Fête de l’Annonciation du Seigneur

Mercredi 25 mars 2020.
Homélie de Mgr Laurent Camiade

Sois sans crainte, Marie, tu as trouvé grâce auprès de Dieu. (Lc 1,30)

Les mots de l’ange viennent à point pour nous qui sommes plongés en ce moment dans une ambiance anxiogène. Si nous n’avons pas assez peur, le baromètre du nombre de morts est là pour nous rappeler que la contagion du coronavirus suit sa courbe asymptotique fatale. Si nous sommes tentés de minimiser et d’agir en conséquences, nous risquons l’amende de 135 € à chaque carrefour. Nos mouvements sont limités, notre éventuel business est entravé, notre santé est menacée. Nos proches, nos anciens, nos malades et nos enfants, s’ils sont testés positifs, pourront nous accuser de les avoir contaminés. Bref, tout est fait pour nous inquiéter ou au moins nous troubler !

Marie, elle aussi était toute troublée le jour de l’Annonciation. L’expérience de Dieu peut produire un certain trouble. Dieu bouscule quelque peu. Mais aussitôt viennent ces mots «  n’ayez pas peur », «  sois sans crainte ». L’Évangile ne prône pas l’insouciance ni l’irresponsabilité mais la prise en considération d’une autre dimension de notre existence : notre relation à Dieu, laquelle est source de joie et de paix. En profondeur. « Tu as trouvé grâce auprès de Dieu ».

Dans la Bible, trouver grâce auprès de quelqu’un, c’est être en quelque sorte reconnu, estimé, accepté. C’est un de nos besoins fondamentaux humain que d’être utile à quelqu’un, à quelque chose, de sentir que l’on compte pour quelqu’un. Marie découvre qu’elle compte pour Dieu. Par cette expression l’ange comble en elle ce besoin fondamental de reconnaissance qui peut nous manquer tandis que nous sommes peut-être seuls toute la journée devant notre écran de télétravail. Même si l’ordinateur avait un logiciel spécial pour vous répéter à intervalle régulier « c’est bien ce que tu fais », « good job » « bon travail monsieur », cela ne ferait sûrement pas le même effet que l’entendre dire par l’ange Gabriel qui parle de la part de Dieu, ni même de la part d’un collègue ou d’un supérieur hiérarchique qui a réellement pris en considération ce que nous faisons ou essayons de faire.

Mais l’Annonciation, c’est aussi la première révélation, à travers la personne de Marie, de ce que notre humanité a trouvé grâce auprès de Dieu puisqu’Il va nous donner son Fils. Il va naître de la Vierge Marie et puis vivre trente années quasiment confiné, en tout cas sans se faire remarquer en rien, au milieu de la ville de Nazareth, dans la maison de Joseph et Marie. Cette discrétion sera la marque de ces années où se forge l’humanité de Dieu, l’humanité du « fils du charpentier » dont personne ne s’attend à ce qu’il soit le Sauveur, le Fils de Dieu, ni le Messie. On a appelé cela « la vie cachée de Jésus » car, bien que tout le monde pouvait le voir vivre, personne d’autre que Marie et Joseph ne pouvait deviner qui il était vraiment.

A travers Marie et l’enfant qui lui est annoncé, c’est notre humanité, dans son ordinaire, dans son confinement, dans sa dimension cachée, qui a trouvé grâce auprès de Dieu. Puisque Dieu va se cacher dans une humble vie d’homme, puisqu’il va vivre notre quotidien, épouser notre condition, prendre patiemment pendant une trentaine d’années la mesure de ce que nous vivons de plus discret et ordinaire, cela ne montre-t-il pas merveilleusement que notre vie a trouvé grâce au yeux de Dieu ? Merci Seigneur, pour ma vie humble et cachée, pour tous ceux qui travaillent dans la discrétion et avec application, pour nos soignants et tous ceux qui continuent de prendre des risques pour nous dans ce monde malade. Merci pour la vie et pour notre amour simple de la vie que tu nous as donnée et où tu viens nous rejoindre.
Amen.

Mgr Laurent Camiade
Evêque de Cahors

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