2° dimanche de Carême - Appel décisif des catéchumènes

Dimanche 25 février 2024.

 Homélie de Mgr Laurent Camiade :

Mes frères,

La Transfiguration du Seigneur sur la montagne est un événement spectaculaire de la vie de Jésus. Peut-être moins spectaculaire, en un sens que certains miracles comme la multiplication des pains qui a eu de nombreux témoins. Là, il n’y a que trois disciples, sans compter Moïse et Elie qui eux, font partie du spectacle car ils sont morts, et normalement, les morts n’apparaissent pas comme ça !

Jésus transfiguré, rayonnant de lumière, c’est une image difficile à décrire et le texte de l’évangile ne s’embarrasse pas pour donner des précisions, il dit simplement qu’il s’agit d’une blancheur telle qu’on n’en a jamais vu sur terre. Bref, aucune comparaison, aucun mot, aucune image terrestre ne pourra jamais reproduire ce que les trois disciples ont vu ce jour-là. Et pour cause, cette manifestation divine ne fait pas partie des choses terrestres, nous ne pourrons en avoir une idée qu’au ciel. Il y a bien des choses qui brillent ou qui nous surprennent sur la terre, mais rien de comparable à Jésus transfiguré. Voilà ce que nous pouvons comprendre. Cela pourrait donc ne pas nous concerner si Jésus n’était pas venu, justement, pour nous faire partager sa propre vie éternelle et donc s’il ne nous avait pas annoncé que nous aussi, nous sommes appelés à partager ce rayonnement lumineux. Dans l’Évangile selon saint Matthieu, notamment, Jésus avait dit qu’à la fin des temps, « les justes brilleront comme le soleil dans le royaume de leur Père » (Mt 13,43). C’est exactement la signification du vêtement blanc que l’on remet aux nouveaux baptisés le jour de leur baptême ou de l’aube que portent les prêtres ou les servants d’autel ou encore la robe blanche des mariées. Ces vêtements blancs sont là pour se souvenir de la transfiguration du Seigneur et de ce que, par le baptême, nous devenons semblables au Christ, avec cette vocation à briller un jour de toute la lumière du Seigneur, de la justice qu’il nous donne, lui le seul Juste.

Cela ne veut pas dire que nous sommes nous, tous les baptisés, des gens brillants. Nous savons bien que non. Nous connaissons nos péchés et nos failles multiples. Mais nous sommes promis à un avenir lumineux, à avancer sur un chemin de lumière, à progresser vers la lumière du Christ, comme on le manifestera dans la nuit de Pâques en sortant sur les places devant nos églises pour faire briller le feu nouveau qui symbolise la lumière du Christ, à laquelle nous allumerons des cierges qui rappellent notre baptême. Ce symbole de la lumière du Christ est très souvent présent dans nos célébrations chrétiennes et il nous permet de ne jamais oublier à quelle gloire et à quel rayonnement nous avons été appelés.

Aujourd’hui, trois adultes qui vont être baptisées à Pâques sont présentes dans cette église pour vivre le rite de « l’appel décisif ». Elles vont être appelées par leur nom, inscrire leur nom sur un registre. Et, au nom de l’Église, je vais leur dire « vous êtes appelées ». En effet, Dieu appelle tous les hommes au salut. Mais dès lors qu’un début de réponse se manifeste, il est important de bien comprendre qu’on ne demande pas le baptême selon un désir simplement humain, mais comme une réponse à l’appel de Dieu. C’est à l’Église que revient de discerner si la démarche vers le baptême de ces adultes est réelle. Je demanderai tout à l’heure aux accompagnateurs des catéchumènes si celles-ci ont écouté la Parole de Dieu et si elles ont commencé à essayer de la mettre en pratique. Car c’est en mettant en pratique la parole de Dieu que l’on progresse vraiment vers la lumière du Christ. Ce ne sont pas simplement des émotions ou des sensations qui nous rapprochent de notre transfiguration, mais c’est notre transformation intérieure qui se vérifie par des actes de bonté, des efforts de pénitence, une fidélité à la prière et une profonde attention aux autres, à l’image de Jésus dans les Évangiles. La lumière de Jésus n’est pas une lumière froide, mais un feu qui rend les cœurs sensibles aux problèmes du monde et aux besoins de nos frères et sœurs, surtout les plus petits et les plus vulnérables.

