Vendredi Saint - 29 mars 2024

Homélie de Mgr Laurent Camiade

Chers frères et sœurs,

En ce jour de la mort du Christ, crucifié par amour pour nous afin de vaincre la mort, de nous ouvrir un chemin de vie par-delà toutes les obscurités de ce monde, je voudrais fixer un petit moment, avec vous, mon regard sur le cœur transpercé du Seigneur.

C’est une sorte de point d’orgue que propose l’évangile selon saint Jean. Il est le seul à nous dire qu’après la mort de Jésus, un soldat a percé le cœur du Seigneur d’un coup de lance. Les autres évangiles évoquent la conversion du centurion ou du moins sa profession de foi tardive en ayant regardé la façon dont le Christ était mort et son exclamation : « vraiment cet homme était le fils de Dieu » (Mt 27,54 ; Mc 15,39 ; voir aussi Lc 23,47). La vision du cœur ouvert du Seigneur a peut-être suscité cette conviction. Mais seul Jean décrit le coup de lance et le cœur transpercé d’où jaillissent le sang et l’eau (Jn 19,34).

Saint Catherine de Sienne, grande mystique du XIV° siècle, avait demandé au Seigneur pourquoi il avait voulu que son cœur soit ainsi transpercé après sa mort. Et la réponse de Jésus qu’elle retranscrit est très belle. Jésus lui aurait dit : « Mon désir du genre humain était infini, alors que mes tourments et les souffrances que j’endurais étaient finis. Aussi n’est-ce pas avec ce qui était fini que je pouvais vous montrer tout l’amour que j’avais pour vous, puisque mon amour était infini. J’ai donc voulu, en vous montrant mon côté ouvert, que vous voyiez le secret du Cœur, afin que vous voyiez que j’aimais beaucoup plus que je ne pouvais le montrer avec ma souffrance finie » (Dialogues).

Cette année, nous célébrons le jubilé des 350 ans des apparitions du Sacré Cœur de Jésus à sainte Marguerite-Marie Alacoque, à Paray-le-Monial. Nous arrêter ensemble un petit moment pour regarder, en ce vendredi saint, l’amour infini du Seigneur qui se révèle à travers son cœur transpercé s’imposait presque. Lors de la première apparition Jésus dit à Marguerite-Marie : « Mon divin Cœur est si passionné d’amour pour les hommes, et pour toi en particulier, que ne pouvant plus contenir en lui-même les flammes de son ardente charité, il faut qu’il les répande par ton moyen, et qu’il se manifeste à eux pour les enrichir de ses précieux trésors que je te découvre » (Autobiographie, § 53). On voit que la révélation de l’amour du cœur de Jésus n’est pas l’objet d’une dissertation ni d’une explication, mais d’une vision. C’est de cette vision, de cette découverte intérieure, que la mystique a eu à témoigner et qu’elle a si bien su le faire. Cela nous indique, à nous aussi, de ne pas nous perdre dans des considérations compliquées, mais de nous laisser simplement aimer par ce cœur, de fixer notre attention sur ce désir du Christ de nous faire connaître son amour et de le laisser nous toucher, nous imprégner, comme le centurion lui-même s’était laissé toucher, comme l’évangéliste saint Jean, qui était le seul des Apôtres présent au pied de la croix, s’est laissé lui-même toucher et a décrit sans commentaire le percement de ce cœur brûlant d’amour. Il a simplement ajouté : « Celui qui a vu rend témoignage, et son témoignage est véridique ; et celui-là sait qu’il dit vrai afin que vous aussi, vous croyiez. »

Si nous avons entendu ce soir le récit de la Passion du Seigneur, jusqu’au moment où, après son dernier souffle, son cœur a été ouvert pour nous faire connaître son amour infini, n’est-ce pas afin que nous aussi, nous croyions ?

Amen.

+ Mgr Laurent Camiade
Evêque du diocèse de Cahors

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