Jour de Pâques - Cathédrale Saint-Etienne

Dimanche 20 avril 2025.

 Homélie de Mgr Laurent Camiade :

Chers frères et sœurs,

Cette fête de Pâques a lieu pendant le jubilé 2025, dont le pape François a proposé qu’il ait pour thème : pèlerins d’espérance. Il nous invite à sortir de nous-mêmes, tels des pèlerins qui se mettent en route, pour renouveler notre espérance.

L’Évangile entendu ce matin nous a fait suivre trois pèlerins de l’espérance, du moins trois personnages qui se sont mis en route, la première sans savoir du tout ce qu’elle allait trouver en se rendant au tombeau de Jésus, les deux autres, sûrement tout étonnés de ce qu’avait dit cette femme, Marie-Madeleine, qui la première avait vu le tombeau vide. Ce sont déjà deux postures différentes qui caractérisent deux types de pèlerins. Il y a ceux qui se mettent en route, en recherche comme on dit, mais qui ne savent pas ce qu’ils cherchent ou qui se sont donnés un but, mais qui vont découvrir tout autre chose que ce à quoi ils s’attendaient. Il y a aussi des pèlerins à qui on a décrit l’expérience de ceux qui les ont précédés et qui se mettent en route pour vérifier s’ils peuvent, eux aussi, vivre cette transformation intérieure que produit le pèlerinage. Le tout premier lieu de pèlerinage chrétien, la première destination, a toujours été Jérusalem, et le cœur du pèlerinage de Jérusalem est le Saint-Sépulcre, autrement dit le tombeau vide. La première pèlerine d’espérance chrétienne est donc Marie-Madeleine, même si elle ignorait tout de ce qu’elle allait découvrir.

Suivons donc d’un peu plus près Marie de Magdala. On nous l’a présentée comme une femme ayant commis des péchés graves, ou en tout cas ayant eu une mauvaise réputation, mais qui s’était convertie en rencontrant Jésus. Certaines légendes font même d’elle une amoureuse de Jésus. Sans doute a-t-elle montré de l’amour pour Jésus, pas forcément sous forme de désir sexuel, mais certainement par un attachement affectif, un dévouement évident. Ce n’est pas sans courage que trois jours après la mise à mort violente d’un condamné sur lequel tant de haine s’est acharnée, une simple femme ose s’approcher de son tombeau pour prendre soin de sa dépouille. L’Évangile de Jean la présente seule, même si Luc parle de tout un groupe de femmes, dont Marie-Madeleine, Jeanne, la mère de Jacques, Marc cite aussi Marie-Madeleine, la mère de Jacques et une certaine Salomé et Matthieu mentionne Marie-Madeleine et une autre Marie, indéterminée. En tout cas, ce n’est sans doute pas un hasard si les plus courageuses au petit matin du jour de Pâques sont des femmes. Aujourd’hui encore, ce sont souvent les femmes qui jouent un rôle indispensable dans l’annonce de la foi, un rôle souvent peu valorisé mais qui n’en est pas moins déterminant.

