Consécration du diocèse à Notre-Dame de Rocamadour Fête de Marie, Mère de l’Eglise

Lundi de Pentecôte 10 juin 2019.
Vierge Marie, mère de l’Église.
Dans le cadre des 900 ans de la cathédrale

 Homélie de Mgr Laurent Camiade :

La liturgie de la dédicace d’une église propose l’évangile de la conversion de Zachée. C’est un texte que nous aimons bien lire et relire ici à Rocamadour. « Aujourd’hui, je vais demeurer chez toi », voilà comment Jésus parle à Zachée. Voilà ce qu’il nous dit à nous aussi. Voilà ce qu’il a dit, d’une autre manière, à la Vierge Marie lorsqu’elle a reçu le message de l’ange qui lui a annoncé que Dieu ferait sa demeure pendant neuf mois dans son ventre maternel.

Marie, la mère de Jésus-Christ, mère de Dieu, est ainsi modèle de l’Église, « modèle et exemplaire admirables pour l’Église, dans la foi et dans la charité » (Lumen gentium 53) comme l’a dit le saint Concile Vatican II.

Consacrer notre diocèse à Marie, à Notre-Dame de Rocamadour, cela évoque un don total. Dans le langage de l’Église, la consécration est la donation intégrale de soi, laquelle donation intégrale ne peut être faite qu’à Dieu. Il n’y a qu’à Dieu que l’on peut se consacrer, au sens strict. Aucun autre être que Dieu ne peut mériter cette donation intégrale se soi. Car seul Dieu qui a créé notre liberté peut faire qu’en se consacrant à Lui, en renonçant à tout ce à quoi nous tenons pour le remettre entre ses mains, nous ne soyons pas privés de cette liberté, mais qu’au contraire, renoncer à des biens estimables pour nous donner totalement à Dieu, selon les mots du Concile Vatican II, « n’est pas un obstacle au vrai développement de la personne humaine » (LG 46). La consécration de soi à Dieu purifie le cœur et fait grandir la liberté spirituelle.

Alors, pourquoi nous consacrer à la Vierge Marie ? Cette tradition spirituelle est bien établie dans l’Église. Mais, en réalité, la consécration à la Vierge Marie est une consécration à Jésus-Christ par l’intermédiaire de la Vierge Marie qui est totalement et parfaitement consacrée à Dieu. Marie est LE modèle de toute consécration. Elle ne garde rien pour elle, tout ce qu’elle reçoit est aussitôt donné à Dieu ! Comme l’écrivait saint Louis-Marie Grignon de Monfort, « Marie étant la plus conforme à Jésus-Christ de toutes les créatures, il s’ensuit que, de toutes les dévotions, celle qui consacre et conforme le plus une âme à Notre-Seigneur est la dévotion à la Très Sainte Vierge, sa sainte Mère, et que plus une âme sera consacrée à Marie, plus elle le sera à Jésus-Christ » (Traité de la vraie dévotion, n° 120).

Ainsi, le fruit central que nous pouvons attendre de la consécration de notre diocèse à Notre-Dame de Rocamadour, est une plus grande fidélité, une plus grande ressemblance de notre Église diocésaine avec son chef qui est Jésus-Christ. C’est bien à Dieu que nous faisons la donation intégrale de notre vie diocésaine, de notre mission diocésaine, en nous consacrant à la Vierge Marie.

Ce n’est pas un scoop si je dis que notre diocèse a reçu de nombreux bienfaits ici à Rocamadour, depuis des siècles, depuis plus d’un millénaire. Ce sont autant de signes de la volonté de la Vierge Marie, mère de Jésus-Christ et mère de l’Église, que nous venions ici pour poser des actes de donation de nous-mêmes et d’offrande de tous ceux à qui nous tenons. Consacrer l’ensemble de notre diocèse, c’est aussi nous rappelle que l’Église est communion et que notre sanctification est liée à celle des autres, que nous pouvons nous porter les uns les autres, nous offrir les uns les autres, nous consacrer les uns les autres à Dieu par Marie comme elle-même, par sa propre consécration parfaite à Dieu devient un canal pour notre propre sanctification.

