Envoi en mission de l’abbé Christian Durand

Dimanche 19 janvier 2025 à Vayrac.

 Homélie de Mgr Laurent Camiade :

Mes frères,

La vierge Marie, à Cana, dit aux serviteurs : « faites tout ce qu’il vous dira » (Jn 2,5).

Elle parle de Jésus, son fils, le Verbe fait chair dont nous avons célébré la naissance à Noël. Mais à Cana, il est simplement un des invités, un anonyme, peu repéré comme le Messie, sinon, par quelques disciples, présents eux aussi. La manière dont saint Jean met en scène les personnages dans son récit est assez claire là-dessus. Le personnage central est « la mère de Jésus », en second, « Jésus aussi était là », puis également, « ses disciples ». C’est l’humanité de Jésus qui est connue, par le biais de sa mère humaine, laquelle semble première en dignité aux yeux des participants de cette noce. Et Jésus lui-même estime que son heure n’est pas encore venue, il pourrait bien ne pas vouloir intervenir. Mais Marie ne retient pas l’attention sur elle quand il vient à manquer de vin, elle en avertit son fils, puis, manifestant une forme d’autorité sur les serviteurs, elle leur dit en désignant Jésus : « faites tout ce qu’il vous dira ».

Le mot grec traduit ici par « serviteurs » est «  diaconois », que l’on traduit aussi par « diacres ». Plus tard, l’Église ordonnera des diacres, qui participeront, sur le champ particulier du service (la diaconie) des tables communautaires, à la mission des Apôtres, pour permettre à ces derniers de ne pas délaisser le service (encore le mot diaconie) de la Parole (cf. Ac 6,1-6). En latin on emploie le mot ministerium qui veut aussi dire service. Et on parle volontiers en français du ministère des tables et du ministère de la Parole. Ainsi, désigne-t-on les prêtres catholiques comme des ministres, autrement dit serviteurs, de la Parole et de l’Eucharistie. Diacres, prêtres et évêques sont des ministres ordonnés. Ce sont ces services qui sont la structure fondamentale de l’Eglise en tant que Peuple de Dieu. Ils sont indispensables pour que l’Église soit vraiment le Corps du Christ et non une association parmi d’autres. Penser à cela nous permet de méditer d’une façon précise l’évangile des noces de Cana et le rapport des ministres de l’Église à la Vierge Marie et à Jésus-Christ. C’est en premier lieu aux évêques, prêtres et diacres que s’adresse Marie quand elle dit en montrant Jésus : « faites tout ce qu’il vous dira ». Puis nous voyons que, sans mesurer eux-mêmes ce qu’ils sont en train de réaliser, sans même pouvoir imaginer la grandeur de leur geste, ces ministres des tables vont humblement remplir de centaines de litres d’eau (6 fois 100 litres) des cuves d’ablution et y puiser de cette eau pour la porter, peut-être en tremblant s’ils redoutent sa réaction de mécontentement, au maître du repas qui leur a réclamé du vin.

Je pense à cela quand je fais mon ministère d’évêque et quand les prêtres, comme le fait le père Christian qui est envoyé aujourd’hui en mission parmi vous, ou tous les autres prêtres, ainsi que les diacres. Nous posons des gestes rituels, au plan matériel totalement inoffensifs, verser de l’eau sur un enfant ou un adulte présenté au baptême, imposer les mains à un confirmand, faire une onction d’huile à un malade, un signe de croix sur un pénitent qui se confesse, partager de dérisoires parcelles de pain azyme pendant la messe… et nous répétons ces gestes avec la même disponibilité besogneuse et la même docilité que les serviteurs des noces de Cana, juste parce que nous avons écouté Marie nous dire « faites tout ce qu’il vous dira ». Et après avoir entendu Jésus dire plus tard aux Apôtres : « faites cela [la fraction du pain] en mémoire de moi » (Lc 22,19), et encore « faites des disciples et baptisez-les au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit » (Mt 28,19) ou bien « imposez les mains aux malades » (Mc 16,18), etc.

