Confirmations.

Dimanche 23 juin 2024

 Homélie de Mgr Laurent Camiade :

Mes frères,

Un des fruits de l’Esprit Saint est la paix. Cela veut dire que lorsqu’on accueille en soi l’Esprit Saint, on éprouve une paix profonde et qui dure, une grande sérénité.

La paix ne fait pas de grand bruit, mais elle va avec la joie et l’amour, elle donne en nous de l’espace pour sortir de notre coquille et sourire aux autres, pour suivre mieux Jésus qui a toujours vécu avec, en lui, cette force d’amour qu’il transmet à ses disciples.

L’Evangile d’aujourd’hui nous présente une sorte de mise à l’épreuve de la paix. C’est la tempête ! Les disciples ont emmené Jésus dans la barque, d’autres barques les suivent mais une violente tempête a commencé à menacer les embarcations, la barque des disciples se remplit d’eau. C’est l’affolement. Mais Jésus dort. Voilà qui éprouve la foi des disciples. Comment comprendre que Jésus qui a été pour eux déjà un maître de compassion, quelqu’un qui a eu souci des malheurs des autres, qui a guéri la belle-mère de saint Pierre et beaucoup d’autres malades, un lépreux, un paralysé, un homme à la main desséchée… comment comprendre qu’il n’a pas l’air de vibrer aux mêmes angoisses qu’eux, il dort tranquillement.

Pourtant c’est lui qui leur a demandé de faire cette traversée, « passons sur l’autre rive » (Mc 4,35) mais eux qui se sont mis à sa disposition, il les laisse dans leur angoisse. Cette tempête est bien curieuse puisqu’elle a semblé les surprendre alors qu’ils sont habitués à naviguer sur cette mer de Galilée et qu’ils en connaissent les caprices. Et puis, sur une simple parole de Jésus, elle va se taire et ce sera de nouveau l’apaisement, le calme : «  le vent tomba et il se fit un grand calme  » (Mc 4,39).

Cela peut nous arriver plus ou moins souvent d’avoir l’impression que Jésus dort et que tout va mal autour de nous. La peur, nos peurs peuvent nous affoler. « Nous sommes perdus, cela ne te fait rien » (Mc 4,38) pouvons-nous avoir envie de dire à Dieu. Et Jésus a l’air de leur reprocher de l’avoir réveillé, un peu comme quelqu’un qui dormait tranquillement, qu’on réveille en sursaut et qui est tout grognon. La question que nous pouvons nous poser est de savoir exactement ce que Jésus leur reproche. Or, ce sont eux, les disciples, qui ont fait les premiers un reproche à Jésus : « cela ne te fait rien » ! Ils viennent de l’accuser d’être indifférent à leur situation. Là est leur manque de foi. Ils ne croient pas que Jésus se soucie d’eux. Et c’est pourquoi l’esprit de paix n’est pas en eux. Dès que la tempête a commencé à souffler, n’auraient-ils pas dû réveiller doucement Jésus et s’en remettre à lui ? Mais non, ils ont tellement peur qu’ils s’imaginent aussi que Jésus s’en moque et le voir dormir leur a inspiré une crainte encore plus grande. Cela met en évidence que lorsque nous sommes dans la peur, nous pouvons avoir la tentation de douter de Dieu, de croire que cela ne lui fait rien de nous voir en difficulté. Or, nous devrions au contraire toujours compter sur l’Esprit Saint, laisser vivre en nous l’Esprit de paix qui souffle avec douceur et nous offre sa joie et la capacité d’aimer davantage, de faire de toute épreuve de l’existence une occasion d’aimer plus, d’aimer mieux, d’aimer de façon plus gratuite à la manière de Jésus.

Sainte Thérèse de l’enfant Jésus avait tellement confiance en Jésus qu’elle disait que son premier mouvement était de « tenir compagnie à Jésus dormant sur les flots » (Lettre 167) car elle désire « servir Jésus pour Lui-même » et non pas pour obtenir de lui la tranquillité ou d’autres avantages pour elle-même. Et elle est sûre qu’il se réveillera bientôt pour commander à la tempête de se calmer. Tenir compagnie à Jésus, même lorsqu’il dort, c’est-à-dire lorsqu’il ne se manifeste pas, est vraiment le signe d’une grande foi. Cette foi qui manquait aux disciples : « comment se fait-il que vous n’ayez pas la foi ? » (Mc 4,40). Si le fruit le plus visible de la présence de l’Esprit Saint est la paix, l’amour pour Jésus, ce désir d’être en sa compagnie quoi qu’il arrive, non pas pour bénéficier de sa protection, mais parce que c’est lui, à cause de ce qu’il est et non pas de ce qu’il fait pour moi, voilà le chemin d’une grande foi qui est aussi un don du Saint-Esprit.

