Homélie du dimanche 14 avril 2024

Dimanche 14 avril 2024 - Saint-Martin-Labouval

Mes frères,

Deux semaines après Pâques, il est temps de se redemander, comme le font les textes de la liturgie de ce dimanche, pourquoi il a fallu tout cela. Pourquoi fallait-il que Jésus souffre sa passion, meure et ressuscite ?

Et l’Évangile, comme aussi saint Pierre dans son discours retranscrit dans les Actes des Apôtres et entendu dans notre première lecture, nous donne une réponse assez insistante : si Jésus a dû traverser tout cela, c’est parce qu’il fallait que s’accomplissent les Écritures. Dans l’Évangile, c’est Jésus ressuscité lui-même qui le dit aux disciples, répétant ce qu’il leur avait déjà dit avant sa mort : « voici les paroles que je vous ai dites quand j’étais encore avec vous : il faut que s’accomplisse tout ce qui a été écrit à mon sujet dans la loi de Moïse, les Prophètes et les Psaumes » (Lc 24,44). Saint Pierre, dans le chapitre 3 des Actes des Apôtres, ne va pas par quatre chemins en s’adressant aux « hommes d’Israël » et il leur rappelle que Jésus est mort par leur faute, parce qu’ils ont poussé Pilate à le crucifier et même à libérer à sa place un meurtrier (l’émeutier Barrabas). Mais il ajoute une excuse qu’il leur accorde : « je sais bien que vous avez agi dans l’ignorance, vous et vos chefs ». Et puis il donne le vrai motif de la mort du Christ : « Dieu a ainsi accompli ce qu’il avait d’avance annoncé par la bouche de tous les prophètes : que le Christ, son Messie, souffrirait » (Ac 3,17-18). Au fond, même s’il existe des causes secondes, des intermédiaires, la vraie intention de la mort du Christ était bien l’accomplissement des Écritures qui nous révélaient le projet de Dieu pour sauver les hommes.

Dieu ne veut pourtant pas la mort ni la souffrance, pour personne. Simplement, il a choisi de prendre sur lui notre mort et notre souffrance pour nous y rejoindre, parce qu’il nous aime. Méfions-nous s’il nous arrive de dire ou d’entendre dire, par exemple quand quelqu’un est mort ou gravement malade que ce serait Dieu ou Jésus qui aurait voulu ça. Ce n’est pas vrai ! Dieu ne veut pas la souffrance ni la mort. Nous ne comprendrons sans doute qu’au ciel pourquoi il ne l’a pas empêché, pourquoi il laisse faire en quelque sorte. Nous savons que c’est pour respecter notre liberté, pour que nous soyons des gens responsables, cela fait partie de notre dignité d’hommes et de femmes libres, mais cela n’explique pas tout. Nous savons aussi que Dieu a fixé certaines limites au mal, mais nous n’en comprenons pas toute la logique. Cela nous dépasse.

Ce que nous lisons dans les Écritures, c’est que la Vie de Jésus ressuscité était, depuis toujours, ce que Dieu voulait nous donner. Et si cela passe à travers le péché des hommes, même si c’est désolant, cela ne change rien à ce que Dieu veut et voulait depuis toujours : nous conduire à la Vie sans fin auprès de Lui ; nous faire entrer dans la communion avec Lui ; nous permettre de vivre de sa vie. Voilà ce qui était écrit depuis des siècles et avait été annoncé par les prophètes. Ainsi, mes frères, l’Évangile nous aide à ne jamais perdre de vue le projet de Dieu, même s’il peut nous arriver de nous sentir submergés par des difficultés, même si nous sommes confrontés à l’inertie de nos péchés et de nos faiblesses, Jésus-Christ a déjà traversé tout cela pour nous conduire vers son Père, pour redonner sans cesse un sens heureux à notre vie.

Le Christ est venu pour accomplir les Écritures, c’est-à-dire pour que se réalise par lui le projet de Dieu qui veut sauver tous les hommes, nous apporter la consolation, la guérison de nos blessures, la réconciliation et la joie de son amour. Dans la deuxième lecture, saint Jean, lui aussi, nous invite à nous attacher à la Parole de Dieu contenue dans les Écritures et toujours actuelle pour nous. Il dit notamment : « En celui qui garde sa parole, l’amour de Dieu atteint vraiment la perfection » (1 Jn 2,5).

