Installation de l’abbé Bertrand Cormier, curé de Souillac, et homélie

Dimanche 29 septembre 2019

 Présentation du nouveau curé par Mgr Camiade :

L’abbé Bertrand Cormier est prêtre du diocèse de Cahors depuis 20 ans.

Il a été prêtre à Cahors, curé de Gourdon, puis de Castelnau-Montratier et enfin de Labastide-Murat. Il a parallèlement été adjoint pour la pastorale au directeur diocésain de l’enseignement catholique. Dans le diocèse, il continue d’être responsable de la pastorale liturgique et sacramentelle. Et il est connu depuis longtemps pour ses compétences en liturgie, puisqu’il a presque achevé sa maîtrise à l’Institut supérieur de liturgie de Paris. Je lui ai demandé de finir ce Master : il lui reste seulement à rédiger un mémoire, c’est-à-dire une mini-thèse d’une bonne centaine de pages, cela lui prendra un peu de temps cette année. En effet, le père Bertrand enseigne déjà depuis deux ans la liturgie à Toulouse, à l’institut de formation pastorale (IERP, dépendant de l’Institut Catholique), lequel va d’ici un an changer de statut ce qui, dorénavant, exigera des diplômes pour chaque enseignant.

L’an dernier, l’abbé Cormier a pris une année sabbatique, en insertion dans une communauté de l’Arche de Jean Vanier, avec des personnes porteuses d’un handicap mental. Cela a été une expérience décapante, nous le devinons tous.

Il n’a pas choisi de venir ensuite à Souillac, mais il a accepté avec la générosité de son cœur de prêtre, une mission qui lui est donnée dans l’Église. Il vous est envoyé pour être, avec le père Stéphane qui continue parmi vous, un témoin d’une puissante espérance, homme de Dieu parmi vous, témoin de Dieu qui ne cesse de s’approcher de nous, de Dieu qui n’est pas sourd à nos appels et à nos besoins les plus profonds.

Le père Bertrand s’intéresse beaucoup en ce moment à la théologie de la création et à ce que nous appelons dorénavant l’écologie intégrale. Puisque c’est un sujet en profonde cohérence avec les défis de la société et de l’Église, selon l’enseignement de notre pape François dans son encyclique Laudato si’, l’abbé Cormier travaillera sur les rapports entre liturgie et théologie de la création. Ne soyez pas étonnés s’il en laisse percer quelques fulgurances dans ses homélies et les méditations qu’il vous partagera !

Ayant visité récemment ce beau groupement paroissial, je suis sûr que cette nouvelle page dans la mission de l’Église dans le secteur de Souillac sera une belle page, pleine de dynamisme et de joie !

 Homélie de Mgr Laurent Camiade :

« Empare-toi de la vie éternelle ! »

Ces mots sont ceux de l’Apôtre Paul à Timothée, ce responsable de communauté qu’il a institué, ordonné, revêtu de la grâce pastorale en lui imposant les mains. Paul n’hésite pas à appeler Timothée « mon enfant » ou même précisément « mon véritable enfant dans la foi » et il lui donne toute une série de conseils précieux pour vivre son ministère comme un homme de Dieu. En premier lieu il insiste sur la droiture de vie, sur la nécessité de ne pas suivre les mœurs dépravées de son temps. Il lui recommande aussi de professer la foi avec rigueur et précision, en se gardant des vaines discussions qui n’amènent qu’à d’interminables querelles de mots. Il lui rappelle l’étendue du champ de la mission, en précisant que « Dieu veut que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la connaissance de la vérité » (nous l’avons entendu dimanche dernier). Mais la pointe de la lettre à Timothée, nous la trouvons dans ce passage proclamé ce matin, tiré du dernier chapitre de la 1° lettre à Timothée : « Empare-toi de la vie éternelle ! »

Dès le premier verset de cette lettre, Jésus est présenté comme notre espérance : « Christ Jésus notre espérance ». Cette exhortation à l’espérance est le cœur du message de Paul à Timothée et, à travers lui, notamment à tout prêtre. Notre ministère pastoral consiste à s’emparer de la vie éternelle pour témoigner de l’espérance qui est Jésus-Christ ressuscité. « Empare-toi de la vie éternelle ! C’est à elle que tu as été appelé, c’est pour elle que tu as prononcé ta belle profession de foi devant de nombreux témoins ».

Mes frères, dans un instant, votre nouveau curé va prononcer seul devant vous sa profession de foi. C’est pour vous communiquer l’espérance dont il s’est emparée et qui lui vient de la grâce de notre Seigneur Jésus-Christ. Si les prêtres sont célibataires dans l’Église latine, c’est précisément pour être, à travers cette vie donnée, des témoins vivants de l’espérance. Ils ont été appelés à mettre toute leur espérance en Jésus-Christ et non pas dans des projets de réussite personnelle. Ils savent qu’il n’y a pas de véritable épanouissement personnel, c’est à dire d’accomplissement de leur personnalité en dehors de cette espérance. La Résurrection de Jésus ouvre le champ de nos capacités à traverser des épreuves en cette vie.

