Dimanche des Rameaux et de la Passion

Dimanche 5 avril 2020
Homélie de Mgr Laurent Camiade.

La première chose dont la fête des Rameaux doit nous guérir, c’est du rêve de l’homme providentiel. Que ce soit dans la société, en politique, au travail, dans le monde économique ou le sport, ou même dans l’Église, lorsqu’on fait l’expérience de notre faiblesse, de nos limites, nous sommes tous bien souvent tentés de rêver qu’un homme providentiel va trouver les réponses à toutes les questions insolubles et nous entraîner enfin vers le haut.

Lorsque Jésus entre à Jérusalem, il semble d’ailleurs se prêter à ce jeu en laissant la foule l’acclamer. Car vraiment, il est ce sauveur et ce roi que le peuple attendait. Lui seul peut prétendre réaliser ce rêve humain de l’homme providentiel. « Qui est cet homme ? » se demande toute la ville de Jérusalem en pleine agitation. « C’est le prophète Jésus, de Nazareth en Galilée » (cf. Mt 21,11) répondent les foules qui n’ont donc pas compris qui est vraiment Celui qu’ils acclament. Car Jésus ne vient pas réaliser le rêve de ses contemporains ni les nôtres. Il vient nous sauver plus en profondeur et de façon beaucoup plus mystérieuse, en passant par la croix.

Car sa victoire ne s’appuie que sur Dieu seul. De même, c’est lorsque l’Église apparaît dépouillée et désarmée devant les puissantes idéologies de son temps, qu’elle peut davantage accomplir sa mission. Nous commençons une semaine sainte confinée, sans aucune sécurité ni sans les armes habituelles de notre vie spirituelle, sans les sacrements pour la plupart des fidèles. Mais nous ne pouvons pas douter que Dieu va donner sa grâce d’une manière plus forte encore. Car, en ces situations limites, l’Église sait qu’elle n’attend plus rien que de Dieu seul. Elle ne peut plus témoigner que de sa foi en la puissance du Christ.

Nul ne peut être missionnaire s’il n’est d’abord disciple, c’est-à-dire totalement dépendant de la parole du Christ. Le prophète Isaïe fait parler le Messie souffrant avec ces mots que nous entendions dans la première lecture : « Chaque matin […] Dieu éveille mon oreille pour qu’en disciple, j’écoute. Le Seigneur mon Dieu m’a ouvert l’oreille, et moi, je ne me suis pas révolté, je ne me suis pas dérobé. J’ai présenté mon dos à ceux qui me frappaient, et mes joues à ceux qui m’arrachaient la barbe… » (cf. Is 50,4-6) La mission de l’Église consiste toujours à s’engager de manière intrépide, de tout notre être, avec pour seule garantie la parole de Dieu.

Dans la Passion selon saint Matthieu, Jésus ne dit pratiquement rien. Il laisse dire. Parfois, il confirme «  c’est toi-même qui l’as dit ». La seule affirmation dans sa bouche, et qu’il appuie lorsque ses accusateurs l’expriment, c’est celle de sa divinité, c’est son identité de Christ, le Fils de Dieu, ou de roi des juifs. Et ses tout derniers mots s’adressent à Dieu, à ce Dieu qu’il est Lui-même et qui semble avoir abandonné son humanité « mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? ».

Alors la seconde guérison que nous pouvons attendre de la fête des Rameaux, c’est d’être libérés du découragement. Quel que soit notre motif de déprime, d’angoisse, de colère, le Seigneur Jésus-Christ, le Fils de Dieu, a traversé tout cela. Silencieux. Ne répondant rien à ses accusateurs, sauf cet énigmatique « c’est toi-même qui l’as dit ». Il est venu habiter toutes nos faiblesses, nos pauvretés, nos impuissances et nos lâchetés. Il nous rejoint dans nos cris de révolte. Là où nous nous sentons le plus abandonnés il nous remet en route. Pour qu’ayant suivi sa route jusque dans sa Passion, nous puissions continuer sa Mission, devenir des instruments de sa joie.

Amen.

Mgr Laurent Camiade
Evêque de Cahors

Soutenir par un don