Mardi 24 septembre 2024, Puy-l’Evêque.
– Homélie de Mgr Laurent Camiade :
Mes frères,
L’Apôtre Pierre a été amené par Jésus qui lui a donné ce nom de « pierre » à méditer sur sa signification et c’est lui qui nous dit que nous sommes chacun, d’entre nous, des pierres vivantes appelées à entrer dans une construction spirituelle, celle de l’Église qui s’unit à Jésus pour offrir à Dieu ce que nous sommes.
Cette image des « pierres vivantes » avait inspiré autrefois un document catéchétique. C’est l’idée de la construction et de l’humble participation de chacun qui bâtit un ensemble plus vaste. C’est bien sûr l’image de nos églises bâties en pierres mais qui sont justement des symboles de ce qu’est réellement l’Église en tant que communauté de fidèles, une vaste construction formée de pierres vivantes.
Cette image peut s’appliquer sans aucune difficulté à l’enseignement catholique qui est, dans l’Église, une construction formant une communauté éducative, dans laquelle chaque élément est comme une pierre vivante.
Nous pouvons alors nous demander dans quelle mesure nous sommes des pierres, c’est-à-dire des éléments d’une vaste construction —plus large que notre petite personne— et dans quelle mesure nous sommes vivants, c’est-à-dire que notre contribution à cet ensemble est animée par un souffle et qu’il nous permet de grandir.
Suis-je une pierre de l’édifice enseignement catholique ? Chaque pierre permet aux autres de s’appuyer et de former ainsi un tout solide. Si une pierre disparaît, le reste de la construction s’affaiblit. Bien sûr, comme nous sommes des pierres vivantes, nous sommes aussi des pierres fragiles, parfois malades, pas toujours au sommet de nos capacités, nous avons des hauts et des bas. Mais c’est globalement qu’il faut regarder, sans se juger individuellement. Prenons simplement la mesure de notre interaction avec les autres. Que ferions-nous sans les autres ? La tentation de croire que tout repose sur un seul est toujours désastreuse. Si je crois que tout dépend du chef ou de mon n+1, je me démobilise, si je crois que tout dépend de moi, je me désespère ! La complexité des liens au sein de l’enseignement catholique et entre l’enseignement catholique et le reste de la société peut parfois sembler une lourdeur, mais c’est justement quand tout s’articule au mieux que l’on avance et qu’une certaine joie se manifeste. Souvent, le risque peut être de ne pas se parler, de ne pas communiquer certaines informations, de croire qu’on peut résoudre un problème tout seul, tandis qu’il existe tout un réseau qui peut aider. Secrétariat général, direction diocésaine, organisme de gestion, association propriétaire, parents d’élèves, enseignants, personnels OGEC, directeurs, tutelle, les élèves eux-mêmes ou les anciens élèves —sans oublier les liens avec le reste de l’Église et avec la société toute entière. Face à une difficulté, chacun peut apporter sa part de solution. Ainsi sommes-nous des pierres qui s’appuient les unes sur les autres. Et c’est beau ! C’est enthousiasmant de former un ensemble bien articulé, une construction solide, même avec de simples pierres. Chaque pierre doit avoir trouvé sa place et bien jouer son rôle pour ne pas mettre l’édifice en danger. Cela implique des compétences, un savoir-faire et tout cela est très beau.
Mais après cela, suis-je une pierre vivante ? Cette question va un peu plus loin que de savoir si je suis une des pierres de l’édifice. C’est la question de mon engagement personnel, de ma vitalité intérieure. Il me semble que cette question suppose une certaine intériorité, la capacité à travailler sur soi-même, à évoluer, à grandir. Si nous sommes seulement des techniciens, des personnes qu’un robot ou une intelligence artificielle pourrait remplacer avantageusement, nous ne sommes plus des pierres vivantes, mais seulement des cailloux posés là, par hasard ou par nécessité, …parce qu’il faut bien gagner sa croute… Qu’est-ce qui me motive ? Qu’est-ce qui fait que je continue ma mission au sein de l’enseignement catholique ? Voilà des questions sur notre vitalité intérieure. Bien sûr, nous avons une réponse toute faite, contenue dans le titre même d’enseignement « catholique ». Cette réponse c’est Jésus-Christ. C’est lui qui est notre motivation ultime, c’est lui qui nous fait vivre, parfois nous en sommes très conscients, d’autres fois, nous n’y pensons pas, mais lui est toujours là. Il donne son identité à l’enseignement catholique, lequel n’a pas vocation à être un copier-coller de l’enseignement public pour des gens qui auraient envie de se distinguer ! L’enseignement catholique tire son originalité et sa raison d’être de l’Évangile de Jésus-Christ. Sans la foi de nos fondateurs, il n’existerait pas d’enseignement catholique. La question est de savoir si cette foi est encore vivante en nous. Si notre lien avec Jésus-Christ est vivant. S’il est quelqu’un pour nous ou seulement un prétexte, un monument historique… Sûrement, ce lien existe mais nous avons tous à faire un mouvement vers l’intérieur de nous-mêmes pour le raviver, tant les exigences du quotidien nous dispersent et nous assèchent facilement.
Si vous sommes des pierres vivantes, alors, l’évangile des béatitudes, entendu ce soir, nous parle. « Heureux les pauvres de cœur »… Si Jésus est vivant en moi, le désir du royaume des Cieux me fait accueillir comme un cadeau mes expériences de pauvreté. « Heureux ceux qui pleurent »… Si Jésus ressuscité habite mon esprit, je trouve en lui la consolation après les larmes. « Heureux les doux »… Si Jésus inspire ma vie, la douceur caractérise mes relations avec mes frères comme avec la terre que j’habite. « Heureux ceux qui ont faim et soif de la justice »… Si Jésus est ma nourriture, mon âme comme mon corps est rassasiée. « Heureux les miséricordieux »… Si je me sais pardonné par Jésus, je peux à mon tour être miséricordieux. « Heureux les cœurs purs »… Si je prends le temps de contempler le visage du Christ dans chacun de ceux que je rencontre, mon cœur se purifie. « Heureux les artisans de paix »… Si je reçois Jésus, l’envoyé du Père comme un sauveur qui s’est fait proche de moi, je puis devenir un artisan de paix. « Heureux ceux qui sont persécutés pour la justice »… Si j’ai confiance en Jésus et désire lui ressembler, je n’ai pas peur de la persécution ni des moqueries que ma foi peut quelquefois susciter.
Bref, si je laisse Jésus transformer ma vie, je serai toujours davantage une pierre vivante pour l’édification des enfants et des jeunes qui nous sont confiés et cela est source de grande, très grande joie.
Merci à chacun d’être des pierres vivantes de notre enseignement catholique lotois. Que Dieu ravive en nous l’amitié avec Jésus qui fera de nous des témoins rayonnants du bonheur des béatitudes.
Amen.
+ Mgr Laurent Camiade