Dimanche 22 septembre 2024
– Homélie de Mgr Laurent Camiade :
Mes frères,
L’Évangile est sans concessions pour les Apôtres. Il ne cache pas leurs péchés ni leurs mesquineries. L’Évangile ne pratique pas la starisation (ou la promotion du vedettariat pour essayer de le dire en bon français), il ne promeut pas des stars, même pas ceux qui auront la plus haute responsabilité dans l’Église. Les disciples, eux, sont pourtant tentés de se demander qui est le plus grand et ils en parlent entre eux ! Mais lorsque Jésus les interroge, ils sont plutôt gênés car ils savent bien, au fond, que ce n’est pas du tout la logique du Seigneur. « Si quelqu’un veut être le premier, dit Jésus, qu’il soit le dernier de tous et le serviteur de tous » (Mc 9,35). Remarquez bien comment Jésus a prononcé ces mots. Il n’a pas asséné cela comme un reproche aux disciples en ricanant : je vous ai bien eus, bande de prétentieux ! Mais non, il s’assoit, il s’abaisse lui-même pour dire cela. Il les regroupe et il s’est mis à leur niveau, peut-être même un peu en dessous car l’évangile ne dit pas que les disciples se sont assis. Jésus s’assoit et les appelle. On peut les imaginer debout autour de lui qui est assis par terre. Puis, d’en bas, il leur dit : « Si quelqu’un veut être le premier, qu’il soit le dernier de tous et le serviteur de tous ». Voilà la première leçon de l’évangile de ce dimanche.
La seconde leçon va dans le même sens, mais plus en profondeur. Jésus place un enfant au milieu des disciples et, après l’avoir embrassé, il leur dit cette fois : « Quiconque accueille en mon nom un enfant comme celui-ci, c’est moi qu’il accueille. Et celui qui m’accueille, ce n’est pas moi qu’il accueille, mais Celui qui m’a envoyé » (Mc 9,37). L’image, cette fois-ci, est celle d’un enfant. C’est ainsi que Jésus, le Fils de Dieu, se regarde lui-même en face de son Père, de Celui qui l’a envoyé. Jésus doit être accueilli comme on accueille un enfant. Il faut l’accueillir comme un enfant pour pouvoir accueillir à travers lui le Dieu éternel, le Père de toute créature qui nous a envoyé son Fils. Ainsi, Dieu lui-même, en envoyant le Fils, s’est abaissé, s’est fait enfant. Nous le réalisons en célébrant Noël. Et cela est merveilleux. Dieu ne nous rejoint pas pour nous écraser mais pour mendier notre tendresse, une tendresse semblable à celle que nous porterions spontanément à un petit enfant, figure de vie et de fragilité, mais aussi figure d’une espérance infinie, car l’enfant peut devenir tant de choses, tant de belles choses, il est appelé à grandir avec le soutien des adultes, il porte sur lui l’avenir de l’humanité car il est probable qu’après notre mort, il continuera de vivre et de transmettre la vie. Jésus est l’enfant éternel qui donne et redonne la vie aux hommes.
Mes frères, en ce jour, vous avez la joie de recevoir votre nouveau curé. J’ai eu la joie d’accueillir le frère Barthélémy qui avait effectué sa formation en Afrique, puis à Rome. Il faisait partie d’une communauté religieuse à vocation missionnaire qui était en train de se disperser. Recommandé par plusieurs prêtres pour son sérieux et son adaptabilité, après un temps de stage et une formation complémentaire aux spécificités de la mission en France, je l’ai ordonné prêtre il y a cinq ans. Il a fait ses premiers pas comme prêtre à Gramat et Rocamadour. Le voilà maintenant ici à Lalbenque et plusieurs d’entre vous ont commencé à découvrir quelques traits de sa personnalité. Comme curé, il est à votre service. Il n’est pas là comme une star (ce n’est pas son style), mais pour être « le dernier de tous et le serviteur de tous » selon les mots du Seigneur aux Apôtres. Peut-être pourrez-vous aussi l’accueillir comme on accueille un enfant car il porte en lui, par son ordination sacerdotale, une configuration spéciale au Christ-pasteur, lui qui demande à être accueilli comme un enfant pour que vous puissiez à travers cela, accueillir Celui qui l’a envoyé, le Père éternel. Le père Barthélémy n’est plus un enfant, sans être un vieillard. Mais les images de l’Évangile d’aujourd’hui peuvent sûrement inspirer votre façon d’être et de tisser les liens que sa nouvelle mission va instaurer entre vous.
