Homélie de Mgr Laurent Camiade / Journée mondiale des pauvres

Dimanche 15 novembre 2020
33° dimanche du temps ordinaire

Mes frères,

« Vous êtes tous des fils de la lumière, des fils du jour » (1 Th 5,5). Ces mots sont de saint Paul dans sa lettre aux Thessaloniciens. Ils résonnent comme un encouragement et aussi un appel à ne pas céder à l’apathie des ténèbres, à rester en éveil, vigilants et sobres.

En ces temps où nous avons peut-être tendance à perdre nos repères, à vivre dans l’anxiété et, en tout cas, l’incertitude, cet appel à vivre en fils de la lumière est sûrement bienvenu pour nous. « Nous n’appartenons pas à la nuit ni aux ténèbres » (1 Th 5,5).

La nuit et les ténèbres peuvent revêtir de multiples formes en notre temps.

Il y a la peur du terrorisme qui pourrait provoquer en nous des réactions de violence. Nous ne pouvons plus être naïfs devant ces forces de mort qui ont pénétré déjà le cœur d’un certain nombre d’habitants de notre pays, convaincus par les réseaux pervers qui se servent d’eux, de pouvoir rendre le monde meilleur en semant la mort et en cultivant la haine. Nous n’avons pas besoin de nous voiler la face devant ces réalités obscures que nos gouvernants essaient de combattre avec des armes extérieures, mais qui, en réalité, se développent comme un virus dans l’âme de ceux qui n’ont pas pu développer assez d’anticorps pour résister à la colère. Notre témoignage pacifique est d’un grand prix et sera la réponse la plus puissante contre ce pouvoir des ténèbres. Vous êtes des fils de la lumière, ne l’oubliez pas !

Il y a aussi la crise sanitaire avec ses conséquences économiques et sociales qui nous plonge tous dans l’incertitude et, pour certains plus que pour d’autres, dans la fragilité économique ou même la précarité. En cette journée mondiale des pauvres, comment les oublier ? Malgré cette crise, nous restons un pays riche, avec de nombreuses ressources pour rebondir. D’autres pays pâtissent et vont pâtir bien davantage encore de tout cela. Mais ils ont souvent une force que nous avons tendance à négliger : le sens de l’entraide, le sens du bien commun et du partage. L’égoïsme qui paralyse souvent nos manières d’être appartient à la nuit et aux ténèbres. Cultivons l’entraide et l’attention concrète envers nos voisins et nos prochains plus éloignés qui sont dans le besoin. Nous n’avons qu’un seul Père, Dieu, et nous sommes tous frères. Le pape François nous l’a opportunément rappelé dans sa dernière encyclique. Cette fraternité découle de la lumière de Dieu. Elle n’est pas un idéalisme déconnecté du réel. Elle est un chemin ouvert devant nous. Vous êtes des fils de la lumière, ne l’oubliez pas !

Je crois que derrière les ténèbres de la tentation violente et celles de la tentation égoïste, se cache une obscurité profonde de notre époque, et c’est la perte de confiance. Le désespoir est l’arme chimique du diable, ce virus invisible, sournois, très contagieux, capable de se transmettre même à travers des apparences de pleine santé et capable de détruire massivement les plus vulnérables. Nous le voyons bien, ceux qui n’ont pas d’espérance cherchent désespérément le bonheur et croient souvent le trouver dans le divertissement permanent, dans les excès ou les addictions en tout genre, dans la culture du plaisir sans limite. Mais ces fausses réussites témoignent du désespoir le plus profond, de l’absence de perspective d’avenir, de l’incapacité à faire confiance, ni aux leçons de l’histoire ni aux autres, ni à Dieu. La confiance n’est pas la naïveté, mais elle ouvre le chemin vers l’espérance. Dans son encyclique Fratelli tutti, le pape François dénonce les idéologies qui déconstruisent et liquéfient tout ce que l’histoire nous a appris de solide. Ces idéologies cherchent à discréditer toute confiance dans les acquis culturels et spirituels et privent les jeunes d’aujourd’hui de tout accès à la sagesse héritée de leur culture (cf. en particulier, Fratelli tutti nn. 13-14). Le pape enseigne qu’à l’inverse de ces idéologies politiques de la déconstruction, « la bonne politique unit l’amour, l’espérance, la confiance dans les réserves de bien qui se trouvent dans le cœur du peuple, en dépit de tout » (n. 196). Vous êtes des fils de la lumière, ne l’oubliez pas !

Ne pas enfouir les talents reçus, c’est l’appel de l’Évangile de ce jour. Parmi les talents d’un peuple, il y a toute sa tradition de sagesse, toutes les vérités que nos anciens ont découvertes et auxquelles nous avons accès si nous ne laissons pas la peur nous égarer dans la violence, si nous choisissons de regarder chaque être humain comme un frère et de sortir de nos égoïsmes et si nous ne perdons pas confiance. Ne restons pas endormis, anesthésiés comme ceux qui croient avoir déconstruit toute vérité objective, mais soyons vigilants et restons sobres ! (Cf. 1 Th 5,6)

Amen.

+ Mgr Laurent Camiade
Evêque de Cahors

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