Frères et sœurs, si vous aimez le Christ, je vous invite à aimer la Parole de Dieu, à méditer tout ce qui est écrit dans la Bible. Car toute la Bible a été inspirée par l’Esprit Saint. Nous le disons de l’Esprit Saint dans le credo : « Il a parlé par les prophètes ». La Bible est donc une référence sûre. Et la force de l’Esprit Saint nous donne de comprendre et d’interpréter les Écritures. Elle nous rend capables de lire la Bible en découvrant comment elle éclaire notre vie. L’Esprit Saint nous est donné dans l’Église, c’est-à-dire en commun avec la communauté des croyants. C’est pourquoi la juste interprétation des Écritures ne peut pas être seulement une lecture individuelle, mais nous avons besoin de laisser résonner cette Parole dans la communauté de l’Église, d’une façon large, en ouvrant aussi nos cœurs les uns aux autres, sans jamais nous engouffrer dans une interprétation trop individuelle ni même limitée à celle d’un groupe restreint. C’est avec toute l’Église que l’on se met réellement à l’écoute de l’Esprit Saint et que l’on peut continuer d’accomplir les Écritures comme l’a fait Jésus en donnant sa vie et en ressuscitant pour nous ouvrir un chemin vers la gloire de son Père.

Il y a une autre formule qui se répète à la fois dans le discours de saint Pierre et dans celui de Jésus ressuscité. Cette formule c’est : « A vous d’en être les témoins » (Lc 24,48) comme le dit Jésus à ses disciples. « Dieu a ressuscité [Jésus] d’entre les morts, nous en sommes témoins » (Ac 3,15) affirme aussi saint Pierre. C’est une constante dans tous les récits de résurrection. Ceux qui ont rencontré Jésus, ceux qui ont fait un bout de chemin avec lui, ceux qui l’ont vu ressuscité ou même ceux qui ne l’ont pas vu mais ont senti ou goûté la joie de sa présence, tous sont appelés à témoigner de lui. Dans votre paroisse, une mission vient d’être vécue ces derniers jours pour témoigner de Jésus vivant dans chaque village et c’est, en réalité, une tâche permanente des baptisés, spécialement des confirmés, que de témoigner de Jésus vivant autour de nous, là où nous sommes.

Le témoignage passe par des paroles, une annonce qui s’appuie sur les Écritures et l’enseignement de l’Église. Mais le témoignage, c’est aussi un style de vie particulier, inspiré par l’amour du Christ, un style de vie qui cherche à imiter le Christ, son amour pour les malades, les pauvres, les pécheurs, tous ceux qui ont besoin d’être sauvés. N’oublions pas que le style de Jésus est marqué par un refus de juger les autres, une présence humble et plutôt discrète au milieu de la société. Il est « le Saint et le Juste » (Ac 3,14) selon les mots de saint Pierre, mais il ne se place pas en surplomb. Il vit sa sainteté et sa justice au milieu de tous, au risque de sa vie. Car Dieu n’a rien à prouver. L’Église non plus n’a rien à prouver, elle a reçu de Jésus la promesse que les puissances de la mort ne l’emporteraient pas sur elle (cf. Mt 16,18). C’est pourquoi, quelles que soient les épreuves que l’Église traverse en ce monde, elle reste dans la paix et la confiance en Dieu qui offre sa consolation et qui lui donne de poursuivre sa mission de témoigner de la vie du Christ plus forte que la mort. Le tout est d’être sans cesse, nous chrétiens, en train de nous convertir, c’est-à-dire de nous décentrer de nous-mêmes et de nous tourner de nouveau avec confiance vers Jésus qui se donne à rencontrer dans les plus petits d’entre nos frères, les pauvres, les malades et aussi ceux qu’il a pu nous arriver de blesser ou de négliger, tous ceux qui sont mal-aimés en ce monde.

Chers frères et sœurs, continuez de vous abreuver à cette source vivifiante qu’est la Parole de Dieu, écoutée, accueillie, méditée en Église. Ensemble, soyons des témoins fidèles et courageux de l’amour du Christ, de son humilité, dans la confiance en l’Esprit Saint qui n’est jamais refusé à ceux qui le demandent au Père (cf. Lc 11,13).

Amen.

+ Mgr Laurent Camiade, évêque du diocèse de Cahors

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