Veillée de Noël 2020

Cathédrale de Cahors

 Mot d’accueil de Mgr Laurent Camiade :

L’étrange Noël de cette année est celui qui nous est donné à vivre. Si Dieu le permet, c’est sûrement pour un grand bien caché derrière les épreuves. Nous avons tous traversé des difficultés ces deniers mois et, si nous avons la chance d’être réunis dans cette église, c’est que nous ne sommes pas les plus mal en point. Je pense spécialement aux plus fragiles de notre société qui n’ont pas pu sortir ce soir, à nos frères aînés prisonniers de mesures sanitaires rigides dans des EHPAD ou autres structures. Tout en prenant soin d’eux, les responsables ont bien du mal à trouver l’équilibre entre les besoins de sécurité sanitaire et les autres besoins humains, besoins affectifs et besoins spirituels. Malgré toutes les bonnes volontés, beaucoup de nos aînés vivent Noël dans leur chambre, tout seuls. Après eux, nous ne devons pas oublier non plus tous les soignants de garde et qui sont déjà bien fatigués par tous ces longs mois de crise et de surmenage pour eux. Souvenons-nous aussi de toutes les personnes diversement impactées par la crise économique, inquiètes pour leur avenir ou déjà passées sous le seuil de pauvreté.

En pensant à toutes ces personnes, nous devons réaliser que notre présence ce soir n’est pas seulement une chance, mais aussi une responsabilité. Deux responsabilités au moins. La responsabilité de prier pour les plus touchés par les crises actuelles. La prière ne doit pas être sous-estimée, car elle porte la vie et le Salut du monde. Et aussi, la responsabilité d’emmagasiner en nous-mêmes des forces spirituelles pour mieux nous mettre au service des autres dans les jours qui viennent.

 Homélie de Mgr Laurent Camiade :

Chers frères et sœurs,

Regardons cette famille en déplacement, convoquée par le recensement dans la ville de Bethléem mais refoulée de toutes les auberges officielles parce que la jauge ne permettait pas d’y accueillir la naissance d’un bébé. Nous voyons que la vie est plus forte que les impossibilités humaines, alors saint Joseph a l’idée d’installer la mère dans une étable et de déposer l’enfant sur la paille, dans la mangeoire. Gageons que, même si l’Évangile n’en parle pas, le fermier qui avait ouvert son étable a trouvé de l’eau propre, un peu de linge et tout ce qu’il fallait pour que la première nuit de Noël ne soit pas une catastrophe sanitaire, mais un vrai moment de joie. En contemplant la naissance du Christ, réalisons, mes frères, combien nous, les humains, nous savons tous donner le meilleur de nous-mêmes lorsque nous voulons répandre la joie ! Il arrive même que nous en fassions un peu trop à Noël, trop de cadeaux, trop de frais, trop de gourmandises. Mais au fond, c’est parce que nous voulons que tout le monde soit heureux.

C’est ce que nous désirons tous ce soir : partager un moment de joie ! Nous sentons, au plus profond de nous, que c’est ce que Dieu veut nous donner à Noël. Le risque, alors, serait, pour coopérer à cette générosité de Dieu à Noël, que nous en venions à croire que toute la joie dépend de nous, de nos cadeaux et de nos gestes de tendresse ou de générosité. Or, la crise sanitaire qui nous freine dans notre débauche de festivités, peut être l’occasion de revenir vraiment à l’essentiel. L’essentiel, c’est de nous rendre disponibles pour la joie qui vient de Dieu. Car il s’agit, en fin de compte, de déguster et savourer davantage les petits moments simples, les jolies petites choses partagées, le petit coup de fil à la personne isolée, la simple pensée de bonté, même si elle ne parvient pas à s’exprimer de façon aussi éclatante que d’habitude.

L’opportunité qui s’offre à nous, c’est de vivre la joie de Noël de façon un peu plus intérieure. Non pas tout seuls, comme si nous n’avions pas besoin des autres. Mais en comptant d’abord sur Dieu qui agit à travers les plus petits gestes de bonté qui nous seront permis et qui devront être savourés, intériorisés, goûtés avec intensité et confiance. Car Dieu ne déçoit jamais ceux qui espèrent vraiment en Lui.

Et si nous nous laissons toucher par la présence de Dieu parmi nous, si nous comprenons que Noël, c’est Dieu parmi nous dans la simplicité, Dieu au milieu de nous dans les réalités les plus dépouillées comme la mangeoire de l’étable de Bethléem, si nous comprenons cela, alors nous goûterons une joie profonde qui est celle de l’espérance. La joie de savoir que Dieu nous aime et s’est fait l’un de nous, dans la simplicité de la crèche, dans la simplicité des petits gestes de bonté quotidiens.

