Messe Chrismale 2021 / Cathédrale de Cahors

Lundi 29 mars 2021

La messe chrismale a été célébrée à la cathédrale à 10h, en présence de l’ensemble des prêtres du diocèse.

L’évêque bénit les huiles qui servent pour les sacrements

 Homélie de Mgr Laurent Camiade :

Mes frères, Jésus-Christ nous aime, nous tous, chacun des membres du peuple de Dieu et tous ensemble. Jésus-Christ nous aime, dit l’Apocalypse de saint Jean et, l’amour du Christ « nous a délivrés de nos péchés par son sang et il a fait de nous un royaume et des prêtres pour Dieu son Père » (cf. Ap 1,5-6).

Ces paroles entendues dans la seconde lecture ce matin devraient être source de joie. L’amour du Christ. Il fait de nous un royaume, un peuple qui n’est pas orphelin ni abandonné dans un monde hostile, mais un peuple bien gouverné par le roi d’amour. Il fait de nous des prêtres capables d’entrer en relation avec le Père et de faire entrer en relation toute la création avec Dieu notre Père par l’offrande spirituelle de nos vies.

En célébrant aujourd’hui cette messe chrismale, je voudrais que nous soyons tous renouvelés dans la confiance en cette œuvre du Christ, cette œuvre d’amour du Christ, cette efficacité de la miséricorde de Dieu en Jésus-Christ. « Jésus, j’ai confiance en toi » disait sainte Faustine Kovalska. Nous nous en sommes souvenus pendant l’année de la miséricorde. « Jésus, j’ai confiance en toi ». L’œuvre d’amour du Christ est telle que toutes nos craintes s’y dissolvent peu à peu. Même la peur de la mort peut s’y effacer. Alors, où en suis-je de ma confiance ? Et toi, mon frère, ma sœur, dans cette assemblée, où en es-tu de la confiance en l’amour de Jésus-Christ qui a versé son sang pour te sauver, te délivrer de tes péchés et t’intégrer dans un royaume d’amour et faire de toi un prêtre pour Dieu le Père ? Où en es-tu de ta confiance dans la grâce reçue, la grâce qui te rend capable comme tous ceux qui croient en Jésus, de relier ce monde à l’univers invisible ?

Jésus, dans la synagogue de Nazareth, a lu le passage de l’Écriture qui s’applique à lui en tout premier lieu : « L’Esprit du Seigneur est sur moi parce que le Seigneur m’a consacré par l’onction. Il m’a envoyé porter la Bonne Nouvelle aux pauvres, annoncer aux captifs leur libération… une année favorable accordée par le Seigneur » (Lc 4,18-19, cf. Is 61,1-2). Nous avons devant nous, chaque année, en célébrant le mystère pascal du Christ, une nouvelle année favorable accordée par le Seigneur. Il est vrai que l’année qui vient de s’écouler a pu nous sembler particulièrement défavorable ! Je vous épargne la litanie des désordres sociaux, sanitaires, politiques, moraux, économiques, environnementaux et même religieux que nous connaissons tous. L’heure de notre société est à la dénonciation du mal. Il était sans doute temps de tordre le coup à l’idéologie du tout est permis, et la mise en place par le gouvernement d’une commission pour lutter contre l’inceste dit assez à quel point les interdits les plus fondamentaux qui existent pourtant dans toutes les sociétés humaines avaient été méprisés. Mais les réactions actuelles peuvent aussi, dans un premier temps, exacerber un sentiment d’insécurité, voire générer de l’angoisse et toutes sortes de sidérations individuelles et collectives.

Certainement, il faut vivre courageusement ce temps difficile, ne pas être dans le déni car, oui, l’homme est pécheur. Et oui, même dans l’Église, dans le cœur de chacun, dans les structures même du Corps mystique du Christ, une purification est nécessaire. Mais Dieu n’a pas oublié ni enfermé définitivement sa créature dans la culpabilité. Le Christ, mu par l’Onction de l’Esprit-Saint, est venu « guérir ceux qui ont le cœur brisé » (Is 61,1). Et Dieu l’avait promis comme en témoignait le psalmiste : « Sans fin je lui garderai mon amour, mon alliance avec lui sera fidèle ». Ce en quoi nous avons confiance, mes frères, c’est précisément en cette fidélité indéfectible de Dieu.

