Dimanche 9 juin 2024 - Figeac
« Où es-tu donc ? » (Gn 3,9) C’est la question que Dieu pose au premier homme qui se cache après avoir péché. Pourtant Dieu sait exactement où se trouve Adam. Il n’a pas besoin de scanner les buissons pour voir celui qui s’y dissimule. Mais il veut qu’Adam prenne lui-même conscience du point où il en est rendu. Il veut surtout renouer le dialogue avec celui qui s’est coupé de Dieu par la désobéissance. C’est ainsi que Dieu fait aussi avec nous. Si nous nous cachons, si nous ne voulons pas le voir, si nous ne voulons pas nous laisser sauver, il ne force pas la porte. Il demande simplement « où es-tu ? » Il nous ouvre sa porte à Lui. Celui qui refuse l’Esprit Saint, Dieu ne le lui imposera pas, c’est pourquoi Jésus dit à ceux qui l’ont accusé d’agir par la puissance de l’esprit mauvais alors qu’il agissait par l’Esprit-Saint : « Si quelqu’un blasphème contre l’Esprit Saint, il n’aura jamais de pardon ». Car ne peut obtenir le pardon que celui qui accepte de renouer le dialogue avec Dieu.
Le but même de notre prière, de toute vraie prière, c’est d’obtenir l’Esprit Saint. L’Esprit Saint est à l’œuvre dans l’Église. Il travaille toujours. Dès les commencements du monde, c’est l’Esprit Saint qui planait sur les eaux d’un cosmos encore informe et vide (cf. Gn 1,2). C’est Lui qui avait inspiré les prophètes et tous les auteurs sacrés de la Bible. C’est Lui qui change le pain en corps du Christ et le vin en sang du Christ pendant la messe. C’est lui qui fait de nous des fils et des filles de Dieu par le baptême. C’est Lui qui est donné en abondance dans le sacrement de la confirmation que des adultes et des jeunes vont recevoir dans un instant. Adultes et jeunes m’ont écrit pour demander ce sacrement. Chacun selon son style et en fonction de son histoire et de son âge, demande à recevoir l’effusion de l’Esprit Saint. Pendant leur vie, avec ses joies et ses difficultés, ils ont pris conscience que Dieu était là tout près d’eux et que cet Esprit Saint avait commencé son œuvre. Dieu donne toujours le désir de ce qu’Il veut nous donner ensuite. C’est alors à nous d’espérer et de dire « Seigneur écoute mon appel… » (Ps 129)
Adam se cachait mais Dieu, en l’appelant, « où es-tu ? », lui a inspiré ce désir de renouer un dialogue. L’homme reconnaît alors sa peur, sa nudité, sa honte. Il avoue sa faiblesse, même s’il a encore du mal à reconnaître sa culpabilité et qu’il la rejette sur sa femme. Et la femme, pareillement, va rejeter sa culpabilité sur le serpent tentateur. Dans la Genèse comme dans l’Évangile de ce jour, les humains commettent la même erreur de placer le diable au centre de leur histoire, soit pour le dénoncer comme tentateur, soit pour dire que Jésus agit par la force de Béelzéboul. Cette manière de regarder notre existence comme si le mal était en son centre est très toxique. Jésus n’hésite pas à dire qu’elle va fermer la porte du pardon, qu’elle est un blasphème contre l’Esprit Saint. Or, dans nos vies, ce qui compte infiniment plus que le tentateur c’est ce que fait et veut faire l’Esprit-Saint. Dieu punit le serpent, ce qui montre bien que Dieu est infiniment plus grand que cette créature perverse. Nous n’avons pas à nous laisser fasciner par le pouvoir du mal.
Une jeune confirmante m’écrit qu’elle se demande pourquoi certains passages de l’Évangile qui parlent de l’enfer semblent si durs, si impitoyables. La première raison est sans doute que le Seigneur veut nous alerter et nous mobiliser pour sortir des engrenages du mal. Mais aussi, cela veut dire que Dieu prend au sérieux notre liberté et nous apprend que si nous sommes privés de Sa joie c’est par notre volonté propre et non la Sienne. Blasphémer contre l’Esprit Saint, selon l’expression de l’évangile d’aujourd’hui, c’est refuser l’aide de Dieu, c’est ne pas s’appuyer sur son Esprit d’Amour. Or nous ne pouvons pas être sauvés par nos seules forces, nous avons besoin de l’aide de Dieu. Nous sommes invités par Dieu à compter sur Lui, à prier l’Esprit Saint de venir confirmer en nous ce qu’il a déjà commencé à réaliser. C’est un enjeu de vie ou de mort, de vie éternelle ou de mort éternelle.
