qui l’a nommé à Cahors il écrit : « vous ne m’avez pas donné un diocèse, mais vous m’avez donné à un diocèse ». Alain de Solminihac a souvent exprimé son estime et même son amour de sa chère vocation sacerdotale. Il en parlait comme d’une tendre épouse : « il semblait un enfant après elle, la caressant par des noms affectueux et respectueux jusque-là qu’il ne pouvait se tenir de l’appeler adorable » écrivait son premier biographe, Leonard CHASTENET en 1663 (p. 11).
Les conditions de sa vocation, sa formation, le contexte de son temps, son goût spirituel personnel pour le silence et une certaine rigueur de vie ont façonné son profil personnel d’une façon en plusieurs points éclairante pour une réflexion sur les vocations dans le contexte actuel.
La vocation du bienheureux Alain et les vocations aujourd’hui
Il est intéressant de remarquer qu’il a découvert sa vocation parce que son oncle, Arnaud, abbé de Chancelade, âgé de soixante-dix ans, lui a demandé de venir voir s’il ne pourrait pas lui succéder. Ses deux frères plus âgés, André, puis Jean de Solminihac, après quelques jours auprès de leur oncle, ne lui ont pas semblé dans les bonnes dispositions. Quand vint le tour d’Alain, l’oncle redoutait un troisième échec parce qu’il connaissait le projet d’Alain d’entrer dans l’ordre de Malte. Mais ce dernier manifesta toutes les aptitudes à la vie religieuse et reconnut, dans l’appel de son oncle, un signe de Dieu. Alain accepta de renoncer au prestigieux ordre chevaleresque pour s’engager dans l’abbaye de Chancelade en ruines.
Un vieil homme a donc été pour Alain l’instrument de Dieu pour faire connaître son humble vocation religieuse au jeune homme qui rêvait de batailles et de victoires. Appeler des jeunes, leur confier des responsabilités, leur faire confiance avec discernement, c’est participer à l’œuvre de Dieu. C’est toujours également un risque, un effort pour surmonter la peur paralysante de se tromper.
Aujourd’hui encore, se préoccuper de l’appel des jeunes aux vocations spécifiques (prêtres, religieux, religieuses, consacrés) c’est viser leur bonheur, offrir du sens à leur vie et favoriser l’accomplissement de leur être en vue de l’éternité promise.
L’appel à se consacrer à Dieu mobilise toute une vie avec une part de renoncement. Ce type d’appel ne prend sens qu’au sein d’une communauté chrétienne concrète qui croit à la pertinence de la vocation de quelques-uns de ses membres à renoncer au mariage pour servir comme prêtre ou pour la vie religieuse. Ces appels particuliers s’articulent avec toutes les autres formes d’appel comme l’appel à devenir diacre qui s’adresse aussi bien à des hommes mariés que célibataires ou les autres missions comme catéchistes, animateurs pastoraux ou membres d’équipes pastorales ou autres responsabilités de tous ordres dans l’Église. Les appels spécifiques à consacrer toute sa vie dans le célibat éclairent aussi la signification spirituelle des autres choix de vie comme le mariage qui se comprend et se vit mieux s’il est vu comme libre choix d’aimer d’une manière précise et belle, comme don de soi au conjoint.
Axes pastoraux pour l’année 2017-2018 : prière et accueil des initiatives des jeunes
L’insistance pastorale de cette année 2017-2018, sans ignorer les autres chemins de sainteté ni la complémentarité des vocations, est de demander à Dieu pour notre Église diocésaine la grâce d’interpeler, d’accompagner et d’accueillir des futurs prêtres et des futurs religieux et religieuses.
Cet accent sur la prière pour les vocations, inspirée et soutenue par le bienheureux Alain de Solminihac, doit stimuler la poursuite des orientations déjà prises les années précédentes, comme en particulier le développement de l’adoration eucharistique, l’approfondissement de la doctrine sociale de l’Église, l’annonce de la bonne nouvelle de la Miséricorde jusqu’aux coins les plus isolés du département, le renforcement de nos structures diocésaines, de doyenné et paroissiales.