Le prêtre est indispensable dans l’Église pour manifester à tous que c’est au nom du Christ que nous sommes rassemblés et que nous accomplissons notre mission de baptisés. Mais le prêtre n’est pas tout dans l’Église. Il y a aussi des diacres (deux actuellement dans votre groupement paroissial) et, bien sûr, des fidèles laïcs, sans oublier les religieuses. Le prêtre est au service de la sainteté de tous, au service de la mission de tous les baptisés. Son autorité est au service de la participation commune de tous les baptisés au sacerdoce du Christ et à sa mission. Dans ma lettre pastorale du 15 août dernier, j’ai résumé ce qu’est la mission des baptisés, prêtres prophètes et rois. Je n’y reviens pas, vous pourrez le lire ou le relire. Je voudrais seulement appuyer sur la mission de la paroisse, en ce jour d’installation de votre nouveau curé.
Le pape François a écrit que la paroisse doit être "communauté de communautés, sanctuaire où les assoiffés viennent boire pour continuer à marcher, et centre d’un constant envoi missionnaire" (La Joie de l’Évangile, n. 28). J’aime bien cette formulation synthétique. Elle dit trois choses :
1. Communauté de communautés ou encore « communion de communautés ». En offrant la célébration de l’eucharistie, spécialement le dimanche, la paroisse rassemble des communautés diverses, des fraternités, des groupes de prière ou bibliques, des mouvements, des équipes diverses liturgiques ou autres. La paroisse favorise la communion entre tous. A une époque où les clivages politiques ou idéologiques semblent si durs, cette dimension de rassemblement de personnes et de réalités diverses est prophétique et d’une grande importance. La paroisse a vocation à surmonter les conflits, quels qu’ils soient, même les conflits de voisinage ou les concurrences éventuelles entre le nord et le sud d’un territoire. Nous avons entendu ces mots dans la seconde lecture de ce jour : « La jalousie et les rivalités mènent au désordre et à toutes sortes d’actions malfaisantes. Au contraire, la sagesse qui vient d’en haut est d’abord pure, puis pacifique, bienveillante, conciliante, pleine de miséricorde et féconde en bons fruits, sans parti pris, sans hypocrisie. » (Jc 3,16-17)
2. La paroisse est sanctuaire où les assoiffés viennent boire pour continuer à marcher. Cette formule est très belle. Elle évoque l’ensemble de services que rend une paroisse, tant sur le plan caritatif que sur le plan spirituel et sacramentel. Oui, la paroisse ne roule pas pour elle-même, comme par exemple une association qui chercherait à recruter des cotisants plus nombreux, mais elle est au service. C’est sa grandeur paradoxale comme l’enseigne Jésus, « si quelqu’un veut être le premier, qu’il soit le dernier de tous et le serviteur de tous ». Et si ceux qui ont sollicité un service à la paroisse peuvent ensuite continuer leur chemin, « continuer à marcher », à cheminer à leur rythme, alors c’est gagné, la paroisse a joué son rôle. Ne regrettons pas s’il arrive que nous perdions de vue certaines personnes, regrettons seulement si nous n’avons pas su les aider à faire un pas, à reprendre quelques forces sur leur chemin qui n’appartient qu’à Dieu.
3. Enfin, la paroisse est un centre constant d’envoi missionnaire. Cela va de soi quand la messe se termine par un envoi : allez dans la paix du Christ ou d’autres formules équivalentes. Le mot « messe » signifie « envoi missionnaire » ou « mission ». Ceux qui fréquentent la paroisse régulièrement doivent tous se sentir envoyés, en premier lieu dans leur famille, dans leurs lieux de vie et de travail, pour témoigner de la joie du Christ qui les habite. Peut-être aussi dans des projets missionnaires, dans la catéchèse ou dans tel ou tel mouvement ou service de l’Église, peut-être aussi dans des associations ou des groupes très variés. La mission des baptisés n’a pas de limite, sinon les critères de la charité fraternelle, de la vérité de la foi et de la communion dans l’unité avec le reste de l’Église.
Frères et sœurs, soyons tous d’heureux témoins du Seigneur Jésus-Christ qui nous invite à nous accueillir les uns les autres comme des enfants, avec tendresse et espérance.
Amen.
+ Mgr Laurent Camiade,
évêque du diocèse de Cahors