Nous bénissons aujourd’hui les huiles qui servent pour la célébration des sacrements et les prêtres vont s’engager à nouveau devant vous, en implorant votre prière, à « être les fidèles intendants des mystères de Dieu par l’eucharistie et les autres célébrations liturgiques » (rituel de la messe chrismale). Si nous osons promettre à nouveau cette fidélité, bien que nous n’ignorons pas que celle-ci n’est jamais gagnée d’avance ni une fois pour toutes —pas plus que la fidélité des époux qui doit être renouvelée chaque jour ; si nous osons exprimer solennellement ce vœu de fidélité à la mission reçue et aux engagement pris, c’est justement parce que c’est la seule manière de poser un acte de foi, un acte de confiance. Et nous voulons plonger sans réserve dans le cœur du Christ qui a versé son sang pour faire de nous un royaume et des prêtres pour son Père.

Nous voulons redire notre confiance dans la puissance du Christ qui se communique à tous par la grâce des sacrements. Mes frères, tant que nous sommes prêtres, tant que nous célébrons la messe, nous devons préserver en nous ce frémissement qui nous saisit au moment où, sur l’autel, plus présent au peuple rassemblé que nous ne pourrions jamais l’être, le Christ se rend présent et s’offre par amour, pour nous délivrer de nos péchés et faire de nous un royaume et des prêtres pour son Père. Oui, c’est tellement grand, ce que nous tenons dans nos mains, ce qui nous arrive à chaque fois que nous prononçons les paroles de la consécration ! Comment ne pas nous sentir infiniment petits ! Et comment ne pas porter notre regard, de manière à Lui offrir toutes nos forces vitales, sur ce Jésus ? Fixons nos regards sur ce Christ qui a daigné nous faire confiance en nous appelant à ce ministère !

Mes frères, ce n’est pas pour nous que nous célébrons l’eucharistie. Ce n’est même pas pour vous seulement qui y participez en vous associant de tout votre cœur et avec une belle fidélité, c’est pour le monde, pour la création toute entière qui attend impatiemment la révélation des fils de Dieu (cf. Rm 8,19). Le grand prêtre Caïphe avait dit à propos de Jésus : « il vaut mieux qu’un seul homme meure pour le peuple », or l’évangéliste saint Jean commente : « Ce qu’il disait là ne venait pas de lui-même ; mais, étant grand prêtre cette année-là, il prophétisa que Jésus allait mourir pour la nation ; et ce n’était pas seulement pour la nation, c’était afin de rassembler dans l’unité les enfants de Dieu dispersés » (Jn 11,51-52). Le sacrifice de la nouvelle alliance est pour l’unité des enfants de Dieu, c’est-à-dire en vue de la fraternité universelle de tous les humains, sous le regard du Père. Vous-mêmes, mes frères, qu’on appelle souvent avec tendresse et reconnaissance « les fidèles du Christ », vous venez à l’église pour cela, pour vous unir à l’œuvre du Christ qui est venu « rassembler dans l’unité les enfants de Dieu dispersés ». Vous ne venez pas seulement parce que cela vous fait du bien ni pour vous instruire des chemins de vie annoncés dans l’Évangile ni seulement pour sauver votre âme. Vous venez pour exercer votre sacerdoce baptismal, parce que le Christ vous a aimés au point de faire de vous, vous pécheurs, « un royaume et des prêtres pour Dieu son Père ». Et votre prière, votre présence, votre communion ne sont pas pour vous ; ni seulement pour que l’Église n’ait pas l’air trop vide ni trop triste ; mais pour qu’à travers vous, à travers nous tous, le Christ rassemble les enfants de Dieu et sauve la création. Le Christ est « l’Alpha et l’Oméga », « Celui qui est, qui était et qui vient, le Pantocrator (Souverain de l’univers) » (Ap 1,8). Par Lui, avec Lui et en Lui, nous sommes liés à toute la création, non seulement parce que notre vie est en interaction permanente avec le cosmos, mais aussi parce que le Sauveur s’est fait chair et a répandu son sang rédempteur sur la terre. Notre époque a davantage pris conscience des liens intimes entre l’humanité et le reste du cosmos et c’est une pierre d’attente pour la Bonne Nouvelle, une piste nouvelle pour annoncer l’importance vitale du culte rendu à Dieu dans l’eucharistie.

