Sainte Marie, mère de Dieu

Dimanche 1° janvier 2023 - Rocamadour

 Homélie de Mgr Laurent Camiade :

Mes frères,

Il y a trois groupes de personnes dans l’Évangile de ce jour. Quatre groupes si on compte aussi les anges.

Les personnages les plus cités sont les bergers.

Il y a aussi Marie, Joseph et le nouveau-né.

Enfin, il y a un groupe indéterminé : « tous ceux qui entendirent » ce que racontaient les bergers et qui en furent « étonnés ».

Peut-être pouvons-nous nous reconnaître dans ce groupe indéterminé. Car, depuis plusieurs siècles, nous sommes nombreux à avoir entendu ce qu’ont raconté les bergers, ce que les anges leur ont dit et nous avons entendu parler de ce qu’ils ont découvert et vu dans la grotte de la nativité, de ce qu’ils ont vu dans la mangeoire, de ce nouveau-né que les anges leur avaient désigné comme «  un sauveur », « le Christ Seigneur », « couché dans une mangeoire ».

Les traditions provençales de mettre dans la crèche tous les gens du village se réfèrent à ce groupe indéterminé de ceux qui entendent et s’étonnent.

Cela ne va pourtant pas de soi d’entendre et de s’étonner. Notre mentalité moderne nous porte plutôt à nous montrer blasés : un bébé dans une mangeoire, bizarre, mais quoi ? Qu’est-ce que ça peut nous faire ? Y a-t-il un projet politique autour de cette famille qui donne la vie ? Nous pouvons aussi nous laisser émouvoir par ce petit qui n’est pas dans une nurserie aseptisée ou réveiller notre sensibilité écologique et y voir une proximité de l’homme avec l’animal…

Mais si nous écoutons, si nous entendons ce que disent les bergers, on est loin de ces récupérations, quelles soient politiques, émotionnelles, sanitaires ou écologiques. Chacune de ces récupérations est d’ailleurs une réduction du message, une manière de se fixer sur un seul des aspects de ce qui se passe et d’en oublier le reste. Les bergers n’ont rien tronqué, il ont pris le temps de « raconter » quelque chose d’assez surprenant par la mise ensemble de réalités très différentes les unes des autres. Ils racontent ce qui leur avait été annoncé par des anges et qu’ils se sont hâtés de venir voir. Ils ont entendu un message d’origine surnaturelle, l’annonce de la naissance du Sauveur, le Christ, le Messie annoncé par les prophètes et ils l’ont vu, dans la simplicité de la crèche. Les bergers ne sont pas des idéologues ni des fantaisistes. Ils ont le sens du réel. Ils n’avaient pas de projet politique à promouvoir, ni d’inquiétudes sanitaires ni d’aspirations antispécistes. Ils n’avaient aucune raison de raconter des histoires.

La venue au monde du Sauveur apparaît bien comme une réalité. Sa venue aussi discrète, pourtant, ne manque pas d’étonner. Dieu n’est pas entré dans l’humanité avec fracas, mais plutôt humblement, dans un mouvement d’abaissement et pour se donner en nourriture, ce que nous revivons à chaque messe. Voilà l’objet de l’étonnement.

Sommes-nous encore capables de nous en étonner ? Nous étonner de la simplicité de Dieu ? Une manière de s’étonner a été, pour l’Église, de réunir un concile à Ephèse en 431 pour déclarer valide l’expression paradoxale que la Sainte Vierge Marie est « la mère de Dieu ». Qui peut être la mère du Dieu éternel ? Marie, la Marie qui était à Bethléem et a donné naissance à cet enfant dans une mangeoire, c’est elle la mère de Dieu. Cette formulation étonnante résume tout le paradoxe que les bergers ont décrit. Le nouveau-né est un vrai bébé, né d’une vraie femme, sa mère. Et il est le Christ. Il est Dieu. Vrai homme et vrai Dieu. La formule « Marie, mère de Dieu » contient tout cela.

« Bizarre, mais quoi ? Qu’est-ce que ça peut nous faire ? » dit l’esprit moderne qui veut être pragmatique. Cela nous fait, justement, que rencontrer Dieu est de nouveau concrètement possible. Que l’humanité n’est pas livrée à elle-même, à ses errances, à ses trahisons ni à ses plaisirs égoïstes et stériles.

Dieu, qui demeure inconnaissable, dans la plus large mesure, est devenu, pourtant, proche, tout proche. Et il est capable de rassembler ceux qui acceptent d’entendre le message, de le raconter de nouveau et de s’en étonner toujours. Car c’est cela le Peuple de Dieu, un Peuple apparemment indéterminé, aux contours indéfinissables, mais qui est précisément le peuple de ceux qui entendent et s’étonnent et ont quelque chose à raconter de leur expérience de Dieu, de sa proximité, de sa Révélation et de sa venue parmi les hommes, au creux de la création, dans la mangeoire d’un bœuf.

Et le signe de sa mère, la mère de Dieu et celui saint Joseph, l’homme juste, sont là pour nous montrer le chemin à suivre si nous voulons participer à la grande marche du Peuple de Dieu.

Qu’est-ce que ça peut nous faire ? Ça peut nous faire qu’en participant à la marche du Peuple de Dieu, du peuple qui entend, raconte et s’étonne, nous parviendrons un jour à la communion éternelle auprès de Dieu et avec tous les saints.

Amen.

Mgr Laurent Camiade
Evêque de Cahors

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