Père Jacques Hahusseau, "lettre du Brésil"

Boa vista / Roraima - Brésil

Bonjour à tous

Je suis heureux de vous rejoindre sur la route vers Pâques, avec ces quelques nouvelles venues du “bout du monde”, de Boa Vista, au Brésil !

“Bout du monde” ? Pas tout à fait, mais commencement et fin de différents mondes (Venezuela, Guyane anglaise, Peuples indiens). Ici, tous ces mondes se croisent, se fécondent, entrent souvent en tension et compétition. Notre voisin immédiat, le Venezuela, frontière à 200 kms de Boa Vista, est en pleine crise ; une crise qui dure et se durcit. Victimes de la déroute économique et échec de la prometteuse “Révolution bolivarienne”, le nombre grandit des Vénézuéliens qui, depuis l’an dernier, rejoignent Boa Vista pour échapper à la faim et trouver avenir et espérance de vie.

Les efforts se multiplient pour accueillir, en même temps que grandissent les réactions de xénophobie. Des Organisations Internationales sont sur le terrain pour pallier les déficiences des politiques locales. La Pastorale des Migrants est active. Nos Communautés Chrétiennes sont appelées à la générosité et au partage. Appel de partout à la “socialisation” et au partage !

“Socialiser” “partager”... Des paroles qui font grincer les dents de ceux qui ici se sont appropriés depuis longtemps l’espace et le pouvoir. L’arrivée en nombre des Vénézuéliens, vient renforcer les difficultés mal résolues des populations rurales et indiennes dans leurs justes revendications à vivre sur leurs terres, avec l’héritage de leurs traditions et cultures ancestrales. Après des années d’ouverture politique et volonté de changement pour une plus grande justice sociale, le récent “coup d’Etat” camouflé a rendu le Brésil à ses vieux démons : dictature du pouvoir économique et retour aux vieilles oligarchies. La pression grandit sur les populations rurales et sur ces communautés indiennes pour qu’elles abandonnent leurs terres pour plantation de soja et exploitation des minerais, etc. La Pastorale de la Terre (CPT) et la Pastorale des Indiens (CIMI), continuent à former, informer, protéger. Malgré tous ces efforts, les menaces continuent et le cercle des puissants s’organise. L’Amazonie est au cœur de cette aventure de spoliation. Notre Pape François appelle la réflexion des Evêques sur cette région du monde, par la convocation d’un prochain synode en 2019, pour aider à mieux comprendre et mieux agir dans ces terres d’Amazonie convoitées et massacrées.

Cette année, pendant le Carême, nous réfléchissons sur la “Violence”, ce mal qui grandit et échappe à tous les contrôles. Tout le monde en parle, tout le monde en souffre. Pourquoi la violence ? Que faire ? La Campagne de la Fraternité, pendant ce temps de Carême 2018, veut nous aider à penser et agir : “C’est la Fraternité qui est réponse à la violence” ! Jésus nous a montré le chemin ! L’Exemple des moines de Tibhirine est bien connu ici aussi . Le film “Des dieux et des hommes” circule ici en version portugaise et aide à penser et à repenser la Mission de l’Eglise. Bienvenue à Dom Oscar Romero, au nombre Saints “labellisés” d’Amérique Latine. Apprendre et réapprendre à devenir des frères, partager, accueillir aider à “tenir debout”, à “garder pied sur terre”. Nous allons célébrer le Jeudi-saint : le lavement des pieds. Un geste que Pierre n’a pas su reconnaître au départ. “Jésus, là où ne l’attendait pas” ! Comme on dit souvent à la Mission de France ! Cette “Sainte Cène” du lavement des pieds tient le “devant de la scène” chez St. Jean, en lieu et place de l’Eucharistie. Apprendre et réapprendre à devenir des frères, à garder pied sur terre, à tenir debout, se mettre au service des plus fragiles et menacés : Mission pour l’Eglise aujourd’hui au Brésil et ailleurs. Les Chrétiens réapprennent à vivre cette périlleuse aventure. La Croix du Vendredi Saint est proche du “lavement des pieds”. Beaucoup en meurent, mais leur vie donnée est le plus grand signe de Vie. Viennent la Pâque et la Vie du Ressuscité ! Merci au Pape François qui pousse l’Eglise sur ce chemin, même s’il fait grincer des dents !

Ces années de compagnonnage missionnaire avec l’Eglise du Brésil aident à lire et mieux comprendre le courageux appel des Prophètes à la conversion, à la “religion” qui “re-lie” les hommes entre eux et avec le Projet de Dieu ; celle qui met les pauvres au cœur de la Mission de l’Eglise, celle qui ouvre à l’Esperance, malgré les larmes et le sang. Longue et difficile aventure de la Fraternité, de la Justice et du partage ! Cette Semaine Sainte nous fait revivre l’aventure de Jésus, le “Prophète assassiné”, chemin de Vie, chemin de Croix. Nous la vivrons ensemble, dans des mondes différents, mais poussé par le même appel du Bx Alain de Solminihac, pour vivre cette Mission : "Sans réserve, sans retard, sans retour" !

Ce prochain mois de juin, je serai heureux de retrouver le diocèse de Cahors pour célébrer l’anniversaire de mon ordination presbytérale et penser l’avenir de “retraite”.

A bientôt donc la joie des retrouvailles et le temps du partage.
En communion de prière et de vie, avec vous, sur la route, vers Pâques.

Père Jacques Hahusseau

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