Rameaux 2019, dimanche 14 avril

Homélie de Mgr Laurent Camiade, évêque de Cahors :

Mes frères, après avoir entendu la lecture de la passion selon Saint Luc, parmi les divers messages que nous pouvons en tirer, je voudrais souligner trois appels importants. D’abord, un appel au pardon : Jésus dit de ses bourreaux : Père, pardonne-leur. Puis un appel à chercher la justice car il est injuste que Jésus, le juste, soit condamné sur la pression de la foule. Et enfin, un appel à la vie puisque Jésus a donné sa vie pour que la mort soit vaincue.

1/ Appel au pardon. Nous sommes confrontés à tant de conflits, de tensions, dans les familles, dans la société, dans le monde. Face à ceux qui le crucifient, Jésus a une seule réaction : « Père, pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font. »

Mes frères, sommes-nous capables d’avoir le même regard que Jésus sur ceux qui nous font du mal ? C’est souvent vrai que nos ennemis, ceux qui nous blessent ou nous font du tort ne se rendent pas compte du mal qu’ils nous font. Chacun est —souvent— trop absorbé par ses propres soucis. Quand on se met à la place des autres, cela aide à pardonner. Cela permet aussi de renouer un dialogue, par-delà le conflit.

Jésus crucifié aura aussi la chance d’entendre le bon larron qui se reconnaît coupable : « Nous avons ce que nous méritons », « Jésus, souviens-toi de moi quand tu viendras dans ton Royaume ». Alors le pardon est immédiat : « aujourd’hui, tu seras avec moi dans le Paradis ». Le Paradis, c’est être avec Jésus pour toujours. Notre vénération de la Sainte-Coiffe, ici dans notre cathédrale de Cahors, est un moyen qui nous est offert pour sentir dès ici-bas cette proximité avec Jésus. Car le paradis, c’est déjà aujourd’hui si nous sommes, aujourd’hui, avec Jésus, le cœur ouvert à ses grâces, à la transformation de nos cœurs qu’il veut opérer pour que nous grandissions dans l’amour.

2/ Mais il n’en demeure pas moins que la mort de Jésus est injuste. Même le bon larron le sait : « Pour nous, c’est juste, mais Lui, n’a rien fait de mal ». La mort de l’innocent est la chose la plus injuste qui puisse exister.

Même Pilate, même Hérode, ne voulaient pas condamner Jésus. Mais les foules sont injustes. La foule excitée fait pression sur Pilate. La même foule qui l’avait acclamé avec des Rameaux à son entrée à Jérusalem, en vient à vociférer : « crucifie-le ! crucifie-le ! »

Ce genre de comportement existe aujourd’hui encore et la puissance des moyens modernes de communication ne cesse pas de trouver des boucs émissaires et de faire pression sur ceux qui devraient juger calmement et avec justice. La foule fait pression pour qu’ils condamnent, pour qu’ils fassent un exemple. La foule trouve toujours que les jugements ne sont pas assez sévères. Elle ne voit pas les nuances, ni les circonstances, ni rien de ce qui mérite respect en chaque personne.

La Sainte-Coiffe que nous vénérons aujourd’hui et qui n’est, matériellement, qu’un vieux tissus usé de plusieurs centaines ou milliers d’années, nous rappelle de sortir d’une culture du déchet. Le pape François dénonce souvent cette culture du déchet qui conduit à rejeter tous ceux qui semblent inutiles et aussi à gaspiller, à abîmer la création. Vénérer la Sainte-Coiffe parce que le Christ au tombeau a pu la porter sur sa tête nous encourage à respecter la création et à vénérer toute personne humaine car le Christ a touché cette terre, il a sanctifier toute la création par sa présence en ce monde et il a donné sa vie pour chacun d’entre nous.

Il ne s’agit pas de supprimer la justice ni les punitions, au contraire. Cela est nécessaire pour la société, pour progresser vers une société plus juste, qui prend soin des victimes et des faibles. Il s’agit bien de chercher à être juste et de ne pas dire que le mal est bien !

Mais exercer la justice, découvrir ce qui est le plus juste demande beaucoup de délicatesse et d’effort. Beaucoup d’humilité aussi, car seul Dieu peut juger avec justice. Et même Lui qui le peut, préfère pardonner.

3/ Enfin, l’Evangile de la Passion du Christ est un appel à la vie. Jésus a livré sa vie pour que les « larrons » que nous sommes puissent entrer avec Lui au Paradis. Il est mort, mais il n’était pas possible que la mort le retienne en son pouvoir. Les linges de l’ensevelissement abandonnés dans le tombeau vide au matin de Pâques en sont le signe visible. L’hymne de la Lettre aux Philippiens que nous avons entendue, après avoir décrit l’abaissement du Christ jusqu’à la mort de la croix, ajoute : « C’est pourquoi Dieu l’a exalté… Jésus-Christ est Seigneur à la gloire de Dieu le Père. »

Retenons bien cela : Dieu aime la vie ! « La gloire de Dieu, c’est l’homme vivant » comme disait saint Irénée au II° siècle, et il précise : « et la vie de l’homme, c’est la vision de Dieu ». Si nous savons voir Dieu (dans les sacrements, dans la beauté de la création, et dans les plus petits de nos frères), nous sommes déjà vivants. C’est cette vie avec Dieu qui est promise au bon larron, celui qui a pris conscience de son injustice, mais qui, malgré tout, garde confiance en Jésus.

« Dieu ne prend pas plaisir à la mort du pécheur, mais à ce qu’il se convertisse et qu’il vive »
(Ez 33, 11 / Ez 18, 23). Ce message, cette Bonne Nouvelle, doit être le cœur de notre message.

Trop souvent, les chrétiens sont perçus comme des rabat-joie qui culpabilisent, qui jugent. Bien sûr, il ne s’agit pas de dire que le mal est bien. Il y a cet appel à chercher la justice. Mais la justice qui dénonce le péché n’est pas une fin en soi.

C’est la vie à laquelle Dieu nous appelle et c’est ce que nous avons mission de rappeler sans cesse au milieu du monde : nous sommes faits pour la vie éternelle !

Amen.

Mgr Laurent Camiade
Evêque de Cahors

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