La prière à la maison

Enseignement donné le 25 mai 2024 à Rocamadour - Fête diocésaine

Mgr Laurent Camiade, évêque du diocèse de Cahors :

Au cours d’une journée de rassemblement diocésain sur un lieu de pèlerinage, tandis que nous sommes plusieurs centaines, il peut sembler étrange d’aborder ce thème de la prière à la maison ! Mais le thème de notre journée est « en route vers la terre promise », aussi nous pouvons considérer que la terre promise est le « chez soi » que les hébreux désiraient après leur libération du joug égyptien. La terre promise est le lieu où l’on peut habiter et où l’on aura la liberté de rendre grâce pour les bienfaits de Dieu qui a donné une terre à son Peuple.

Du reste, toute terre est une terre sainte car l’Esprit Saint renouvelle la face de la terre et nous pouvons comprendre, depuis que Dieu s’est fait homme, que Dieu est présent à tout ce qui est humain et il habite nos maisons comme Jésus a résidé dans la maison de saint Pierre à Capharnaüm ou qu’il a pris son repas dans la maison de Zachée à Jéricho. Chaque réalité humaine est habitée par Dieu.

1. Différents types d’habitations pour Dieu.

Lieux de pèlerinages et sanctuaires

Jérusalem, est le type de la destination du pèlerinage. Puis viennent Rome, Saint-Jacques ou Rocamadour (qui sont des lieux très anciens). Ce sont des lieux vers lesquels on se déplace pour rencontrer le Seigneur. On sort de soi-même, de ses habitudes. Comme les hébreux, on se libère de nos chaînes, de nos esclavages pour aller vers un lieu où Dieu est présent. Cette démarche sera toujours à vivre, même pour la prière à la maison, il faut des ruptures pour se mettre en prière, une certaine sortie de ce qui, dans notre quotidien, peut nous éloigner de la présence de Dieu. Lui est toujours là, mais nous sommes souvent à l’extérieur de nous-mêmes comme disait saint Augustin : « tu étais au dedans de moi, mais moi j’étais au dehors ».

Église du village

Nos églises ont été construites au milieu de communautés sociales qui, majoritairement, croyaient en Dieu et désiraient se rencontrer et prier ensemble. Elles manifestent encore, même quand il y a très peu de croyants dans nos villages et pas souvent des célébrations eucharistiques, que Dieu est présent au milieu de nous, qu’il habite chez nous. C’est pour cela qu’il est important quand on le peut, même en dehors du dimanche et des célébrations eucharistiques, d’habiter nos églises et de s’y réunir pour prier, pas seulement pour les funérailles, mais aussi pour un chapelet, un temps de partage de la parole de Dieu…

Cathédrale

Elle symbolise de diocèse, ce que l’on appelle « l’Église particulière », à savoir cette portion du Peuple de Dieu qui se réunit autour d’un successeur des Apôtres (un évêque). Dans les premiers temps de l’Église, au II° siècle, celui qui préside l’eucharistie ne peut être que l’évêque, car il est le successeur des Apôtres qui nous relie tous au Christ. Notre prière doit entrer toujours dans la prière du Christ pour pouvoir accéder auprès du Père.

Lorsque les communautés se développent, progressivement, l’évêque déléguera des prêtres en charge de réunir des communautés de fidèles, en célébrant l’eucharistie. C’est le cas à Rome au III° siècle avec le développement des « titres » (lieux de célébrations). A cause de cette charge, ces prêtres ne peuvent plus participer à la messe dominicale du pape. Pour cela, un rite est introduit qui manifeste l’unité de la célébration avec celle présidée par l’évêque de Rome, il consiste, pendant l’agnus dei, à découper un fragment d’hostie consacrée (le fermentum) qui est porté par les acolytes dans les différents titres afin que chaque prêtre, au même moment de sa messe, plonge cette parcelle dans le calice. Ce rite subsiste aujourd’hui et depuis de nombreux siècle sous la forme du rite dit de la « commixtion » qui consiste à mettre dans le calice, pendant l’agnus dei, un morceau de pain consacré. Il rappelle l’unité entre le corps et le sang du Christ mais aussi cette unité de toute célébration eucharistique avec celle célébrée par l’évêque. On mentionne aussi toujours le nom de l’évêque pendant la prière eucharistique. Ceci est important pour nous rappeler que toute prière chrétienne est en quelque sorte reliée à la célébration de l’eucharistie et, par l’eucharistie au mystère pascal du Christ. Toute prière chrétienne, à l’église ou à la maison, participe à la prière du Christ qui offre sa vie pour nous à son Père.