Mes frères cette espérance est à goûter vraiment, à accueillir spirituellement en nous. C’est ainsi que l’on peut ensuite s’engager envers les autres sans se décourager face aux difficultés et aux inquiétudes ressassées et amplifiées par l’ambiance générale actuelle. Dieu est capable d’illuminer notre ambiance intérieure. Et notre ambiance intérieure habitée par la joie de Noël commencera à transformer peu à peu l’ambiance du monde. Pour cela, nous devons puiser en profondeur la paix qui vient de Jésus-Christ. Prier souvent et méditer les évangiles, revenir le plus souvent possible à l’eucharistie.

Car la messe, comme son nom l’indique est une mission. Nous ne venons pas à la messe simplement pour nous-mêmes, pour un plaisir ou un confort spirituel. Nous y venons pour glorifier Dieu comme les anges et les bergers dans la crèche et pour nous y offrir en sacrifice spirituel en vue du salut du monde. Le Christ, Fils de Dieu fait homme, fait en tout la volonté de son Père. Il se livre pour les autres. Nous aussi, lorsque nous venons à la messe, nous y venons pour obéir à la volonté de Dieu qui nous y a convoqués et cela, pour le bien des autres, pour ceux qui ne peuvent pas y aller ou qui ne savent pas quelle est la valeur et la puissance de l’eucharistie. Pour ceux qui sont les plus éloignés de l’amour de Dieu, car Dieu les cherche et veut les rejoindre.

Et ensuite, si nous vivons la messe pour le Salut du monde, nous devrons aussi exercer la responsabilité qui découle des dons que Dieu nous aura faits, en laissant rayonner cela au dehors. La messe est mission de prière et mission de répandre la paix du Christ. Cela nous engage à aimer le monde comme Dieu l’aime, à voir dans ce monde non d’abord une source d’inquiétude permanente, mais surtout une chance pour partager la joie de l’Évangile. Bien sûr, nous rencontrons des obstacles pour témoigner de la joie qui est en nous. Cela demande de la patience et de savoir repérer les signes de progression où l’ambiance du monde se laisse transformer par l’ambiance intérieure des croyants. Cela demande aussi de savoir repérer les signes de Dieu qui est déjà à l’œuvre dans ce monde, spécialement depuis cette nuit de Noël où il a pris chair dans notre humanité.

Mes frères, durant l’année 2021, je rêve que nous ne perdions jamais de vue la crèche : la simplicité de l’enfant Jésus dans un cadre proche de la nature, entre Marie et Joseph. La crèche est une invitation à regarder ce qu’il y a de beau en ce monde. Regardons, par exemple, les efforts de dialogue entre des personnes qui ont des positions différentes. Chaque effort de dialogue aide toute l’humanité à mieux vivre. Regardons se manifester chez ceux et celles qui nous entourent, leur désir du bien et leur amour de ce qui est vrai. Voyons par exemple, tous les efforts en vue de la préservation de la nature, même s’il reste beaucoup à faire, les belles initiatives ne manquent pas, pour prendre soin de la Création de Dieu. Voyons aussi les efforts de nos contemporains, qu’ils soient croyants ou pas, pour ne pas laisser les préjugés ou autres impostures intoxiquer nos intelligences. Chaque fois qu’on cherche le bien et qu’on refuse le mensonge, cela favorise l’amitié et renouvelle le goût de la vie.

Il est facile aujourd’hui d’être tentés par la peur. Mais rappelons-nous l’enfant de la crèche, le prince de la paix. C’est Lui qui est le vrai Dieu, c’est lui qui illumine ce monde parce qu’il l’habite dans la simplicité. Par cette douce lumière de Noël, le petit enfant Jésus a la force de transformer ce monde pour le rendre plus lumineux, plus beau, plus dense et plus joyeux. Si nous accueillons les forces spirituelles qu’il nous offre, nous participerons à changer l’ambiance du monde, à travers la patience du dialogue et la joie de l’amitié au quotidien.

Mes frères, ne perdons jamais de vue l’image de la crèche de Bethléem. Regardons ce qu’il y a de beau en notre monde. Notre ambiance intérieure fortifiée par les dons spirituels du Dieu d’amour est capable de changer le monde, peu à peu, et de lui rendre la joie pour laquelle Dieu nous a créés.

Amen.

+ Mgr Laurent Camiade,
évêque du diocèse de Cahors

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