Revenons à l’Évangile de Jean qui a été lu ce matin. Marie-Madeleine va au tombeau, à l’aube, tandis qu’il fait encore sombre et elle voit le tombeau ouvert. La pierre a été enlevée. Il n’est pas dit qu’elle soit entrée, pourtant elle est sûre que le corps de Jésus n’est plus là : « on a enlevé le Seigneur de son tombeau, et nous ne savons pas où on l’a déposé ». Ce « nous » suggère qu’elle ne devait pas être toute seule et que son témoignage n’est pas une élucubration personnelle. L’emploi du terme « le Seigneur », pour désigner Jésus, montre toute la révérence qu’elle avait pour Jésus. Ce dont elle témoigne est très important : le tombeau est vide, mais on ne sait pas où est le Christ. Elle ne parle pas encore de résurrection. Elle décrit l’expérience de surprise qui est toujours celle de l’Église, deux-mille ans après. Le Christ n’est pas où on l’attendait. On ne peut pas mettre la main sur lui. L’Église, à l’image de Marie-Madeleine, ne cesse pas de se laisser surprendre. Elle fait des expériences de mort, la baisse de ses statistiques et son appauvrissement matériel, la honte de ses scandales, les regards souvent injustes portés sur elle, les incompréhensions dont elle fait l’objet, les dénigrements, moqueries ou dans bien des pays même des persécutions violentes. Dans ces douloureux aspects de la vie de l’Église, le corps de Jésus semble absent de là où l’on l’attendrait. Mais ailleurs, il est bien vivant, de façon très remarquable dans la hausse du nombre de conversions et de demandes de baptêmes ou d’autres sacrements, dans la ferveur de certaines personnes souvent discrètes, dans l’engagement auprès des plus pauvres, des malades ou des étrangers, dans la présence de témoins de la foi très suivis sur les réseaux sociaux ou autres moyens de communication modernes, dans tel ou tel miracle dont on parle soudain, dans l’affluence imprévue à certains rendez-vous de prière ou lieux de pèlerinages, dans des prises de positions courageuses en faveur du respect de la vie et de la justice sociale… notre société sécularisée qui se croit imperméable aux messages religieux est toujours étonnée de voir des pèlerins d’espérance, conscients de ce qu’ils cherchent ou pas, qui avancent en dehors du tombeau de la sphère privée où l’on aurait voulu les enfermer.

Or le Seigneur n’est plus dans le tombeau du repli sur soi individualiste. Il est plutôt dans la vie foisonnante de l’amitié sociale, du service des pauvres et des malades et dans les efforts de réconciliation et les gestes de pardon. N’oublions jamais qu’Il est aussi toujours présent et agissant dans les sacrements, spécialement l’Eucharistie, que nous le ressentions ou pas, Il est là et Il régénère son Église.

Ayant entendu Marie-Madeleine, Pierre et Jean veulent faire eux aussi la même expérience et il se font, à leur tour, pèlerins d’espérance jusqu’au tombeau vide. Comme Marie avait couru jusqu’à eux pour les prévenir, les deux disciples vont courir au tombeau. Lorsque Jean entra dans le tombeau, « il vit et il cru ». On comprend que ce qu’il croit va bien au-delà ce qu’il a vu. Il n’a vu que le tombeau vide, mais il croit que Jésus, s’il n’est plus là, n’a pas été enlevé comme l’avait imaginé Marie-Madeleine, mais qu’il est ressuscité. Quand on voit, on n’a pas besoin de croire. Croire que Jésus est vivant suppose un acte intérieur libre. Aujourd’hui encore, l’Église, le peuple des baptisés, est appelée à poser cet acte de foi libre, à dire « je crois ». Dans un instant, après que les parents, parrains et marraines des deux enfants qui vont être baptisés auront professé la foi de l’Église pour leurs enfants, nous devrons redire nous aussi ce « je crois » qui est l’acte libre des baptisés. Cet acte libre suppose toujours un pèlerinage intérieur, un mouvement de l’âme qui parcourt la mémoire que nous avons des échecs, des expériences de mort de notre vie et celle des signes d’espérance qui nous aident à croire, ces tombeaux vides qui sont les lueurs perçues dans notre vie montrant qu’il y a autre chose que des forces de mort à l’œuvre dans le cosmos et ces autres choses nous aident à croire. Et puis, nous aurons la liberté, à partir des signes d’espérance que nous aurons vu, de dire « je crois ». Oui, Seigneur tu es vivant. Jésus, j’ai confiance en toi. La grâce que j’ai reçue le jour de mon baptême est vraiment à l’œuvre dans ma vie et elle me tire vers le haut, même dans les moments les plus critiques de mon existence, elle me redonne la joie. Je crois, j’aime et j’espère !

Jésus-Christ est vraiment ressuscité.
Amen. Alleluia !

+ Mgr Laurent Camiade
Evêque du diocèse de Cahors

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