Chers frères et sœurs, ne sous-estimez jamais la valeur du service du prêtre qui vous est envoyé au nom du Christ. A Cana, l’eau servie humblement par des serviteurs dociles à la parole de Jésus a été changée en vin et a renouvelé complètement une noce qui allait mal finir. C’est l’image de notre vie et de notre Alliance avec Dieu. Sans le Christ Seigneur, elle devient terne et ennuyeuse, comme un festin mal préparé où tout le monde commence à râler et à perdre le goût de la fête, mais grâce à lui, grâce au sang de l’Alliance nouvelle et éternelle que l’Esprit de Jésus rend présent au milieu de nous, la vie reprend et l’amour redevient le moteur de notre existence. Nous avons été créés pour aimer et l’amour selon Dieu sera la substance de notre vie éternelle. C’est déjà toute notre joie.

La mission d’un prêtre dans une paroisse est triple, il est d’abord là pour annoncer la joie de l’Évangile, puis pour sanctifier le peuple de Dieu au moyen des sacrements et enfin pour conduire la communauté chrétienne au nom du Christ, c’est-à-dire pour guider et édifier le corps du Christ, dans l’unité et en favorisant la place de chacun au service du corps tout entier et de son unité, dans le Christ Jésus. Il fait cela, non d’abord grâce à un savoir-faire humain, mais par fidélité à l’appel de Jésus, par docilité à sa parole.

Les prêtres sont aujourd’hui peu nombreux et dans les années qui viennent, ils ne vont pas se multiplier du jour au lendemain. L’abbé Durand a accepté de se mettre à votre service de nouveau pour trois bonnes années. Le droit canonique prévoit que les curés, comme les évêques d’ailleurs, remettent leur charge à l’âge de 75 ans. L’avenir sur le bassin de population du nord du Lot est à une collaboration toujours plus importante entre les prêtres et aussi les fidèles laïcs, non seulement sur le groupement paroissial de Vayrac/Les quatre routes, mais aussi avec Biars-Bretenoux et Saint-Céré. Cela ne consiste en rien à abandonner nos églises ni notre territoire, mais à faire en commun ce qui peut l’être comme certaines préparations aux baptêmes ou mariages, l’accompagnement des catéchistes, la secrétaire et les outils de secrétariat et de communication, des propositions de formation chrétiennes, etc. Cela fait déjà pas mal d’années que les fidèles se sont habitués à se déplacer un peu pour se rassembler et célébrer l’eucharistie. Cela doit continuer, sans abandonner les petites églises, autant que les forces vives locales le pourront. J’encourage toujours les groupes de prière qui peuvent habiter nos églises en lien avec le curé même s’il ne peut pas y être toujours présent, ou mieux encore les fraternités missionnaires locales qui sont des petits groupes de chrétiens qui, dans un lieu, sont fidèles à partager la parole de Dieu, à prier en lien avec la vie locale et à témoigner de leur joie de croire, ne serait-ce qu’en gardant l’église propre et accueillante, habitée par la foi, l’espérance et la charité.

Frères et sœurs, rendez-grâce à Dieu pour le prêtre qui vous est donné aujourd’hui et priez bien pour les vocations et pour la vitalité de la foi dans notre église diocésaine. Il y a aujourd’hui un jeune séminariste pour notre diocèse du Lot, il serait vraiment bon que plusieurs autres le rejoignent, ne serait-ce que pour ne pas faire reposer sur lui tous nos espoirs ce qui ne serait pas respectueux de sa liberté de discernement (car il a encore plusieurs années avant de faire un choix définitif), et bien sûr aussi parce que les besoins resteront importants dans les années à venir. Si nous savons faire rayonner la joie de croire en Jésus-Christ et de le servir, de faire tout ce qu’il nous dira, plutôt que de laisser nos désaccords, nos frustrations ou nos rancunes prendre le dessus, nous donnerons envie à des jeunes de suivre Jésus-Christ, comme de bons chrétiens heureux de puiser en lui la joie des noces et capables, si Dieu les appelle, de répondre comme Jésus : me voici Seigneur, je suis venu pour faire ta volonté (cf. He 10,7).

Amen.

+ Mgr Laurent Camiade

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