Appel décisif des catéchumènes

Dimanche 26 février 2023, Gramat.

 Homélie de Mgr Laurent Camiade :

Mes frères, chers catéchumènes,

Peut-être, il y a quelques mois encore, ce nom « catéchumène », par lequel je vous appelle aujourd’hui, vous était-il inconnu ou en tout cas très abstrait ! Et voilà que c’est fini, dès aujourd’hui on ne vous appellera plus catéchumènes mais on vous nommera les « appelés », ceux que l’Église reconnaît comme appelés par Dieu à recevoir le baptême pour entrer dans la Vie éternelle. Et ce changement de désignation n’est encore qu’une étape car après les 40 jours du carême, vous allez être baptisés et vous ne serez donc déjà plus des appelés, mais l’Église vous désignera comme des « néophytes », autrement dit « jeunes plantes ». Cela voudra dire que vous ne serez plus dans la phase de préparation de votre baptême, vous serez pleinement membres de l’Église, fils et filles de Dieu, frères de Jésus et vivant de son Esprit Saint, mais vous serez toujours en croissance. La croissance des jeunes pousses demande beaucoup de soin, de l’arrosage, mais pas trop à la fois, du soleil, mais sans excès, parfois un peu d’humus à placer autour pour enrichir le sol, et il faut bêcher et arracher les mauvaises herbes qui pourraient étouffer la prise au sol de vos toutes nouvelles racines. Bref, les conditions de l’épanouissement de la vie chrétienne demandent beaucoup de soin. C’est en partie votre responsabilité de continuer à grandir dans la foi et personne ne pourra tirer sur la plante pour la faire grandir plus vite, mais c’est aussi une responsabilité pour toute l’Église, pour vos parrains et marraines et tous ceux qui vous aident à cheminer déjà vers le Christ de créer ou maintenir des conditions favorables pour que les néophytes que vous serez alors, grandissent paisiblement et s’épanouissent dans la foi, l’espérance et l’amour.

Ne soyons pas naïfs, les communautés paroissiales ne sont pas parfaites, les membres de l’Église ne sont pas tous des saints, pas encore. Les scandales à répétition qui font parfois la Une des médias et la honte des catholiques n’aident pas à se sentir si bien que ça dans l’Église. La foi ne forme pas autour de nous une bulle protectrice qui nous rendrait invulnérables aux incertitudes de cette époque. Le récit imagé du péché originel, entendu ce matin, nous dit tout le contraire. Or, malgré ses incertitudes et ses tâtonnements, l’Église reste le Peuple que Dieu a appelé. Devenir saint ou sainte est toujours un appel, une route à suivre. Si ce Peuple appelé par Dieu ne comprenait que des gens parfaits et sûrs d’eux-mêmes, aucun de nous, probablement, ne pourrait s’y sentir à sa place. C’est peut-être justement parce que l’on sait que les chrétiens sont souvent aussi perdus que les autres habitants de la terre face aux défis de ce temps que, malgré les scandales, le nombre de catéchumènes en France ne cesse d’augmenter d’année en année. De fait, dans l’Église, on ne vient pas chercher le confort d’une communauté sûre d’elle, mais on vient écouter et partager la Parole de Dieu avec d’autres croyants. On vient se jeter à l’eau, comme un voilier fragile, mais poussé et fortifié par le souffle de l’Esprit Saint. Les scandales sont souvent venus par ceux qui se croyaient ou donnaient l’impression d’être meilleurs que les autres. Mais on a vu que c’était, au moins en partie, de la poudre aux yeux. C’est le Christ qui est le Sauveur et pas l’héroïsme tout humain de tel ou tel. Les jeunes pousses, les néophytes, doivent d’ailleurs s’exercer aussi à traverser les tempêtes, à résister au vent des tentations. Les plantes ne poussent pas si bien que ça dans du coton, mais le fumier, bien dosé, s’il ne les étouffe pas sous sa pourriture, les aide par contre à se fortifier.

Pour quarante jours, vous serez donc des « appelés ». Et vous allez traverser avec Jésus les quarante jours du désert des tentations, et nous allons les traverser avec vous. Oui, parce que depuis les débuts de l’Église, le temps du carême a été organisé dans la liturgie, en fonction des catéchumènes qui seraient baptisés à Pâques et toute la communauté chrétienne suit donc le rythme des futurs baptisés, en fonction de cette conversion que suppose le baptême. Et toute l’Église, formée de membres fragiles et exposés au péché, va renouveler, chaque année solennellement à la nuit de Pâques, la profession de foi du baptême. Donc, ce ne sont pas les « appelés » qui vont vivre le carême au rythme de l’Église, mais l’Église toute entière qui va s’efforcer de vivre au rythme des « appelés », en se rappelant que chacun de nous est appelé à la sainteté et a besoin de raviver en soi la grâce de son baptême. Alors, chers amis, vous qui serez appelés dans quelques minutes grâce à ce rite de l’appel décisif, vous avez une place importante dans notre vie de chrétiens, dans l’Église et dans nos cœurs, ainsi, bien sûr, que dans notre prière de chaque jour. Pensez-y, chaque année au carême et à Pâques, vous aurez alors l’occasion de revivre cela, comme un anniversaire, mais cette fois, au rythme des catéchumènes de demain !

Dans l’Évangile, aujourd’hui, nous avons suivi Jésus au désert des tentations. La tentation du pain ou de l’avidité des désirs ; la tentation de se jeter dans le vide pour voir si Dieu va intervenir ; la tentation de la toute-puissance, de croire qu’on va tout faire au contraire sans Dieu et dominer le monde. Jésus, bien qu’étant le Fils du Dieu tout-puissant, donc le seul être humain qui aurait pu légitimement s’imposer aux autres, a toujours refusé de manipuler les gens ou de leur manquer de respect et cela, malgré la fascination qu’il exerçait souvent sur les foules après ses miracles et sa parole libre et lumineuse. Chaque fois qu’on veut le faire roi, il s’éloigne et montre que c’est n’est pas son chemin. L’exemple qu’il nous donne est très précieux. Nous voyons qu’il s’abaisse toujours, jusqu’à accepter, lui, le Sauveur, lui, le Fils de Dieu, de mourir sur la croix comme un malfaiteur. Au fond, s’il n’y a qu’une seule chose à retenir sur Dieu et à ne jamais oublier, c’est que même s’il est tout-puissant, il n’abuse jamais de son pouvoir. Au contraire, c’est un Dieu qui s’abaisse, qui se désapproprie de Lui-même. C’est aussi pour cela qu’il apparaît si facile de douter de Lui : il ne s’impose jamais. Et il prend ce risque pour que nous soyons vraiment libres de croire en Lui. Il s’abaisse pour mendier notre foi, pour habiter nos angoisses et nos doutes afin de nous redonner une espérance. Et, comme un petit enfant, Dieu nous supplie de l’aimer et de nous aimer les uns les autres. Dieu est un Dieu qui s’abaisse. Le Christ accepte même d’être tenté par le diable, cet ange déchu qui l’a trahi, car il veut nous montrer le chemin de la victoire sur les tentations. Le Christ n’en finit jamais de s’abaisser jusqu’à la croix, jusqu’au tombeau. Mais ensuite, il va ressusciter pour nous ouvrir le chemin de la vie éternelle.

Amen.

Mgr Laurent Camiade
Evêque de Cahors

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