Messe chrismale du 21 mars 2016

Mes frères,

il y a trois rites particuliers au cours de la messe chrismale. Ils vont être accomplis pour nous dans un instant, après ces mots que je vous adresse.

Il s’agit d’abord de la rénovation des promesses des prêtres qui se prolonge par une prière pour eux et pour l’évêque. Ensuite, je bénirai deux huiles, celle des malades et celle des catéchumènes. Enfin, je consacrerai le Saint-Chrême.

Ces trois rites sont reliés entre eux. Ils rappellent tous le sacerdoce du Christ. C’est à lui que s’applique la parole prophétique d’Isaïe : "L’Esprit du Seigneur est sur moi parce que le Seigneur m’a consacré par l’onction." Le sacerdoce de Jésus, c’est sa mission de réconcilier le monde avec Dieu, de redonner au monde sa beauté.

Le sacerdoce dans l’Église caractérise tous les baptisés puisqu’ils sont consacrés "Christ", chrétiens, configurés au Christ pour la réconciliation du monde. "Jésus-Christ nous a délivrés de nos péchés par son sang" et "a fait de nous un royaume et des prêtres pour son Dieu et Père" (Ap 1,5-6). Mais ce sacerdoce des chrétiens est initié, accompagné et nourri par des ministres —c’est-à-dire des chargés de mission— qu’on appelle les prêtres et les évêques. Ils poursuivent dans l’histoire la mission donnée aux Apôtres. L’onction du Saint-Chrême symbolise cette participation au sacerdoce du Christ, le mot Christ d’où dérive aussi le mot "chrême" signifiant "oint", celui qui a reçu l’onction. C’est pourquoi au baptême et à la confirmation, à l’ordination du prêtre et à celle de l’évêque, on utilise le saint-Chrême pour en oindre ceux qui reçoivent ces sacrements.

Mais avant la consécration du saint-Chrême, nous allons vivre deux rites importants. D’abord le renouvellement des promesses des prêtres. Pour aider le peuple de Dieu dans son sacerdoce, le prêtre doit s’engager à ressembler le plus possible à Jésus par le renoncement à lui-même et la fidélité à la Mission reçue du Christ. Renoncer à soi-même, c’est se décentrer de soi. Comme dit souvent le pape François, c’est éviter toute "mondanité spirituelle". Le pape considère que la mondanité spirituelle est la chose qui fait le plus de tort à l’Église et qui stérilise toute son énergie missionnaire. "Il faut l’éviter en mettant l’Église en mouvement de sortie de soi, de mission centrée en Jésus Christ, d’engagement envers les pauvres" (EG n° 97).

Le second rite important, sera la bénédiction de deux huiles, celle des malades et celle des catéchumènes. Ces huiles signifient que l’Église poursuit le ministère public de Jésus qui a annoncé le Royaume de Dieu avec deux moyens : 1. en guérissant des malades et 2. en prêchant la conversion des pécheurs. Autrement dit, ces deux huiles expriment les deux aspects fondamentaux de la miséricorde de Dieu révélée par Jésus : la guérison et la justification. Dieu nous guérit et il nous rend justes. Il donne la grâce d’être aimés au cœur de notre misère et la grâce de nous engager sur un chemin vertueux : "prends ton brancard et marche" signifie tout à la fois la guérison et la force de marcher droit. Peut-être sommes-nous parfois tentés de croire en la guérison du pardon sans entendre l’appel à cultiver les vertus naturelles (force, tempérance, prudence, justice). Quelle importance donnons-nous, en effet, à l’huile des catéchumènes dans notre pastorale du baptême ? Le monde actuel ne provoque-t-il pas l’Église à insister davantage sur la conversion et le développement des vertus ? Nous devons progresser en vertu sans renier la puissance de guérison de Jésus dont l’amour est plus fort que tout. Mais il peut y avoir l’erreur de présupposer que si Dieu pardonne tout, les hommes aussi peuvent facilement tout pardonner. Il y a des blessures, et spécialement celles causées par les actes pédophiles dont il a été beaucoup question ces dernières semaines, qui ont des effets graves et durables. Alors dire simplement que Dieu pardonne n’est pas suffisant. La réparation de la fraternité humaine prend beaucoup plus de temps que la réconciliation avec Dieu. Dans beaucoup de familles il existe des blessures graves, des actes qui ont semblé tout gâcher. Dire "ce n’est pas grave" n’est qu’un faux pardon, c’est un déni. Le vrai pardon nécessite un long dialogue et une profonde recherche de la justice. On n’atteint jamais sur terre la justice parfaite et vient un moment où pardonner suppose "d’aimer la finitude du monde" comme disait Hannah Arendt. L’huile des catéchumènes signifie cette force reçue du Christ pour surmonter le mal et le vaincre concrètement en assumant l’imperfection du monde et nos propres imperfections, comme Jésus l’a fait : "Père, pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font".