La prière est le premier chemin de cette année des vocations. Mais notre prière serait en contradiction avec nos actes sans nos efforts d’accueil des plus jeunes dans nos communautés. Tous les conseils paroissiaux devraient se demander cette année quelle place est faite aux jeunes dans la paroisse. Pour développer l’intégration des jeunes (16-29 ans) et leur offrir la possibilité de jouer leur rôle, nous pourrons évaluer ce qui est réalisable, en se gardant de commencer par dire que les jeunes chrétiens n’existent pas chez nous. Dans toutes les paroisses on rencontre des jeunes de la tranche d’âge 16-29 ans au moins ponctuellement, ne serait-ce que pour des demandes de baptêmes ou à l’occasion de funérailles, de fêtes locales ou de visites dans des familles. Si nos propositions les intéressent peu, il est temps de se demander pourquoi, d’analyser avec eux les freins et les portes ouvertes.
Il ne s’agit pas d’oublier les plus anciens avec tout ce qu’ils ont accompli durant de longues années, mais de favoriser l’inter-génération qui, dans nos communautés, n’est pas toujours vécue. Nos conseils paroissiaux, par exemple, ont trop souvent une pyramide des âges inversée. Pourquoi ne pas inviter des jeunes au conseil paroissial, occasionnellement ou à l’année ? En quels lieux la voix et les idées des jeunes sont-elles prises en compte et discutées pour être mises en œuvre avec fruit ? De quels moyens disposons-nous pour accompagner les jeunes ? Comment former mieux les adultes qui les aident dans leur cheminement ? Il sera par ailleurs très bénéfique de travailler le document synodal proposé par le pape en vue du synode romain d’octobre 2018 sur « les jeunes, la foi et le discernement des vocations ».
Importance de la formation
Interpelé par son oncle en 1614 pour lui succéder comme abbé de Chancelade (Dordogne), le bienheureux Alain de Solminihac s’est préparé le plus sérieusement possible à son ordination sacerdotale (22 septembre 1618). Mais, comme la formation des prêtres voulue par le Concile de Trente n’existait pas encore en France, il doit se préparer par ses propres moyens, en lisant, en priant, en consultant des prêtres expérimentés.
Le bienheureux Alain a très vite senti le besoin d’approfondir sa formation à Paris où il part dès la fin de l’année 1618, après avoir déjà remis en prière son abbaye, en y rétablissant la liturgie quotidienne au chœur et la vie fraternelle qui avaient été abandonnées, du fait du relâchement de l’époque. Arrivé à Chancelade jeune novice âgé de 21 ans, il prêche d’abord par l’exemple : il prie lui-même chaque jour au chœur une heure en silence avant de chanter les offices. Peu suivi au début, il obtient, dès 1617, que tous ses religieux chantent l’office quotidien au chœur et que les repas soient pris en communauté. La réforme de l’abbaye est amorcée, mais il sent le besoin de mieux se former spirituellement et théologiquement. Sa démarche devrait inspirer tous ceux qui s’engagent dans l’Église ou aussi comme chrétiens dans le monde, pour oser prendre du temps et des moyens pour approfondir leur formation chrétienne et relire leurs engagements à la lumière de la Parole de Dieu.
A Paris, le bienheureux Alain bénéficie des meilleurs maîtres spirituels jésuites et il approfondit la spiritualité de « l’école française ». Pendant l’année 1619, saint François de Sales, évêque de Genève et un des principaux maîtres de cette école spirituelle, y donne 165 sermons et Alain peut l’entendre et le rencontrer.