Ceux qui vont être confirmés aujourd’hui vont recevoir d’une manière très forte le don de l’Esprit Saint. Cela va produire en eux cette paix intérieure mais aussi cet amour pour le Christ. Un pareil amour pour le Christ, si désintéressé, si gratuit, qui imite un peu l’amour que Dieu a pour chacun de nous, va aussi s’incarner dans notre manière d’aimer les autres, sans attendre d’autre récompense que celle de savoir que l’on fait ce que Dieu désire, comme les disciples qui ont pris la mer sans autre projet que d’obéir à l’ordre du Seigneur qui leur a dit de passer sur l’autre rive. Car passer sur l’autre rive, c’est sortir d’une zone de confort pour aller vers d’autres personnes, pour apporter la joie de l’Évangile dans un monde païen. Au baptême, nous avons reçu l’Esprit Saint qui a fait de nous des fils de Dieu, des frères de Jésus. La confirmation fait grandir ce don et l’approfondit. Cela nous place sur un chemin d’amour plus gratuit, plus authentique, sans chercher d’abord la protection de Dieu, mais juste d’être auprès de Lui et de vivre de son amour en étant auprès de nos frères et sœurs et en allant porter la joie au monde.

Un tel don fait grandir aussi l’Église qui est précisément cette barque où les disciples sont avec Jésus et s’efforcent de faire ce qu’il nous demande, en sa présence. Dans la prière eucharistique 2, nous disons à Dieu « nous te rendons grâce car tu nous as estimés dignes de nous tenir devant toi pour te servir ». Lorsque l’Eglise célèbre l’eucharistie, elle se tient devant le Christ et elle le sert. C’est ce qui unit l’ensemble du peuple des baptisés. Parmi les confirmands d’aujourd’hui, deux servent habituellement à l’autel, il servent la messe comme on dit et cela est visible. Les prêtres et les diacres agissent aussi en ce sens et d’une manière spécialement efficace pour le prêtre sans qui la messe ne peut pas être célébrée, en vertu de son ordination. Mais tous les baptisés, spirituellement, sont présents à l’eucharistie et offrent leur vie et celle du monde qui les entoure en un sacrifice spirituel. Cet acte invisible qui est comme de tenir compagnie à Jésus dans la tempête, même s’il semble dormir parce qu’on ne le voit pas agir, est possible grâce à l’Esprit Saint qui nous a été donné et qui perfectionne notre lien avec l’Église. Et cela produit la paix. Servir cette paix, c’est la répandre. C’est pourquoi on dit le plus souvent à la fin de la messe « allez dans la paix du Christ » car cette paix reçue dans la célébration ne demande qu’à se répandre dans le monde. Déjà, lors du geste de paix, les fidèles se la sont communiqués entre eux. Ils n’ont pas simplement échangé un geste de paix, ils se sont donnés la paix du Christ les uns aux autres. Le geste correspond à une communication spirituelle. « Que la paix du Seigneur soit toujours avec vous » dit le célébrant et le peuple répond « et avec votre esprit » car c’est vraiment une œuvre de l’Esprit dont il s’agit. Ce geste prend tout son sens dans la mesure où, dans notre vie quotidienne nous allons aussi être des artisans de paix. Ce n’est pas toujours facile. Mais l’Esprit Saint est là pour nous conduire et nous donner cette force, cet amour qui peuvent rayonner, même dans une société ou un monde fragmentés où la violence semble se déchaîner comme une tempête.

Répandre la paix, la joie et l’amour du Christ est la vocation de tous les baptisés. Les confirmés ont reçu de manière plus forte encore cette capacité de devenir de vrais témoins du Christ qui n’ont pas honte de sa croix, qui n’ont pas peur de le voir dormir et qui savent qu’il va se réveiller d’entre les morts pour nous communiquer sa vie éternelle.

+ Mgr Laurent Camiade,
Evêque du diocèse de Cahors

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