Le troisième rite, après le renouvellement des promesses des prêtres et la bénédiction des deux huiles, est la consécration du saint-Chrême. C’est un sommet car il nous rappelle la participation de tous les baptisés à la fonction prophétique sacerdotale et royale du Christ. A la différences des deux autres, cette huile est mélangée avec un parfum. Elle signifie que celui qui en est marqué ne l’est pas que pour lui-même, mais elle le met en relation avec Dieu et avec les autres. Au baptême et à la confirmation, nous avons reçu l’onction du saint-Chrême sur le front. Cela signifie notre mission de rayonner auprès de tous de la bonne odeur du Christ. Le monde qui nous entoure, le plus souvent à notre insu, est rendu plus saint par notre simple présence, surtout dans la mesure où la foi de notre baptême reste vivante en nous. Le parfum du Saint-Chrême signifie notre vocation à surmonter l’individualisme de notre culture. Nous ne pouvons pas être chrétien tout seul ni vivre la foi chrétienne hors sol, sans relations avec le reste du monde.

La Mission Zachée, portée par un grand nombre de baptisés, s’appuie sur cette conviction que le parfum du saint-Chrême doit se répandre dans toute la population du Lot. Le parfum du saint-Chrême doit supplanter l’odeur des ânes ! C’est pourquoi j’insiste sur la dimension spirituelle de cette mission comme de toute mission d’évangélisation. Nous devons la porter dans notre prière. Je propose spécialement de réciter chaque jour l’Angelus à midi à cette intention. Dieu a visité son Peuple. Il a pris Chair en Marie et sa bonne odeur rayonne sur nos fronts.

Les prêtres ont aussi reçu l’onction dans le creux de leurs mains, leurs mains faites pour bénir et consacrer. Chers frères prêtres, n’oublions jamais pour quoi nos mains ont été offertes au Seigneur. Toutes nos actions doivent refléter le Christ. Nos gestes ne doivent jamais être équivoques ni encore moins blessants. Nos paroles doivent être courageuses parfois, acérées tel le glaive de la Parole de Dieu pour condamner le péché, mais toujours miséricordieuses envers les pécheurs et même aussi entre nous. Il est souvent plus fécond d’encourager le bien que d’affiner des critiques subtiles.

Dès mon arrivée dans le Lot, j’ai entrepris la visite des prêtres du Diocèse. Je voudrais en rendre compte devant le Peuple de Dieu. Il est facile de pointer les défauts des prêtres comme ceux de l’évêque, les failles de nos personnalités, les erreurs que nous commettons. Nous sommes des êtres humains et nous ne sommes préservés d’aucun des défauts de notre humanité ni d’aucune tendance de notre culture. Je pense en particulier et nous le sentons tous, que nous avons beaucoup d’efforts à faire pour

surmonter des réflexes individualistes dans les initiatives pastorales. Mais je tiens à dire ce soir que le sentiment qui domine en moi est celui d’une admiration devant le clergé que j’ai découvert dans ce Diocèse où le Seigneur m’a envoyé.

Mes frères, vos prêtres prient pour vous et ont réellement donné leur vie pour vous.

Ils ont un grand dynamisme apostolique, ils annoncent le Christ selon des méthodes variées et complémentaires avec beaucoup d’inventivité, ils accompagnent beaucoup de personnes, ils se rendent disponibles parfois plus que de raison et au péril de leur santé, ils ont aussi entre eux une belle fraternité plus forte que leurs différences.

J’aime la joie de vivre de la plupart d’entre eux, la sagesse des plus anciens, la fougue des plus jeunes, la compétence et l’exigence des plus réfléchis, la faconde de quelques-uns, le franc-parler de beaucoup, la délicatesse de certains autres...

Je n’oublie pas non plus ceux qui, après de longues années de ministère et de service généreux sont aujourd’hui en activité réduite ou même sans pouvoir rien faire d’autre que d’offrir leur dépendance au Christ crucifié pour qu’il la présente au Père en sacrifice spirituel. Et cela aussi, même si c’est douloureux, c’est beau et cela édifie le Royaume de Dieu.

Mes frères, priez pour vos prêtres, accueillez-les en pardonnant leurs petits défauts et en recevant dans l’action de grâces leurs très grandes qualités ! Leurs mains ont été consacrées pour servir votre chemin vers la sainteté. Sachez attendre d’eux ce pour quoi ils ont été ordonnés : la réconciliation joyeuse du monde avec Dieu. Rendons grâces à Dieu pour ce don merveilleux !

Amen.

Mgr Camiade

L’annonce des nomination fait l’objet d’un article séparé.
Photos : Marie-Madeleine Rey

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