Faire confiance en la puissance du Christ à laquelle l’Esprit Saint nous a associés au baptême et à la confirmation doit aussi faire grandir notre confiance en nous-mêmes. Nous voyons parmi beaucoup de nos contemporains un grand manque de confiance en soi. Certains s’en remettent aveuglément à des gourous parce qu’ils n’osent pas se fier à leurs propres sentiments ni à leurs propres jugements, ni même en l’Esprit Saint qui vit en eux. Certains fidèles n’osent pas prendre la moindre initiative de peur d’être mal jugés ou de se tromper. Il y a tellement d’intransigeance dans le monde et parfois aussi dans nos communautés ecclésiales, que beaucoup n’osent plus se mouiller ni s’engager. La moindre parole, le moindre mot peut déclencher des tempêtes, surtout à la faveur des réseaux sociaux. Cela nous oblige à redoubler de prudence et surtout de délicatesse dans nos expressions. Mais cela ne doit pas étouffer le courage de partager clairement ce que nous croyons pour dialoguer sereinement avec tous. Souvenons-nous de ces mots de saint Jean-Gabriel Perboyre, notre saint lotois dont nous fêtons en juin prochain les 25 ans de sa canonisation : « Plutôt mourir que de renier ma foi ! ». Il est mort martyr en Chine pour sa foi ! Mes frères, il est plus facile de critiquer les autres de loin, à distance et dans des réseaux fermés, que de risquer une initiative ou une parole courageuse, ou même de formuler une question au sein d’une relation d’amitié. Mais l’Esprit Saint nous donne cette force !

Les prêtres et les diacres eux-mêmes, doivent faire confiance en l’Esprit Saint reçu à l’ordination. Autant il est important de discipliner les éventuelles tendances à dominer les autres, autant c’est un signe de maturité humaine et de bonne santé psychique que d’assumer sa responsabilité propre. Chers frères prêtres et diacres, cultivons une confiance stable en nous-mêmes. La grâce de notre ordination est active et féconde. Elle se déploie dans la mesure où nous restons profondément attachés à Jésus-Christ, et à Jésus-Christ consacré pour porter la Bonne Nouvelle aux pauvres. Cela ne rend aucun de nous personnellement incontournable ni universel, mais cette confiance en soi fondée sur la foi au Christ nous permet de cultiver notre capacité à faire aussi confiance aux autres, à faire vraiment confiance dans le sacerdoce commun des baptisés.

Chers frères et sœurs, si nous assumons tous des fragilités et connaissons parfois des défaillances, il ne faudrait pas que nous perdions pour autant confiance dans l’Église quand elle célèbre avec foi et humblement les sacrements ! Ces signes que Jésus nous a laissés et a chargé ses Apôtres de perpétuer sont des liens concrets et puissants qui guérissent la création abîmée par le péché en la reliant au Créateur. Sous les signes sensibles la force de Dieu agit. Le symbole de l’huile renvoie spécialement à cette idée d’une réalité qui pénètre et fortifie ceux qui en sont oints. En fin de compte, les sacrements sont un lien réparateur des relations entre nous et avec le Père miséricordieux en qui nous renouvelons notre confiance. Par Lui et sous son regard attentif et bienveillant, nous sommes tous frères, nous rappelle le pape François dans Fratelli tutti. Il écrit en effet : « c’est seulement avec cette conscience d’être des enfants qui ne sont pas orphelins que nous pouvons vivre en paix avec les autres » (Fratelli tutti, n° 272).

Jésus-Christ « nous a délivrés de nos péchés par son sang et il a fait de nous un royaume et des prêtres pour Dieu son Père » (cf. Ap 1,5-6). Que cette célébration renouvelle notre confiance en ce mystère et notre joie d’y participer fidèlement.
Amen.

+ Mgr Laurent Camiade, évêque du diocèse de Cahors

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