Rocamadour, Fête de Saint Jacques, 25 juillet 2020

Jubilé d’or de Sœur Marie-France (50 ans)
et jubilé d’albâtre de Sœur Marie-Dominique (75 ans)

(Congrégation de Notre-Dame du Calvaire)

Homélie de Mgr Laurent Camiade :

C’est aujourd’hui la Fête de saint Jacques, Jacques le mineur, Apôtre du Christ et frère de saint Jean, fils de Zébédée et dont le tombeau se trouve à Compostelle. Nous ne pouvons pas ne pas avoir en tête ces centaines de milliers de pèlerins qui parcourent nos sentiers, depuis de nombreuses années, pour se rendre au tombeau de l’apôtre Saint Jacques.

Plusieurs milliers, chaque année, font la variante de Rocamadour. D’autres s’arrêtent, ici, auprès de Notre-Dame. D’autres choisissent de commencer, ici, leur pèlerinage.

Cette fête doit nous permettre en premier lieu de rendre grâces pour la recherche spirituelle de ces pèlerins car on ne va pas à Saint-Jacques ni à Rocamadour pour faire un exploit sportif. On y va en quête de sens, de vérité sur soi, sur le monde, en quête d’harmonie, d’équilibre intérieur ou relationne.. on y va très souvent en quête de réconciliation. Réconciliation avec soi-même [c’est parfois nécessaire. Réconciliation avec la création [que trop souvent nous abîmons]. Réconciliation avec les autres hommes [ceux que nous laissons en partant sur le chemin mais que nous savons de voir retrouver d’une autre manière au retour]. Ou même réconciliation avec Dieu [toujours discrètement présent à nos côtés sur la route, que l’on a tendance à ignorer].

L’Evangile d’aujourd’hui ne nous présente pas le premier groupe des disciples comme un groupe idéal, harmonieux, sans conflits, où règne l’estime mutuelle et la charité ! Non. Jacques et son frère Jean veulent les premières places dans le Royaume du Christ —rien que ça !

Ils sont pleins d’ambition ! Et les dix autres, qui sont peut-être un peu jaloux de ne pas avoir eu l’idée de faire les premiers cette demande, s’indignent sans ménagement quand ils ont vu que Jésus avait remis les deux frères à leur place. Trop facile d’enfoncer ceux qui viennent de se faire sermonner.

L’imperfection du groupe des douze apôtres, leur hésitation, la faiblesse de leur foi, leur incompréhension vis-à-vis des décisions de Jésus est souvent soulignée par les Evangiles. L’Évangile de Marc spécialement souligne très fortement la dureté de cœur des disciples et leur manque de foi.

Comment décrire les Apôtres ? Ils ont tout d’abord été appelés par Jésus et ils ont commencé ce pèlerinage avec Jésus ; ils avancent peu à peu, mais sans paraître progresser beaucoup. Les pèlerins, eux aussi, se sont mis en route, comme à la suite d’un appel, souvent intérieur. Puis, en cours de route, ils connaissent toutes sortes de difficultés et d’épreuves. La quête qu’ils poursuivent ne fait pas l’économie des doutes, des moments de découragement ou de tension diverse [en eux-mêmes, avec leur corps qui résiste à l’effort ou les pieds qui font mal, comme aussi dans les relations avec les personnes rencontrées sur le chemin qui peuvent être plus ou moins faciles et agréables].

Tout pèlerinage est une épreuve, il nous éprouve.

Saint Jean Chrysostome disait des Apôtres qui se disputaient autour de Jacques et Jean dans l’espoir d’avoir la première place : « Vois-tu comment ils étaient tous imparfaits : les deux qui voulaient s’élever aux dépens des dix autres, et ceux-ci qui jalousaient les deux frères ? Mais montre-moi ce qu’ils sont devenus ensuite et tu verras qu’ils ont été délivrés de tous ces mauvais sentiments. »

En fait, ce qui nous intéresse, c’est de comprendre comment ils sont passés de ces mauvais sentiments, que nous sommes tous capables d’éprouver, à la générosité et au don d’eux-mêmes.

Deux choses les ont transformés :

- La première, l’épreuve de la Passion du Christ. Celui en qui ils avaient mis tout leur espoir et leurs ambitions humaines est mort comme un criminel. Il n’a pas cru bon de résister à cette injustice. Il a plutôt pris sur Lui l’injustice, par amour. Il est mort. Mais il est ressuscité et les disciples l’ont vu. Cela a changé totalement leur vision de l’existence humaine. Quand on a vécu le deuil d’un ami, si ensuite, on le voit ressusciter et monter aux cieux, on ne peut plus se contenter de voir la vie sous l’angle matériel et les ambitions humaines se changent en d’autres désirs de nature très différente. La vie et la mort n’ont plus du tout le même sens.

- Le deuxième événement qui les a sanctifiés c’est la Pentecôte. Le don de l’Esprit Saint les a fait sortir de la peur et leur a donné le courage de témoigner.

Voilà comment on devient apôtre : on est appelé ; on se met en route ; on marche péniblement sur un chemin de confrontation à nos failles et à nos incapacités. Puis on traverse la mort avec Jésus, on entre dans l’Espérance ; enfin, on commence à devenir peu à peu docile à l’Esprit Saint et à rayonner de joie.

Deux religieuses, sœur Marie-France et sœur Marie-Dominique, sœurs de Notre-Dame du Calvaire, fêtent aujourd’hui leurs jubilés. Elles ont été appelées à consacrer toute leur vie à la suite du Christ, puis, elles ont traversé ces étapes de pèlerinage spirituel pendant toutes ces longues années [50 ans, 75 ans de consécration religieuse].

Ici, à Rocamadour (au Cantou), mais aussi à Gramat (au Grand couvent), les sœurs accueillent des pèlerins de Saint Jacques et les encouragent dans leur recherche spirituelle. C’est un encouragement réciproque parce que lorsqu’on rencontre souvent des pélerins, on n’a vraiment pas envie soi-même de faire spirituellement du sur-place !

Avec la Vierge Marie, Notre-Dame de Rocamadour, nous rendons grâce à Dieu pour leurs vies offertes au service du Christ sur le Calvaire. Qu’Il nous donne à tous de surmonter nos faiblesses personnelles et de vivre pleinement selon l’Esprit de Dieu !

Le bienheureux Pierre Bonhomme, fondateur des sœurs de Notre-Dame du Calvaire disait à ce sujet : « Comme on est heureux quand on peut se dire à tout instant : "je fais la volonté de Dieu ; je m’abandonne à la volonté de Dieu". »

Seul le Saint-Esprit peut purifier nos intentions à ce point que nous parvenions peu à peu à vouloir ce que Dieu veut.

« Pouvez-vous boire à la coupe que je vais boire ? » demandait Jésus à Jacques et Jean. Là était l’ambition de Jésus pour eux : les associer à son calice, c’est-à-dire à sa Passion mais aussi à sa Résurrection et au mystère du Sacrifice Eucharistique qu’en tant qu’apôtres, ils ont transmis à l’Eglise.

Si nous savons vivre l’Eucharistie comme une communion à la Passion et à la Résurrection de Jésus pour que l’Esprit Saint nous rende vraiment dociles à la volonté de Dieu, alors nous pourrons goûter le bonheur dont parlait le Père Bonhomme, celui de pouvoir dire à tout instant : «  Je fais la volonté de Dieu. Je m’abandonne à la volonté de Dieu. »

Amen

+ Mgr Laurent Camiade, évêque de Cahors

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