Solennité du Christ-Roi de l’univers

Dimanche 22 novembre 2020

 Homélie de Mgr Laurent Camiade :

Mes frères,

Célébrer le Christ-Roi pose la question spirituelle de notre relation avec Dieu. Est-il vraiment notre roi ? Sommes-nous ses sujets ? Nous reconnaissons-nous dans cette relation de dépendance envers Dieu ou bien avons-nous d’autres allégeances, d’autres dépendances que celle de Dieu ?

Il est bon de nous souvenir que Dieu est Dieu, le Créateur de tout être. C’est de Lui que nous tenons l’existence. Les fleurs, la terre, les rochers et la mer n’existent que par lui. Toute vie vient de Lui. Le Christ Jésus est Dieu et, avec toutes les autres créatures, nous tenons de Lui notre existence, puisque Dieu a tout créé par son Verbe. Le premier chapitre de la Genèse nous le fait comprendre : Dieu dit… et cela fut. Il lui a suffit de dire sa volonté pour que nous existions et, du même mouvement de son être, il a été pour nous un Père, une sagesse créatrice et un souffle de vie pour que notre liberté puisse s’engager dans une alliance intime avec Lui.

La source de notre existence est Dieu et son sens ultime est Dieu (nous sommes créés pour l’union à Dieu). Mais notre arrivée dans l’existence a aussi été le fruit de l’union de nos parents, avec un héritage génétique mais aussi culturel. Nous sommes nés et avons grandi avec les moyens d’existence d’une société donnée. Nous avons été créés et nous existons dans un monde, dans un peuple. De plus, la connaissance que nous avons de Jésus-Christ est une grâce que nous avons reçue dans l’Église. Tout cela nous fait exister, mais, pas sans Dieu, pas sans que ce Roi de l’univers préside à toute cette dynamique de vie.

L’autorité suprême qui nous fait exister et mérite notre obéissance est Dieu qui se donne à nous dans le Christ Jésus, Roi de l’univers. C’est lui qui nous jugera, c’est lui qui, à la fin de notre vie, nous éclairera sur la qualité surnaturelle de notre existence et, à la fin des temps, nous fera entrer, nous l’espérons, dans la résurrection glorieuse des sauvés. Nous pouvons comprendre ce que sera le jugement dernier en entendant l’Évangile de ce jour : « Quand le Fils de l’homme viendra dans sa gloire, et tous les anges avec lui, alors il siégera sur son trône de gloire. Toutes les nations seront rassemblées devant lui ; il séparera les hommes les uns des autres, comme le berger sépare les brebis des boucs » (Mt 25,31-32).

La question de savoir à qui nous devons obéir ici-bas n’a pas de réponse juste si nous omettons de nous souvenir que c’est à Dieu d’abord, au Christ, notre Roi, souverain de l’univers, que nous devons obéir avant tout. Une fois dit cela, sachant bien qu’aucune autorité séculière ni aucune autorité ecclésiale n’a droit à notre totale allégeance, il n’en demeure pas moins que, si nous voulons obéir au Christ, il n’est pas simple de connaître sa volonté concrète à chaque instant de notre existence. Nous avons pour cela, dans notre conscience, une voix qui nous dit d’éviter le mal et de choisir le bien. Mais notre conscience peut s’égarer. Notre devoir est de la former, de l’informer. Et cela suppose une vie intérieure et cela passe également par l’écoute des autres, autrement dit par d’autres formes d’obéissance qui sont des médiations voulues par Dieu : obéir à nos parents qui ont reçu la première mission de nous éduquer, obéir aux autorités civiles qui ont pour vocation de nous aider à agir en vue du bien commun et obéir à l’Église par laquelle le Christ qui en est la tête, cherche à guider notre vie vers son Salut éternel et nous donner les moyens de Le connaître, de L’aimer et Le servir.

L’Évangile d’aujourd’hui nous présente une médiation particulière de notre conscience et de notre obéissance au Roi de l’univers. C’est l’attitude que nous avons envers les plus petits, ceux qui ont faim ou soif, les étrangers, ceux qui sont nus, malades ou en prison. A tous ceux-là, c’est-à-dire à tous leurs besoins fondamentaux, nous devons obéir si nous prétendons que le Christ est notre Roi. Car « chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait » (Mt 25,40), dira le Fils de l’homme glorifié, le Christ, au jour du jugement.

Il est très beau de voir comment ce Roi qui est Dieu se présente lui-même comme un berger qui prend soin de son troupeau. La première lecture, du prophète Ézéchiel, nous apprend que Dieu s’occupe de ses brebis, il veille sur elles, si elles sont dispersées, il va les délivrer en les rejoignant « dans tous les endroits où elles ont été dispersées ». Il va chercher la brebis perdue, il soigne celle qui est blessée, il rend des forces à la malade, il fait paître selon le droit celle qui est grasse et vigoureuse. Ainsi, ce berger divin prend soin du troupeau, de chaque brebis selon sa situation, soit pour réconcilier, soit pour la secourir, soit pour la garder du péché. Cela nous montre que si Dieu, notre Roi, attend de nous cette charité envers les plus petits, c’est parce qu’il aime lui-même chacune de ses créatures, même et surtout la plus petite.

Il y a tant de brebis dispersées aujourd’hui ! Tous ceux qui ne connaissent même pas le Christ, qui ignorent tout ou presque tout de son amour ; tous ceux qui, même parmi les fidèles du Christ, ne parviennent pas à s’entendre entre eux ou sont tentés de se rejeter les uns les autres parce qu’ils n’apprécient pas telle ou telle attitude, telle ou telle parole, tel ou tel choix ou option politique prise par leurs frères dans la foi. La crise sanitaire, politique et économique que nous traversons est assez révélatrice de cette dispersion, à ce qu’il me semble. Le clivage très prononcé, dans notre pays entre « France d’en-haut » et « France d’en-bas » se trouve, hélas, bien visible aussi dans l’Église. Mais nous avons la joie de savoir que le Christ peut nous délivrer de ce qui nous disperse, non pas pour que nous devenions tous identiques ni pour gommer nos divergences idéologiques, mais pour que nous formions malgré tout un seul peuple, un seul troupeau, sous son autorité bienveillante. Car c’est Lui, et Lui seul, qui nous jugera.

Amen.

Mgr Laurent Camiade,
évêque de Cahors

 Vidéo de la Messe célébrée en la chapelle Notre Dame de Pitié de Figeac (46) :
(débute à la 6ème minute)

Présidé par Mgr Laurent CAMIADE Evêque de Cahors.
Concélébré par le Père Guillaume SOURY-LAVERGNE (curé), le Père Xavier LARRIBE (vicaire) et par Xavier DARGEGEN (diacre permanent).

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