Pour vivre en chrétiens, nous avons tous besoin les uns des autres. Jésus n’a pas voulu que nous avancions seuls, mais tous ensemble. Saint Augustin disait que lorsque, le jour de la Transfiguration, Pierre a proposé à Jésus de dresser trois tentes, pour loger chaqu’un des personnages, Jésus, Moïse et Elie séparément, il manifestait qu’il n’avait rien compris à ce qui s’était passé. Car l’enjeu n’était pas de séparer chacun dans sa tente mais de rassembler l’Ancien et le Nouveau Testaments, pour finalement rassembler tous les croyants sous une seule lumière divine. Le projet de Dieu pour l’humanité est un projet de fraternité et de rassemblement.

L’apparition de Moïse et d’Elie montrait, en effet, que tous les hommes sont appelés à vivre de la même parole divine. Moïse est celui qui, après avoir fait sortir le peuple hébreux de l’esclavage d’Egypte, lui a transmis les commandements de Dieu. Et Elie était un prophète qui a lutté vaillamment contre les faux dieux, contre les cultes polythéistes qui dispersaient et asservissaient le peuple. Moïse et Elie étaient deux libérateurs du peuple. Ils ont été des témoins exigeants de la mise en œuvre des paroles divines. Le jour de la Transfiguration, ils ne viennent pas simplement faire le spectacle, mais ils attestent que la lumière de Jésus est bien en continuité parfaite avec la parole des Écritures, avec la Révélation biblique du Dieu unique qui fait marcher son peuple dans la liberté. Vivre de l’amour du Christ et rayonner sa lumière suppose toujours d’être à l’écoute des appels du Seigneur et de ses commandements, comme l’ont été Moïse et Elie. Et cela nous fait grandir, cela nous rend vraiment libres, détachés de tout ce qui n’est pas l’essentiel, de tout ce qui ne conduit pas à la justice qui brillera dans le royaume de Dieu le Père.

Ces liens entre la lumière et la parole de Dieu apparaissent encore dans la voix qui se fait entendre le jour de la Transfiguration : « de la nuée une voix se fit entendre : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé : écoutez-le ! » » (Mc 9,6) Puis tout disparaît et il ne reste « plus que Jésus seul ». Ceci est très significatif, cela veut dire que ce qui est le plus important, c’est bien de regarder Jésus et lui seul, c’est en lui que se concentre tout le mystère de Dieu et tout ce qui peut nous rendre vraiment libre.

Chers frères et sœurs, la lumière du Christ ne demande qu’à briller en nous. Pour avancer vers cette lumière, nous ne sommes pas sans repère : nous avons le Christ qui est visible parmi nous dans les célébrations de l’Église, en particulier l’eucharistie, mais bien sûr aussi dans le baptême et tous les autres sacrements. Dans chacune de ces célébrations, la parole de Dieu retentit à nos oreilles et nous appelle à vivre selon le style de vie du Christ, à imiter Jésus-Christ et à nous appuyer sur sa grâce. Lors des prochains dimanches de carême, les catéchumènes vont vivre les scrutins pour se laisser davantage façonner par la parole de Dieu, ce que nous faisons d’ailleurs tous, dimanche après dimanche et spécialement pendant le temps du carême. Cette parole éclaire nos vies, elle nous libère et nous fait avancer dans la lumière.

Avançons avec confiance, les uns avec les autres, en nous encourageant les uns les autres.

Amen.

+ Mgr Laurent Camiade
Evêque du diocèse de Cahors

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