Toussaint

Samedi 1er novembre 2025.

 Homélie de Mgr Laurent Camiade :

Mes frères,

Il n’est pas très fréquent qu’un film à caractère religieux soit diffusé et tienne pendant trois semaines au cinéma de Cahors et qu’il approche des 400 000 entrées en France. Ce docu-fiction, comme on dit, appelé « Sacré-Cœur » fait ressortir l’actualité du message des apparitions de Jésus à Sainte Marguerite-Marie, à Paray-le-Monial, entre 1673 et 1675.

En ce jour de Toussaint, noter qu’une sainte d’il y a 350 ans a toujours de l’influence n’est pas inintéressant. Autant, le succès du tout jeune saint canonisé très vite, Carlo Acutis, jeune italien mort à l’âge de 15 ans, passionné de l’eucharistie et rayonnant dans sa foi, même à l’heure d’une mort prématurée en 2006, se comprend parce qu’il est une figure moderne, celle du premier saint canonisé qui a vécu dans un monde avec internet ; autant le succès des expériences mystiques d’une sainte du XVII° siècle peut vraiment nous étonner. Mais son expérience est tellement forte et en lien avec l’amour de Jésus qu’elle a quelque chose de toujours actuel. Le cœur transpercé de Jésus sur la croix, ce cœur qui symbolise l’essentiel de la bonne nouvelle de l’amour de Dieu plus fort que la mort, d’un amour brûlant qui veut se communiquer, ce cœur doux et humble et pourtant plein d’ardeur, capable d’enflammer des générations et des générations de saints et de saintes, ce cœur est à la fois ancien, vieux de plus de deux millénaires et moderne, peut-être encore plus nécessaire dans une société en crise qui éprouve le sentiment de dessèchement apporté par les idéologies de la déconstruction et le nihilisme.

En fin de compte, il y a là un fil conducteur quand on regarde les saints qui ont marqué l’histoire et en particulier aussi l’histoire de notre diocèse de Cahors.

Aux IV° et V° siècles, des premiers saints évêques de Cahors, nous ne connaissons que les noms. Vient ensuite saint Rustique, au VI° siècle, qui ne craignait pas de fustiger les seigneurs dont la conduite était contraire à l’Evangile, courage qu’il paya de sa vie, noyé dans le Lot par des mercenaires. Son frère saint Didier, alors trésorier du roi Dagobert, fut envoyé pour succéder à Rustique à la demande de la population quercinoise qui voulait manifester une continuité dans le message évangélique pour rendre vain le crime accompli par les élites du temps. Didier accomplit ici de grandes œuvres qui marquent encore l’urbanisme de notre cité mais il fit cela sans oublier sa mission de « conduire le peuple selon Dieu ». Sa douceur et son humilité, son attention aux pauvres ont tout autant marqué son épiscopat que ces talents de gestionnaire et de bâtisseur.

Un millénaire plus tard, le bienheureux Alain de Solminihac, bien qu’il provienne également d’une famille noble, fut lui aussi une figure d’humilité et de charité envers les plus petits, un évêque discret, sans aucune exubérance, mais très populaire car sans cesse en contact avec la population de l’ensemble très vaste du territoire du Quercy.

Outre nos saints évêques, il faut évoquer ici sainte Spérie, décapitée au VIII° siècle, à l’âge de 20 ans pour n’avoir pas voulu épouser le noble parti que sa famille lui destinait et rester fidèle au Christ à qui elle s’était vouée. Le fruit de son offrande a été la conversion de ses assassins et la paix dans la région. A la fin du même VIII° siècle, vécut saint Namphaise, un homme humble et affable, devenu ermite en Quercy et créateur de lacs pour retenir l’eau de pluie et irriguer nos causses les plus arides. N’oublions pas non plus le bienheureux franciscain Christophe de Cahors, fondateur de plusieurs couvents dans le Quercy au XIII° siècle et dévoué aux lépreux et aux pauvres. Il fut averti en songe de la mort de saint François. Dans la ligne spirituelle du « petit pauvre d’Assise », c’était aussi un cœur simple et brûlant d’amour, doux et humble, à l’image de Jésus.