Maison (chapelle, oratoire, coin prière…)

Les chrétiens des deux premiers siècles n’avaient pas d’églises et ils célébraient donc l’eucharistie dans leurs maisons. « Ils rompaient le pain à domicile » (Ac 2,46, Cf. Également Ac 20, 7-11, Rm 16,5.11 & Phm 2). La formule « nous étions tous réunis » (Ac 20,8) indique bien que ce n’était pas seulement une famille mais une communauté plus large qui était ainsi réunie dans une maison ayant une pièce assez grande. Lors des persécutions, même quand il y avait des bâtiments dédiés à l’assemblée dominicale, on célébrait aussi dans les maisons (et non dans les catacombes, lieux publics qui n’avaient aucune discrétion). Cela n’empêchait pas d’aménager ces habitations de façon à y consacrer certains lieux au culte. De même, aujourd’hui, dans nos maisons, il est bienvenu d’avoir au moins un coin prière, un lieu qui favorise la prière.

Pendant le Covid, quand il était impossible de se réunir (à plus d’une dizaine !) pour célébrer, certains ont eu la chance de vivre des célébrations eucharistiques dans leurs maisons. Cela a permis de renouer avec une tradition très antique ! Mais beaucoup aussi ont pu prier ensemble, célébrer des liturgies domestiques, ou profiter de retransmissions vidéo. D’autres ont été très seuls et quasiment abandonnés ce qui a été très rude. Mais il y a eu aussi de belles expériences de prières à la maison qui peuvent nous encourager aujourd’hui à garder certaines bonnes habitudes, sans se priver par ailleurs d’aller le dimanche à la messe.

Prier à la maison devrait être une habitude quotidienne. Il est même mentionné dans l’Évangile cette dimension plus individuelle, très intérieure et personnelle de la prière qui fait que la prière n’est pas un spectacle : « ne soyez pas comme les hypocrites qui aiment faire leurs prières debout dans les synagogues et les carrefours, afin d’être vus des hommes… toi quand tu pries, retire-toi dans ta pièce la plus secrète et prie ton Père qui est présent dans le secret » (Mt 6,5-6). La prière à la maison peut favoriser une certaine intériorité. Elle rappelle justement cette présence du Seigneur dans notre intimité, au plus intime de nous-mêmes.

2. Différentes formes de prières à domicile

Trouver la forme qui nous convient

Il n’y a pas une seule manière de prier. Il serait vain de se comparer, même si l’exemple des autres peut nous inspirer et nous encourager. Selon les personnes qui habitent la maisonnée, tous ne sont peut-être pas croyants ou n’en sont pas au même point dans leur chemin de foi, il sera important de trouver la forme de prière qui ne provoque pas de tensions inutiles. Pas la peine de chanter si cela gêne trop un des résidents de la maison ou les voisins. En fonction de l’âge des enfants, la forme et le temps de la prière familiale doit évoluer et s’adapter. De même s’il y a des personnes âgées, on tient compte de leur état de santé et des possibilités de chacun, pour que tous se sentent à l’aise et puissent participer au mieux.

Relire ensemble nos expériences de prière à la maison permet de les adapter et les améliorer.

Importance de la croix

Le sommet du rituel de la bénédiction d’une maison est le rite du Salut à la Croix. Le père de famille est chargé de poser ou accrocher la croix à l’endroit prévu. Cela nous rappelle que dans une maison chrétienne, il doit normalement y avoir une croix bien visible et c’est devant la croix du Christ que nous sommes invités à prier. C’est toujours l’offrande du Christ à son Père qui porte nos prières jusqu’à Dieu.

Nous commençons et finissons toujours la prière par le signe de la croix, ce geste rappelle que notre corps doit ressembler au corps du Christ.

Prier en fonction des moments de la journée, sanctifier le temps

La prière prend des colorations diverses selon les moments de la journée. Par exemple, le matin, il convient d’offrir sa journée au Seigneur, de louer Dieu pour le jour qu’il nous donne de vivre, ce temps qui s’ouvre devant nous. L’on peut penser aux rencontres, aux activités qui vont avoir lieu, à ce qui est prévu et aux imprévus, les confier au Seigneur. Le soir, il est bon, par exemple, de reprendre ces dimensions toutes simples qui peuvent structurer une bonne prière : merci, pardon & s’il te plait.