Le prêtre qui arrive dans une paroisse a pour tâche de s’approcher du peuple à qui il est envoyé. C’est ainsi qu’il est également témoin de l’incarnation du Christ qui s’est fait proche des hommes au point de devenir l’un d’entre nous. Mais ce qui nous sauve, ce n’est pas que le Christ ait été à l’origine un homme comme les autres (il est Dieu avant d’être homme). Ce qui nous sauve, c’est le chemin que Dieu a parcouru en Jésus pour se faire proche et traverser notre condition humaine jusqu’à souffrir et mourir par amour pour nous. Une belle image de ce mystère est celle du bon samaritain s’approchant du blessé, alors qu’il est lui-même en voyage, loin de son pays d’origine. C’est celui qui s’approche qui se fait le prochain de chacun et c’est là le mouvement de l’amour dont le prêtre s’efforce d’être le signe et que la grâce de son ordination lui permet de vivre, tant qu’elle est quotidiennement ravivée en lui par sa relation personnelle avec Dieu et par son attention aux personnes qu’il rencontre.

Nous voyons comment dans l’Évangile, le drame du riche n’est pas d’être riche, bien habillé et mangeant de gras festins, mais que sa manière de vivre ignore totalement les souffrances du pauvre Lazare, couvert d’ulcères, qui n’a rien à manger. Seuls les chiens ont un peu pitié de lui et viennent lécher ses ulcères.

L’image qui vient ensuite dans cette parabole, ne correspond pas à la vision du ciel et de l’enfer comme on peut le penser en lisant trop vite le texte, mais Jésus fait référence dans cette parabole à la tradition, issue du judaïsme ancien, d’une condition intermédiaire entre mort et résurrection, un état dans lequel la sentence dernière du jugement n’a pas encore été prononcée : un état où le pécheur égoïste, muré en lui-même et anesthésié par ses plaisirs durant sa vie terrestre, souffre enfin de son péché et mesure l’abîme qu’il a placé entre lui et Lazare. Ce qui est reproché au riche et à ses cinq frères, c’est de n’avoir pas écouté la parole de Dieu : «  ils ont Moïse et les Prophètes, qu’ils les écoutent ». Et même si quelqu’un revient d’entre les morts, cela ne les convaincra pas parce qu’ils ont fermé leurs oreilles à la parole de Dieu et cela les aveugle sur les besoins de leurs frères.

Chers amis, le prêtre que le Seigneur vous envoie aujourd’hui par son Église ne revient pas de chez les morts, même s’il rentre d’une année sabbatique ! Il n’a pas fait le mort pendant cette année mais il a vécu une expérience de transformation personnelle en se mettant au service de personnes avec un handicap, en s’approchant de ces personnes, en vivant au milieu d’elles. Le prêtre, au milieu d’une communauté chrétienne est un envoyé qui appelle chacun à renouveler sa foi, à la vivifier aux sources de l’espérance. Parce qu’il a lui-même reçu cet appel : « Empare-toi de la vie éternelle ! », il peut faire raisonner à vos oreilles, aux oreilles de chacun, ce même appel : « Empare-toi de la vie éternelle ! » Car cet appel s’adresse à tous, pour que ce soit toute la communauté chrétienne qui s’empare de la vie éternelle et devienne un peuple de témoins joyeux de l’espérance qui est en Jésus-Christ.

La mission propre du curé est d’annoncer la parole de Dieu pour que son Amour soit connu et se répande, de conduire la communauté dans l’unité, d’offrir avec discernement et générosité les sacrements de l’Église (baptême, confession, eucharistie, onction des malades, mariage) et de favoriser la communion entre tous.

Dans une société où les repères sont de plus en plus brouillés, le rôle d’un prêtre est, de plus en plus, d’écouter, d’accompagner. Accompagner n’est pas oublier d’enseigner clairement la totalité du message du Christ. Mais nous comprenons bien que peu de personnes sont capables de recevoir immédiatement cet enseignement. Cela demande de la patience, un lent accompagnement. Pour cette tâche immense, passionnante et souvent délicate, la coopération des laïcs aux actions des prêtres est devenue indispensable.

Pour bien s’approcher des gens éloignés de la culture chrétienne, les prêtres ont particulièrement besoin d’un conseil pastoral et d’une équipe d’animation pastorale qui les aident à ajuster leur mission aux capacités réelles du peuple au milieu de qui vous vivez. Car la première mission des laïcs est de faire rayonner la grâce de leur baptême dans des milieux où l’Église ne peut pas être présente autrement que par eux. Et cette expérience propre des laïcs parce qu’ils vivent au milieu du monde séculier est un trésor précieux qu’il est de votre devoir de partager avec les prêtres qui, eux aussi, ont une expérience spécifique du monde et de Dieu. Ce partage d’expérience fait la richesse de l’Église. C’est ce que l’on appelle la culture de la synodalité. Nous ne pouvons avancer dans une plus grande fidélité au projet de Dieu qu’en marchant tous ensemble dans un esprit de dialogue et de communion. La synodalité sera, de plus en plus, le lieu de maturation de l’esprit missionnaire qui doit tous nous habiter. Car l’espérance qui est en Jésus-Christ n’est pas pour une élite, mais pour tous.

« Empare-toi de la vie éternelle ! » C’est un appel à la joie et à l’engagement de tous, pour faire rayonner la joie d’être sauvés partout.

Loué soit Jésus-Christ !

Mgr Laurent Camiade
Evêque de Cahors

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