Cet enjeu n’est pas seulement individuel mais l’Esprit Saint resserre aussi nos liens d’amour avec les autres. Plusieurs jeunes insistent dans leurs lettres de demande sur les liens qui les unissent entre eux et qui les fortifient dans leur foi. Un garçon écrit également : « Je voudrais avoir la confirmation car ça me permettra de mieux suivre Dieu et de faire suivre Dieu à d’autres enfants. Et pour être rempli de l’Esprit Saint ».
Par ses sept dons, l’Esprit Saint imprime en nous des capacités de bien agir qui n’auront pas de limites si nous prions sans cesse l’Esprit Saint de venir déployer en nous ces dons. Sagesse, intelligence, conseil, force, connaissance, affection filiale et adoration. Ces dons ne sont pas seulement des capacités individuelles, mais aussi des dons pour le service des autres, de toute l’Église et aussi de la société. Le don de conseil, par exemple, est de manière évidente un don pour les autres, pour la construction de la communion entre tous. L’affection filiale, ou « piété filiale » concerne Dieu mais aussi tous ceux à qui nous devons quelque chose dans notre vie, comme en premier nos parents et nos proches, ceux qui nous font ou nous ont fait grandir. Cela résonne avec cette phrase de Jésus à la fin de l’Évangile d’aujourd’hui : « celui qui fait la volonté de Dieu, celui-là est pour moi un frère, une sœur, une mère » (Mc 3,25). Aujourd’hui où l’euthanasie semble partie pour ne plus être interdite par la loi française, se pose réellement la question du regard que nous portons sur nos proches quand la fin de leur vie arrive. La piété filiale nous incite à leur témoigner, avec reconnaissance et tendresse que, même si la souffrance nous fait peur, elles ne sont pas des problèmes à éliminer mais des membres parmi les plus précieux du corps social.
La violence qui existe dans notre monde, le manque d’amour, les situations blessantes, douloureuses ou injustes ont une consistance parfois effrayante. Comme Adam qui a honte de sa nudité, nous nous sentons parfois bien démunis face à tout cela. Mais nous avons aussi la chance de voir que Dieu ne nous abandonne jamais et que nous pouvons compter sur Lui. Et cela change aussi notre présent comme l’écrit une jeune confirmante : « J’ai vraiment rencontré Dieu à Lourdes. Depuis, à chaque épreuve de la vie que je rencontre, je suis confiante et heureuse car Dieu est avec moi ».
Face aux situations les plus complexes, nous avons particulièrement besoin d’être soutenus et éclairés par l’Esprit Saint pour accomplir la volonté de Dieu. Faire concrètement des actes conformes aux commandements de Dieu renforce nos liens avec le Christ, des liens d’affection semblables aux liens familiaux dans ce qu’ils ont de meilleur. Plusieurs des adultes et aussi quelques-uns des plus jeunes qui demandent aujourd’hui la confirmation ont connu des expériences familiales compliquées mais ils expriment tous combien leur lien avec Jésus-Christ est de nature affective, très intense. Ainsi le don de la piété filiale est-il un des attraits par lequel l’Esprit Saint vous a conduits à demander la confirmation. Exercer ce don prend objectivement corps lorsque nous faisons la volonté de Dieu. Et nous pouvons toujours compter sur l’Esprit Saint pour raviver en nous ce don de piété, d’affection filiale.
« Où es-tu donc ? » En m’écrivant vos lettres, vous les confirmands, vous avez pris le temps de répondre en quelque sorte à cette question. Où en suis-je ? Cette question, tout baptisé doit se la poser régulièrement devant le Seigneur. Sans fuir nos responsabilités, répondons devant Dieu des dons que nous avons reçus et prions-Le de nous renouveler dans la joie de l’Esprit Saint.
Amen.
+ Mgr Laurent Camiade