Samedi 11 janvier 2025
– Homélie de Mgr Laurent Camiade
Mes frères,
Un coup de neuf donné à l’église Saint-Joseph de Biars et voilà que nous avons envie de redémarrer l’année avec le feu de l’Esprit Saint ! Nous sommes touchés par la beauté simple de ce lieu. Celle-ci élève notre cœur vers la grandeur de Dieu et nous invite à prier en offrant, avec le Christ, un sacrifice spirituel. Permettez-moi de m’arrêter sur ces trois choses : le beau qui touche les cœurs, la grandeur divine, l’offrande de soi.
Le beau qui touche les cœurs. Une église au milieu d’une ville et d’un secteur si dynamiques cela ne sert à rien au plan matériel, mais c’est un signe de ce que le développement humain, l’élan social et économique n’ont pas seulement besoin d’efforts humains et de compétences mais aussi d’une dimension verticale, d’une âme en quelque sorte. Et cette âme est manifestée par un lieu de prière repérable par tous, d’où monte régulièrement un chant de supplication et de louange à Dieu le Père. L’église est par conséquent un lieu où se rassemble une communauté de croyants qui devient ainsi le signe de la vocation de toute l’humanité à se réconcilier un jour sous le regard miséricordieux du Seigneur. Elle est témoin de notre espérance et de notre joie de croire. C’est pourquoi, l’église doit être belle (le concile Vatican II disait que les rites catholiques doivent manifester une noble simplicité), elle doit être bien entretenue et accueillante. Le soin qui est pris pour la rendre plus belle est un signe de la foi vivante de ceux qui s’y réunissent. Je constate, d’ailleurs que tous ceux qui ont l’opportunité de travailler à rendre une église plus belle, qu’ils soient artisans du bâtiment, décorateurs, artistes, ou encore bénévoles qui font le ménage ou fleurissent, ou préparent les célébrations, ceux qui font la musique liturgique ou la prière universelle ou tant d’autres choses encore, y trouvent une grande joie, la joie d’avoir l’occasion de mettre leurs talents au service de Dieu, la joie de savoir que ce qu’ils font n’est pas enfermé dans le monde matériel, toujours fragile et menacé de mort, mais participe d’une vie qui n’aura pas de fin. Même si le bâtiment lui-même va se dégrader (ou parfois même prendre feu comme ND de Paris !) et qu’il faudra recommencer, on rebâtira dans la mesure où l’on sent que ce sera un signe de quelque chose de plus grand, un signe car ce que l’on fait de son église manifeste l’édification spirituelle de notre communauté mais aussi, plus largement, de toute la société humaine. A notre époque où des pays autrefois amis ou en liens mutuels s’affrontent, se lancent ou se font la guerre, offrir des signes de communion, de fraternité, de réconciliation est un très beau service. Jamais nous ne devrions oublier qu’un jour nous sommes appelés à vivre tous ensemble dans l’amour fraternel auprès de Dieu, dans le royaume des cieux. Notre vie sur terre est faite pour nous y préparer. Les églises en sont un beau signe.
La grandeur divine. Il est frappant de voir comment, dans le livre des Rois, ce passage entendu en première lecture qui évoque la fin de la construction du Temple de Jérusalem par le roi Salomon, sa prière ne consiste pas à remercier Dieu pour la splendeur architecturale ni pour le génie des ouvriers, mais à reconnaître que Dieu est plus grand que toutes nos réalisations, qui ne font que nous aider à mesurer combien Dieu est plein de sagesse, Lui qui nous a rendus capables de faire de belles choses. Car, oui, nous sommes capables de faire du beau, pas seulement du laid ou du méchant, mais du beau et du bon, nous en sommes capables, grâce à Dieu qui nous donne de participer à sa bonté, à sa beauté, à sa créativité, à son génie infini. Mais tout vient de Lui. Et il est plus grand que nous. Si bien que le Temple de Dieu ne peut contenir Dieu « Les cieux et les hauteurs des cieux ne peuvent te contenir » dit Salomon, « encore moins cette maison que j’ai bâtie ! ». Et c’est précisément cette idée de grandeur qui s’impose à nos cœurs chaque fois que nous voyons quelque chose de beau. C’est ainsi que nos cœurs s’ouvrent davantage au mystère de Dieu. Le clocher de l’église pointe vers le ciel, mais il n’est qu’un petit signe vectoriel, indiquant la direction à suivre pour réaliser à quel point Dieu dépasse infiniment ses œuvres et cela doit nous émerveiller, ouvrir notre âme à l’intuition de son infinie beauté, de sa tendresse sans limite, de sa miséricorde offerte à tous.
