4° dimanche de carême A : Évangile de la guérison de l’aveugle-né (Jn 9).

Dimanche 22 mars 2020

« Les juifs ne voulaient pas croire que cet homme avait été aveugle et que maintenant il pouvait voir » (Jn 9,18). En une phrase tout le problème de l’Évangile est posé. Ceux qui voient l’aveugle qui maintenant peut voir ne veulent pas y croire. Ils n’en croient pas leurs yeux. Ils voient mais ne croient pas. A la fin de ce récit, Jésus leur dira : « du moment que vous dites ‘nous voyons’ votre péché demeure » (Jn 9,41). La foi qui sauve du péché et de nos aveuglements les plus profonds, exige de se reconnaître aveugle, de prendre conscience de nos aveuglements.

C’est tout le problème de l’Évangile, spécialement de l’Évangile selon saint Jean, qui commence par constater que « la lumière brille dans les ténèbres, et les ténèbres ne l’ont pas accueillie » (Jn 1,5) et qui culminera avec l’acte de foi de Jean : « Il vit et il crut » (Jn 20,8). Tout au long du jubilé des 900 ans de notre cathédrale, nous avons médité sur ces mots en vénérant la Sainte-Coiffe, linges de la Passion du Christ, vénéré à Cahors depuis tant de siècles. Au tombeau vide, Jean a vu les linges à plat, le suaire de la tête roulé à part et aussitôt, « Il vit et il crut ». Mais pour croire, il fallait réaliser, précisément, pourquoi ce qu’on s’attendait à voir n’y était pas. Le cadavre avait disparu aux regards. Voilà ce qui était visible. Il est ressuscité, voilà ce qu’il devenait possible de croire, parce qu’on ne voyait plus de cadavre. Jean a vu Jésus mourir et n’avait pas de doute sur la réalité de sa mort. La disparition du corps l’a donc conduit directement au seuil de la foi. Et il a posé cet acte de foi. Pour bien comprendre son récit de la guérison de l’aveugle-né, il est certainement éclairant de garder à l’esprit son expérience de foi au tombeau. Saint Jean sait que pour croire, il faut aller au-delà de ce que nos yeux peuvent voir et non l’inverse, comme ces Juifs qui voyaient l’aveugle guéri mais ne voulaient pas croire qu’il avait été aveugle.

On ne peut pas s’attendre à un tel miracle. C’est impossible à imaginer, tout autant que l’incroyable miracle de la résurrection. Jamais on n’a entendu dire que quelqu’un ait ouvert les yeux à un aveugle de naissance (cf. Jn 9,32). Jésus, pour accomplir ce miracle incroyable a pris soin d’utiliser de la boue. Ce geste hautement symbolique rappelle le livre de la Genèse où l’on voit Dieu façonner Adam avec de la boue du sol (cf. Gn 2,7). L’allusion à la Création est évidente puisque cette guérison a eu lieu le jour du sabbat, jour de l’achèvement par Dieu de la Création (cf. Gn 2,1). Il ne s’agit pas d’un travail humain de soignant ni d’une intervention médicale non-urgente, accomplie contre la Loi du sabbat. C’est un acte divin d’achèvement. On peut penser aussi au chapitre 18 du livre de Jérémie où Dieu se présente comme un potier : « vous êtes dans ma main comme l’argile dans la main du potier » (Jr 18,6). Il est donc évident que Jésus révèle ainsi sa divinité : il est bien ce Dieu Créateur qui façonne l’humanité, qui ouvre les yeux de son peuple et le guérit de ses aveuglements. Car « tous se laissent conduire par leurs mauvais penchants » (Jr 18,12). Mais la patience de Dieu veut sans cesse remodeler ces hommes aveuglés. Et Jésus met de la boue sur les yeux de l’aveugle. Puis il l’envoie se laver à la piscine de Siloé. Le nom de Siloé est aussi une affirmation de l’identité de Jésus car « ce nom signifie ‘l’Envoyé’ » autrement dit le Messie. L’Envoyé de Dieu seulement, a pouvoir de faire voir un aveugle de naissance.

Remarquons enfin que l’aveugle n’avait rien demandé à Jésus. Il ne l’a même pas vu, puisqu’il n’y voit qu’après s’être lavé à Siloé. Ce n’est que plus tard qu’il rencontre le Seigneur à nouveau et le reconnaît et qu’il pose un acte de foi (Jn 9,38). Cela veut dire que s’il nous arrive de chercher Dieu et que nous avons à répondre librement à son Amour, il ne faut pas oublier que c’est Lui, Dieu, qui vient vers nous, c’est Lui qui nous regarde avant même que nous puissions faire un pas vers Lui, c’est son regard qui nous purifie et nous rend capables de croire et de vivre notre vie de foi. Nous pouvons faire nôtre cette prière de Thomas A Kempis : « Si Tu me laisses à moi-même, que suis-je ? Rien qu’infirmité ; mais dès que Tu me re-regardes, à l’instant je deviens fort et je suis rempli d’une joie nouvelle » (L’imitation de Jésus-Christ, III, 8,1).

En ces jours d’épidémie et de crise mondiale, regarde-nous Seigneur, Toi qui as protégé la ville de Cahors des pestes d’autrefois, vois la dévotion des nombreux fidèles qui ont vénéré la Sainte-Coiffe et qui ont reçu de Toi une plus grande force pour croire en ta Résurrection, achève ton œuvre et guéris-nous, délivre-nous de tout danger et de tout mal.
Amen.

Mgr Laurent Camiade
Evêque de Cahors

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