Plus tard, comme abbé de Chancelade, puis comme évêque de Cahors, le bienheureux Alain attache une importance capitale à la formation des prêtres et des futurs prêtres. Le séminaire de Cahors est, dit-on, le premier séminaire diocésain français voulu et fondé par l’évêque (d’autres séminaires ont existé auparavant à l’initiative de prêtres et de religieux, spécialement les lazaristes de saint Vincent de Paul). Les débuts de cet établissement n’ont pas été faciles mais la ténacité du bienheureux Alain et, finalement, le recours aux lazaristes comme principaux formateurs ont peu à peu permis son succès.
Notre service diocésain de formation permanente des laïcs devra articuler des propositions avec les autres services diocésains. Il conviendra, en particulier, d’encourager des formations conjuguant une partie fondamentale pour tous, en sorte que la Parole de Dieu apparaisse clairement comme source de notre vie, et des modules propres à chacun des services diocésains. Une formation pour les membres des Equipes d’Animation Pastorale (EAP) devra aussi être développée. De façon plus générale, les paroisses ont à renforcer leurs liens avec les services du diocèse. Le modèle spirituel de ce travail commun est celui du corps, appelé à poursuivre « sa croissance en Dieu, grâce aux articulations et aux ligaments qui maintiennent sa cohésion » (cf. Col 2,19).
2. La prière et les vocations
Répondre à l’appel de Dieu suppose une relation vivante à Jésus-Christ, une sortie libératrice de soi-même mais aussi un discernement précis de cet appel. Pour discerner, il faut reconnaître les appels reçus, à travers des émotions, des paroles, l’affinité que l’on perçoit avec tel ou tel passage de l’Évangile ; puis il est nécessaire d’interpréter ces appels, afin de poser un choix, qui sera toujours un acte libre.
Ces étapes nécessitent un accompagnement spirituel, un dialogue avec un « grand frère » plus expérimenté qui aide à voir clair.
Prier pour ouvrir son cœur aux motions du Saint-Esprit
Le bienheureux Alain de Solminihac a bénéficié de l’école des jésuites pour le discernement. Il sait parfaitement que la vie chrétienne s’enracine dans la contemplation des mystères du Christ : « Regardons incessamment Jésus Christ afin de l’imiter ».
Il a aussi enseigné cette disponibilité spirituelle à toutes les motions intérieures que le Saint-Esprit ne cesse de donner à une âme qui a l’habitude de la prière : « Il faut suivre le bon plaisir de Dieu dès qu’on le connaît et l’accomplir en tournant immédiatement ses yeux vers Dieu, demeurant dans une simple attente pour recevoir un autre signe ou commandement ».
Même s’ils ne sont pas aussi avancés spirituellement, il est toujours impressionnant de voir comment des jeunes sont attirés par Dieu à l’occasion d’un rassemblement comme les JMJ ou dans leur simple service auprès des malades au pèlerinage à Lourdes ou dans tout autre groupe, paroisse ou rassemblement, ou bien à Rocamadour au cœur d’une mission d’été d’évangélisation des touristes, etc.
La prière pour les vocations n’est donc pas sans effet car il faut vraiment une action spéciale de Dieu pour qu’un garçon ou une fille, par des médiations extérieures souvent inattendues, perçoive avec évidence qu’il faut bouger, tenter l’aventure d’un choix de vie religieuse, missionnaire ou en vue d’être prêtre.
La prière d’intercession
Le bienheureux Alain faisait souvent prier publiquement pour la paix ou pour éloigner la peste. Les vocations arrivaient en grand nombre.
Pour notre temps, l’intention pour la paix est toujours d’actualité, la peste est souvent combattue par d’autres moyens que la prière même si nous prions aussi pour les malades, quand à l’intention de la prière pour les vocations, elle est devenue une urgence. « La moisson est abondante mais les ouvriers sont peu nombreux, disait le Seigneur Jésus, priez donc le maître de la moisson d’envoyer des ouvriers pour sa moisson » (Mt 9,37-38).