Parmi les saintes du Lot, n’oublions pas sainte Fleur, si pieuse religieuse du XIV° siècle, au service des pèlerins, des malades et des pauvres à Issendolus, près de Gramat. La salle capitulaire de son monastère vient d’être restaurée à l’Hôpital-Beaulieu et un ouvrage biographique vient d’être publié. Elle aussi était influencée par la spiritualité franciscaine et son âme brûlait d’amour pour Jésus. Sa force intérieure ne l’empêchait en rien de faire preuve de douceur et d’humilité.

Plus tard, le diocèse de Cahors a donné des martyrs pendant la période révolutionnaire, le bienheureux Claude Cayx, jésuite né à Martel et massacré parmi les 192 martyrs des carmes en 1792 ; le bienheureux Antoine Constans Auriel, prêtre originaire de Fajoles, arrêté en raison de son sacerdoce et interné sur un bateau négrier, où il se dévoua comme infirmier de ses confrères et fut massacré en 1794 parmi les nombreux martyrs des Pontons de Rochefort ; sainte Annette Pelras, née à Cajarc, carmélite de Compiègne, guillotinée sous la Terreur en 1794, très récemment canonisée. Après les martyrs de la révolution, notre diocèse de Cahors a encore donné à l’Église le premier saint canonisé de Chine, saint Jean-Gabriel Perboyre, né à Montgesty et torturé, puis étranglé en 1840. Sa prière se résume à ces quelques mots : « Que ma mémoire, mon intelligence, mon cœur soient la mémoire, l’intelligence et le cœur de Jésus ».

N’oublions pas non plus le bienheureux Pierre Bonhomme, curé de Gramat et fondateur des sœurs de N-D. du Calvaire, à qui il a donné pour modèle le Vierge Marie qui, au pied de la croix, regarde le cœur de Jésus transpercé par la lance. C’était un éducateur, un prédicateur et, avec les religieuses, il a institué des œuvres au service des sourds-muets, lui-même ayant perdu l’usage de la voix dans les dernières années de sa vie. Il avait écrit : « Mon modèle sera Jésus-Christ ; on se plaît à ressembler à celui qu’on aime ».

Tous et chacun des saints que j’ai cités ont traversé cette terre du Lot à leur manière propre, en imitant Jésus doux et humble de cœur. Pas étonnant, alors qu’un film sur le Sacré-Cœur puisse avoir du succès, même en 2025 à Cahors !

Au milieu de cette litanie, nous ne saurions omettre de citer la Vierge Marie, humble servante du Seigneur et mère du Sauveur, dont les grâces se manifestent partout et spécialement à Rocamadour. Combien de saints, de bienheureux, de vénérables et de serviteurs de Dieu sont venus ici la prier ! Elle marche en tête de cette foule immense dont parle l’Apocalypse dans la première lecture de ce jour : « une foule immense, que nul ne pouvait dénombrer, une foule de toutes nations, tribus, peuples et langues. Ils se tenaient debout devant le Trône et devant l’Agneau, vêtus de robes blanches, avec des palmes à la main. Et ils s’écriaient d’une voix forte : « Le salut appartient à notre Dieu qui siège sur le Trône et à l’Agneau ! » » (Ap 7,9-10) Puissent mes évocations rapides de quelques saints lotois nous aider à voir que cette foule est faite de visages et que, parmi ces visages, nous sommes en droit d’espérer qu’il y a aussi le nôtre, celui de chacun de vous qui formez ce matin cette assemblée. Pour nous tous, les baptisés, revêtus de robes blanches au jour de notre baptême, nous qui avons hérité de tant et tant de modèles de sainteté, l’enjeu est de demander au Seigneur de sanctifier nos cœurs, de les rendre semblables au sien et d’accomplir notre vocation propre, sans doute différente de celles des modèles proposés à notre vénération, mais comme eux d’une façon qui imite la manière de Jésus-Christ. Si nous mettons en lui une telle espérance, nous dit saint Jean, nous nous rendons « purs comme lui-même est pur » (1 Jn 3,3).

Amen.

+ Mgr Laurent Camiade,
évêque du diocèse de Cahors

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