Fête de saint Jean-Gabriel Perboyre

Mercredi 11 septembre 2024.
Le Puech, Montgesty

 Homélie de Mgr Laurent Camiade :

Mes frères,

« L’espérance ne déçoit pas, puisque l’amour de Dieu a été répandu dans nos cœurs par l’Esprit-Saint qui nous a été donné » (Rm 5, 1-2.5) Par ces mots de saint Paul, le pape François a introduit la bulle d’indiction du jubilé de la Rédemption 2025. 2025 ans après la naissance de Jésus, il nous invite à regarder l’espérance que Jésus nous a donnée, une espérance qui ne déçoit pas.

Et dans le même texte, le pape nous dit : « Le témoignage le plus convaincant de cette espérance nous est offert par les martyrs qui, fermes dans leur foi au Christ ressuscité, ont été capables de renoncer à leur vie ici-bas pour ne pas trahir leur Seigneur. » L’exemple de saint Jean-Gabriel, notre martyr lotois assassiné en Chine au XIX° siècle fait partie de ces témoignages convaincants de très nombreux martyrs dans l’histoire de l’Église qui ont imité le Christ en refusant de le trahir malgré les menaces, les intimidations et les tortures de leurs bourreaux.

Pour saint Jean-Gabriel, l’espérance du ciel, l’espérance comme dit le pape, de « la vie éternelle qui consiste dans la pleine communion avec Dieu, dans la contemplation et la participation à son amour infini » ne fait aucun doute. Il sait qu’il est promis au bonheur qui ne finira pas, surtout s’il accomplit avec courage sa mission, sans trahir le Seigneur. Cette espérance, toujours selon les mots de notre pape, « d’un bonheur qui s’accomplisse définitivement dans ce qui nous épanouit, c’est-à-dire dans l’amour, afin que nous puissions dire, dès maintenant : Je suis aimé, donc j’existe ; et j’existerai toujours dans l’Amour qui ne déçoit pas et dont rien ni personne ne pourra jamais me séparer », cette magnifique espérance chrétienne donne à Jean-Gabriel la force et le courage de risquer sans cesse sa vie terrestre pour la mission.

C’est un très bel exemple pour nous, un encouragement face aux difficultés de la vie et aux obstacles que nous pouvons rencontrer pour vivre notre foi. Pour comprendre comment cette espérance donnait de la force au jeune saint qui est né ici au Puech, il nous faut imaginer les conditions très concrètes de sa mission en Chine. Son ministère consistait à parcourir des centaines de kilomètres pour rejoindre pendant huit à quinze jours des communautés chrétiennes nombreuses et dispersées dans les campagnes. Pour aider les français à se rendre compte des distances, il écrivait : « supposons le lieu de notre résidence et notre point de départ dans le diocèse de Cahors. Faisons là d’abord quelques missions ; ensuite allons en faire d’autres dans les diocèses d’Albi, du Puy, d’Autun, d’Orléans, de Versailles et d’Amiens ; c’est à peu près là le tableau de la position et des distances respectives des districts que nous avons parcourus ». Et bien sûr, il n’y avait ni autoroutes ni LGV ! Mais la difficulté de la tâche ni les fatigues ne découragent en rien un homme d’espérance.

Malgré le petit nombre de chrétiens et la si grande dispersion des communautés, saint Jean-Gabriel avait une totale confiance en ce que ces fidèles dispersés seraient des germes du royaume de Dieu qu’il suffisait de fortifier pour qu’ils soient ce levain dont parle l’Évangile (Cf. Mt 13,33). Le levain, en petite quantité, si on prend le temps de le laisser agir en faisant reposer la pâte, est capable de faire lever un jour une grande quantité de cette pâte. Jean-Gabriel écrivait en effet, au sujet du nombre des chrétiens de Chine : « il ne paraît pas qu’il s’élève au-dessus de deux-cent vingt mille, si même il atteint ce chiffre. Dispersés sur toute la surface de l’Empire, ils sont dans la foule des païens comme quelques petits poissons dans la mer… Quand ce petit levain aura-t-il pénétré cette énorme masse ? C’est le secret de Celui qui a les temps en sa puissance ». Voilà comment regarde un homme d’espérance !

La situation de nos campagnes aujourd’hui avec de petites communautés chrétiennes dispersées, parfois très peu de personnes croyantes dans un même village, est somme toute relativement comparable à ce qui faisait ainsi l’objet de l’espérance de saint Jean-Gabriel, même si, objectivement, nous restons plus nombreux puisque environ vingt-deux millions de français se déclarent catholiques, parmi lesquels quatre millions et demi se disent pratiquants. Mais notre sentiment d’être peu nombreux pèse sur nous et nous fait nous ressentir comme des communautés fragiles, parfois usées vieillissantes, voire découragées. Cependant notre vocation est la même que celle des chrétiens de Chine : être ce levain qui, lorsque Dieu voudra, fera immanquablement gonfler la pâte. Et, pour cela, nous profiterons de toutes les occasions de nourrir notre foi, de la faire grandir et d’en témoigner. Nous avons cette chance que n’avaient pas les chrétiens de Chine, celle d’avoir une grande liberté de parole et, même s’il arrive qu’on ridiculise notre foi, nous avons toujours le droit d’exister et de croire, personne ne nous étranglera pour ça, en tout cas aujourd’hui.

Frères et sœurs, laissons-nous instruire par l’exemple de l’espérance de saint Jean-Gabriel qui l’a poussé à s’engager courageusement dans la mission d’annoncer le Christ. Il est allé jusqu’au témoignage du martyre car sa confiance dans le bonheur promis par Dieu était sans limite. Demandons cette grâce de l’espérance que le pape François nous invite à retrouver à l’occasion du jubilé de 2025. Prenons-en les moyens, prions, faisons des lectures spirituelles, rencontrons-nous entre croyants ou aussi avec d’autres personnes en quête de vérité et de fraternité et partageons sur la foi, sur l’évangile, regardons ensemble les signes d’espérance autour de nous. Et demandons à l’Esprit Saint de fortifier notre dynamisme missionnaire ! La connaissance de l’heure où la pâte lèvera ne nous appartient pas. Mais le souffle missionnaire qui animait saint Jean-Gabriel ne nous sera pas refusé si nous le demandons, dans l’espérance du bonheur sans fin.

Amen.

+ Mgr Laurent Camiade
Evêque du diocèse de Cahors

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