Quels sont les bienfaits à attendre de cette consécration pour un diocèse comme le nôtre ? Quels sont les dons que nous pouvons spécialement faire à la Vierge Marie ? Dans les quelques versets du prophète Isaïe entendus en première lecture, on peut lire plusieurs pistes :

 « observez le droit, pratiquez la justice » (56,1). C’est un point de conversion que nous avons tous à travailler. Il faut confesser que dans l’histoire de notre diocèse il y a eu des contre-témoignages, ici à Rocamadour comme aussi en d’autres lieux du diocèse, dans la gestion des biens matériels comme dans la manière de se comporter envers des personnes fragiles. Beaucoup de personnes en ont souffert. Cela a appauvri notre patrimoine et fragilisé nos projets missionnaires. Consacrer aujourd’hui notre diocèse à la Vierge Marie, c’est entendre cet appel du Seigneur dont parle Isaïe : « observez le droit, pratiquez la justice » (56,1). C’est en nous offrant réellement de tout notre cœur à la Vierge Marie que nous pourrons trouver la force de mettre en œuvre ce conseil très simple à dire mais beaucoup plus complexe à vivre.

 «  les étrangers qui sont attachés au Seigneur, … je les conduirai à ma montagne sainte, je les comblerai de joie dans ma maison de prière… ma maison s’appellera « Maison de prière pour tous les peuples » (56,6-7). Ces deux versets proposent une vision ouverte et unifiée de la vie du peuple de Dieu. Savons-nous accueillir les étrangers, qu’il s’agisse de touristes, de pèlerins, ou de pauvre migrants, voire de personnes n’ayant pas les mêmes manières de voir le monde que nous et qui nous paraissent étranges ? C’est un vrai défi pour la société d’aujourd’hui. Même dans notre diocèse où la population est peu nombreuse et où les migrants n’affluent pas massivement, existe le défi de l’accueil et le défi d’aimer ceux qui ont des mentalités différentes, des manières différentes de voir la vie, le travail, l’agriculture, l’environnement, la politique… La Vierge Marie nous aide, nous guide pour faire de notre diocèse un germe d’unité et d’ouverture à tous qui encourage l’ensemble de la population et donne à voir que nos communautés sont ouvertes et que chaque église est « Maison de prière pour tous les peuples ».

 « Maison de prière » (56,7). Je m’arrête enfin sur ce petit groupe de mots. Ne pourrions-nous pas offrir à la Vierge Marie toutes nos églises, nos sanctuaires, nos chapelles, pour qu’elle nous aide à en faire de vraies maisons de prière, non pas seulement historiques, mais actuelles, où nous allons régulièrement prier, louer Dieu, même lorsqu’il n’y a pas beaucoup de célébrations. Et quand il y en a, que nos célébrations soient de vraies louanges, tournées vers Dieu et non vers nous-mêmes. Consacrer notre diocèse à Dieu, c’est renoncer à tout auto-référencement, à toute volonté de puissance ou de recherche de gloire personnelle. Pour cela, nous avons besoin de prêtres car l’ordre des prêtres est fait pour que l’Église n’oublie pas quelle se rassemble autour du Christ vivant et non pas d’une idéologie ni d’une sympathie simplement humaine. Puissions-nous retrouver cette joie de servir en présence du Seigneur, sans orgueil, avec grande application, mais sans nous inquiéter trop non plus si nous sommes peu nombreux ou n’atteignons pas ici-bas la perfection dont nous rêvons.

Observer le droit et la justice dans notre gestion et nos relations humaines, devenir un peuple diversifié et uni en Jésus-Christ qui travaille au bien commun de tous, orienter nos communautés et nos célébrations vers Dieu. Voilà quelques fruits à attendre et quelques manières concrètes de vivre la consécration de notre diocèse à Notre-Dame de Rocamadour. La donation intégrale de soi, c’est un acte spirituel, intérieur, concret que chacun peut faire, mais cet acte spirituel doit s’incarner dans notre vie quotidienne et c’est pourquoi j’ai proposé ces pistes. L’Esprit Saint peut encore vous en inspirer d’autres ! Ce qui compte, c’est de faire confiance à la Vierge Marie et de cultiver en nous cette générosité du don de nous-mêmes. Que l’Esprit Saint nous en rende capables !

Amen.

Mgr Laurent Camiade
Evêque de Cahors

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