Messe pour les vocations

Cahors, vendredi 3 avril 2020
Homélie de Mgr Laurent Camiade

Mes frères,

Chaque premier vendredi du mois après l’année Alain de Solminihac, donc depuis le premier vendredi d’octobre 2018, je suis dans la cathédrale Saint-Etienne pour une heure d’adoration et la messe pour demander à Dieu des vocations pour notre Église, spécialement des vocations de prêtres, mais aussi de diacres, religieux, religieuses et consacrés. Un certain nombre de personnes ont l’habitude de s’unir à cette prière, soit en étant présentes, soit depuis chez elles ou dans d’autres paroisses du diocèse.

Il se trouve qu’avec le confinement sanitaire que nous vivons, l’adoration et la messe pour les vocations sont célébrées aujourd’hui à l’évêché et non à la cathédrale. De plus, la messe chrismale, où est prévu le renouvellement des promesses des prêtres, est reportée à des jours meilleurs. Elle n’aura donc pas lieu ce lundi saint comme les années précédentes.

Cela ne doit pas nous empêcher de prier pour les prêtres et pour les vocations sacerdotales durant cette semaine sainte, alors que nous allons suivre le Christ, unique prêtre de la nouvelle Alliance, dans son unique sacrifice, l’offrande de sa vie au Père pour notre Salut.

Les baptisés participent tous au sacerdoce du Christ et sont invités à s’y unir par l’offrande spirituelle de leur vie, par leur prière fervente. Les prêtres y participent de façon particulière. Car le sacrement de l’Ordre les configure au Christ-Tête du Corps ecclésial. C’est pourquoi ils célèbrent la messe pour vous, à vos intentions, même en ce temps de distanciation sociale où plusieurs d’entre eux doivent vivre ces célébrations dans une certaine solitude. Ainsi, ils partagent avec beaucoup d’entre nous ce sentiment de vide, d’absence, alors même que le Christ est présent sur l’autel pendant la messe.

Essayons de bien nous remettre en mémoire ce qu’est un prêtre, ce qu’il est pour l’Église et ce qu’il est pour Dieu.

La fin de la préface de la messe chrismale dit en s’adressant à Dieu le Père que ses prêtres sont appelés à être « prêts à donner leur vie pour leurs frères et pour Toi » (pour Dieu). Notre vocation de prêtres est liée à ce don de notre vie pour nos frères et pour Dieu. Le célibat des prêtres exprime cette disponibilité profonde au don de sa vie pour tous nos frères et pour Dieu.

Cette préface parle des prêtres d’abord comme de personnes choisies parmi le peuple par le Christ pour avoir part à son ministère, par l’imposition des mains. Le sacerdoce des prêtres est donc le fruit d’un sacrement, conféré par l’imposition des mains, à la suite d’un choix divin, d’un choix du Christ qui les a élus parmi ses frères.

Les motifs de ce choix ne sont jamais connus. C’est la liberté souveraine du Seigneur. Il les choisit pour se donner totalement. Pour leurs frères et pour Dieu. Et c’est parce que ce choix vient de Dieu que nous devons demander à Dieu « d’envoyer des ouvriers pour sa moisson ».

Le sacerdoce des prêtres a deux dimensions, une dimension christologique (choisis par le Christ) et une dimension eschatologique (en vue de notre avenir éternel en Dieu).

Dans le contexte moderne, très utilitariste, on peut facilement oublier ces dimensions et ne concevoir le prêtre qu’en fonction des besoins que l’on en a, de son utilité sociale, par exemple pour célébrer les funérailles, pour que la cloche sonne encore dans les villages où il ne se passe plus rien ou bien pour produire des œuvres, au service des pauvres, des migrants ou pour organiser quelques manifestations réunissant des habitants d’un village qui auraient tendance à ne pas se fréquenter, pour fédérer une communauté sympathique, dynamique et chaleureuse où l’on se sent bien, ou pour promouvoir des projets culturels ou bien encore pour mobiliser sur des manifestations de défense de la famille ou de la vie. Reconnaissons que chacun, suivant sa sensibilité ou son idéologie, désire des prêtres selon ses critères propres, selon son projet humain, horizontal, aussi noble soit-il.

Même lorsque de telles attentes catégorielles sont recouvertes d’un verni spirituel, nous devons démasquer en nous-mêmes cette tendance utilitariste à vouloir des prêtres selon le cœur d’un groupe humain et non selon le projet et le ministère de Salut du Christ. Notre prière pour les vocations de prêtres doit passer par cette purification de notre désir qui consiste à attendre du prêtre ce que Dieu veut nous donner par lui et non pas ce que nous imaginons qu’il devra nous apporter.

Les prêtres aussi ont à se libérer de ces pressions catégorielles. Il ne s’agit pas de négliger d’encourager les nobles causes, mais de ne jamais s’y limiter.

La mission essentielle du prêtre, en tant que prêtre, c’est d’abord de relier ses frères au Christ, pour les ouvrir à la dimension invisible et éternelle de l’existence. Cette dernière nous détache des préoccupations seulement matérielles et nous ouvre à un amour plus généreux et plus concret envers nos frères. Ceci ne se voit pas facilement sur les écrans mais change complètement toutes les manières d’agir. Cela ouvre à un chemin de conversion permanente et donne une capacité de traverser n’importe quelles épreuves, non certes avec facilité ni sans douleur, mais en conservant la joie de ne pas cheminer seul et de savoir qu’avec Jésus, il est donné de participer aux œuvres du Père.

Demandons au Seigneur de nous donner des prêtres selon le cœur de Dieu. Prions pour nos prêtres et pour tous les prêtres, que Dieu les garde fidèles et qu’ils croient en ce qu’ils font, même pendant ce temps de confinement où les liens avec le peuple de Dieu sont moins visibles. Prions aussi pour les jeunes, qu’ils ouvrent leur cœur aux appels de Dieu et que chacun accomplisse sa vocation.

Amen.

Mgr Laurent Camiade
Evêque de Cahors

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