Beaucoup de personnes disent « nous avons déjà prié pour les vocations mais cela n’a rien donné ». Il est vrai que nous ne voyons pas toujours les fruits de notre prière. Peut-être a-t-elle porté du fruit loin de nos yeux ou est-elle en train d’en porter sans que nous le voyions. Jésus invite souvent à prier sans se décourager comme avec la fameuse parabole de la veuve importune qui relance sans cesse son juge pour qu’il lui rende justice (cf. Lc 18,1s).
La prière d’intercession pour demander des prêtres exige aussi une attitude concrète d’accueil pour le ou les prêtres que le Seigneur nous donne aujourd’hui et qui nous annoncent l’Évangile. Ils sont peut-être déjà la réponse à notre prière, au moins, ils sont une première réponse. De bien des manières, le Seigneur, comme il nous l’a promis, ne nous laisse pas orphelins (cf. Jn 14,18). A nous d’accueillir sa présence, telle qu’elle se donne.
Nous en remettre à Marie
Le bienheureux Alain a obtenu que le sanctuaire de Notre-Dame de Rocamadour demeure dans le diocèse de Cahors. Ce n’était pas par esprit de conquête ni par intérêt mais bien pour que l’accueil des pèlerins y soit plus soigné et en signe de la confiance profonde du bienheureux évêque en l’intercession de la mère du Christ.
Confions-nous aussi à Marie cette année des vocations pour que l’Église accompagne avec son cœur maternel tous les jeunes dans leur accueil de l’appel à l’amour et à la vie. Jeune femme de Nazareth, qui à chaque étape de son existence, accueille la Parole et la garde en la méditant en son cœur (cf. Lc 2, 19), Marie a parcouru ce chemin la première. Que Notre-Dame de Rocamadour soutienne notre démarche diocésaine avec le bienheureux Alain et qu’elle guide spécialement les jeunes qui cherchent leur voie. Qu’il leur soit fait selon la parole du Seigneur !
Mgr Laurent CAMIADE
Evêque de Cahors
La lettre pastorale est disponible en version papier dans votre paroisse, et vous pouvez aussi la télécharger via le lien ci-dessous.
ANNEXE
Poursuivre les orientations déjà prises pour notre diocèse.
L’année avec le bienheureux Alain de Solminihac ne va pas être une parenthèse dans les orientations que j’ai proposées l’an dernier dans ma lettre pastorale de septembre 2016 : le Seigneur nous a choisis pour servir en sa présence et l’approfondissement de ce mystère qui nous concerne tous doit se poursuivre. En particulier :
– l’adoration : l’année Alain de Solminihac débute le 18 juin 2017, jour de la Fête du Très Saint Sacrement du Corps et du Sang du Christ. La mise en place de relais d’adoration dans les doyennés a commencé peu à peu mais doit encore être plus clairement définie et annoncée.
– la doctrine sociale de l’Église : le bienheureux Alain de Solminihac a réussi à assumer ses responsabilités d’évêque et de baron et comte de Cahors d’une manière exemplaire, en des temps différents du nôtre, mais selon des principes qui sont toujours actuels. Il pourra inspirer et renouveler certaines de nos réflexions !
– la bonne nouvelle de la miséricorde : Le bienheureux Alain est connu pour, suivant les directives du concile de Trente, avoir exigé des prêtres qu’ils prêchent dans la langue du peuple et avoir envoyé dans les paroisses des prédicateurs qui savaient attirer l’attention des gens, trouver des formes attrayantes de prédication qui répondent aux questions qu’ils se posaient.
– Les doyenné et la charte des paroisses : ce travail sur l’adaptation de nos structures pastorales commencé l’an dernier devra s’intensifier et se développer, dans un esprit missionnaire à l’image du bienheureux Alain qui avait parfaitement en tête la carte de son diocèse qu’il ne cessait de parcourir afin que les paroisses mettent en œuvre les réformes du dernier Concile.