Enfin, l’offrande de soi. Saint Pierre, que Jésus lui-même a désigné comme pierre sur laquelle il veut bâtir son Église, l’apôtre Pierre lui-même, donc, dans notre seconde lecture, nous invite à devenir nous-mêmes des « pierres vivantes de l’Église » (1 P 2,5). Le bâtiment-église est donc une image de ce que nous devons être. En tant que communauté chrétienne, nous sommes appelés à devenir une construction fondée sur le Christ. Une construction vivante. La beauté suprême de l’Église comme communauté, c’est sa vitalité, autant que l’harmonie qui peut être cultivée entre ses membres. Surtout, cela signifie que nous avons besoin les uns des autres car une pierre toute seule ne fait pas une construction ! La différence et la complémentarité entre les membres permet, en revanche, à la construction et à ses membres d’être vivants. Les différents membres d’un corps font vivre le corps et, plus encore, si l’on coupe un membre du corps, ce membre ne peut plus vivre tout seul. Saint Pierre décrit la construction d’une demeure spirituelle. Celle-ci consiste à offrir à Dieu, par Jésus-Christ, des sacrifices spirituels. Le sacrifice eucharistique est ainsi au cœur de la vie de l’Église. C’est pourquoi, la première chose que l’on voit, en principe, quand on entre dans une église, ce que l’on voit en face de nous, bien au centre, c’est l’autel, le lieu de l’eucharistie. L’autel est en quelque sorte la porte ouverte vers le ciel, le cœur même de la vie du corps ecclésial. Dans un instant, cet autel va être de nouveau habillé, fleuri, et illuminé. Quand un prêtre se tient à l’autel pour célébrer la messe, l’autel devient le cœur de la vie de l’Église. En entrant, on voit aussi, spécialement dans cette église, la monumentale croix du Christ qui rappelle justement, au-dessus de l’autel, que le sacrifice de l’eucharistie est, précisément et de manière centrale, le sacrifice de la croix du Christ rendu présent par l’action du Saint-Esprit et grâce aux paroles du prêtre, pour réconcilier le monde avec Dieu, pour renouveler l’alliance. On parle de sacrement de l’alliance, nouvelle et éternelle car la mort du Christ sur le Golgotha est le moment clé de l’histoire du cosmos, le moment où s’ouvre à nouveau la porte du ciel pour que les hommes, malgré le péché, puissent accomplir leur vocation de former un seul peuple bien-aimé de Dieu. Cela se réalise par l’offrande de nous-mêmes, en union avec celle de Jésus. L’offrande de soi est un acte spirituel, invisible, mais qui change tout dans nos vies car nous ne nous appartenons plus à nous-mêmes, mais nous commençons alors à servir Dieu. Après avoir communié, nous devenons capables de servir de Dieu de façon renouvelée et pleine d’espérance.
Frères et sœurs, en ce début du jubilé 2025, jubilé de l’espérance, demandons au Seigneur cette grâce de nous laisser toucher par la beauté, non seulement de cette église rénovée, mais de tout ce qu’il y a de beau dans le monde. Réalisons, alors, que Dieu est infiniment grand et continue de faire exister tant de belles et bonnes choses en ce monde que son génie sans limites transparaît dans sa création et dans toutes ses œuvres. En réponse, ayons à cœur de nous offrir nous-mêmes à la manière de Jésus et en union avec lui, dans la joie de servir Dieu et nos frères, jusque dans la vie éternelle.
Amen.
+ Mgr Laurent Camiade
Evêque du diocèse de Cahors