Les prières de la table sont très habituelles dans certaines familles ou parfois très occasionnelles. Elles sont à encourager car cela nous aide aussi à rectifier notre relation à la création de Dieu, à sortir d’une logique de consommation et de gaspillage qui peuvent avoir de graves conséquences écologiques pour entrer davantage dans une logique du don, de l’accueil de la création comme un cadeau du Seigneur dont on va jouir en en prenant soin. S’émerveiller et apprécier ce qui est bon ne va pas avec la culture du déchet ni de l’égoïsme tandis que beaucoup manquent ou souffrent de malnutrition. La dynamique du partage est stimulée aussi par les prières de la table.

3. Comment bâtir une liturgie domestique ?

Père, Fils et Esprit Saint

La prière chrétienne est adressée au Père, par le Christ, dans l’Esprit Saint. Elle peut se fortifier dans l’intercession des saints, en particulier la Vierge Marie. Notre prière s’adresse toujours à quelqu’un. Elle ne consiste pas en des incantations magiques. Elle peut se nourrir aussi de textes de méditation. Mais il importe de ne pas être simplement dans la réflexion ou la répétition de formules abstraites ou incantatoires mais bien dans la relation avec Dieu le Père, par le Christ, dans l’Esprit Saint.

Le signe de croix rappelle cela : au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit.

Ritualisation

Le fait que la prière familiale ou de la maisonnée soit ritualisée est important. Il peut y avoir des libertés et des variantes mais il importe que tous sachent comment ça va se passer, que cela ne soit pas laissé à la seule fantaisie de celui ou celle qui guide la prière et qui, en cela, peut devenir un petit gourou qui manipulerait les autres, même si ce n’est pas son intention. On doit donc savoir à l’avance combien de temps cela va durer, quelles seront les différents étapes qui structurent cette prière et, si possible, pour une prière quotidienne, il importe que cela soit assez semblable d’un jour à l’autre pour que chacun puisse plus librement habiter cette prière commune. Le rite réunit les personnes, il favorise en même temps leur liberté intérieure et leur communion.

Le rite permet à chacun de se reconnaître membre d’un même corps.

Orientée vers la communion

Si la prière se termine en eau de boudin et en disputes, cela veut peut-être dire que quelque chose ne va pas dans la manière de faire. La prière à la maison ne doit ni enfermer le groupe qui prie sur lui-même ni le faire éclater.

La prière chrétienne se préoccupe notamment de ce qui se passe dans le monde ou dans la ville ou le village. Elle est reliée à la prière de la communauté ecclésiale et à l’eucharistie dominicale comme on l’a dit déjà.

Favorisant la participation active

La participation active de chacun peut être favorisée simplement par le chant ou des formules prononcées ensemble (par exemple le Notre-Père) ou même le fait de se réunir et de faire un signe de croix. Mais il sera bon, de permettre le plus possible à chacun d’avoir aussi son rôle, une petite lecture ou simplement allumer ou éteindre un cierge ou distribuer des feuilles, mettre des fleurs, etc. Selon l’âge des enfants, la forme de participation active peut et devrait varier. L’adolescent apprécie de faire des choses que, plus jeune, il n’aurait pas faites (choisir un texte d’évangile, dire un petit commentaire ou rédiger une intention de prière, jouer un petit morceau de musique méditative…). Cela est vrai aussi pour la grand-mère qui est peut-être sourde mais peut participer d’une façon ou d’une autre !

Parole de Dieu, silence, louanges et intercessions

Quand au contenu des prières domestiques, il est bon qu’il y ait des psaumes ou autres chants de louange, mais aussi des textes bibliques lus qui peuvent susciter un petit partage ou de brefs commentaires. Sans oublier de laisser des temps de silence, peut-être spécialement après avoir lu un texte de la Parole de Dieu. Des prières d’intercession à toutes les intentions possibles seront partagées. Certaines familles ont leurs intentions habituelles auxquelles elles ajoutent celles liées à l’actualité. Une petite litanie des saints, par exemple avec les saints patrons des membres de la famille ou ceux avec qui l’on a un attachement spécial, sans oublier les anges gardiens. Bien sûr, il sera bon de donner sa place d’honneur au Notre Père qui est la prière chrétienne par excellence.

Dieu est présent chez nous et pour le prier, il suffit d’y penser, de se rappeler qu’Il est présent et attend notre prière. C’est toujours Lui qui, le premier, donne son Esprit pour nous donner envie de prier et nous en rendre capable. C’est de Lui que nous pouvons attendre la grâce d’avoir réellement le cœur orienté dans son amour.

+ Mgr laurent Camiade
Evêque du diocèse de Cahors

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