Homélie de Mgr Laurent Camiade

Dimanche 8 novembre 2020

Mes frères, « il ne faut pas que vous soyez abattus comme les autres, qui n’ont pas d’espérance » dit saint Paul aux Thessaloniciens (2° lecture).

Ces mots visent directement le drame de la mort dont les premiers chrétiens s’étaient cru délivrés après la résurrection de Jésus. Or ils font cette expérience qu’au fur et à mesure que les années passent, des chrétiens aussi meurent, malgré la grâce du baptême, malgré la configuration au Christ ressuscité. Même habités par la grâce du Salut, nous sommes confrontés à l’épreuve du deuil, avec son risque de désespoir.

Dans les circonstances actuelles, après les crimes terroristes qui n’épargnent même pas ceux qui sont humblement en train de prier dans une église, et en plein re-confinement, nous pourrions avoir bien des raisons, humainement, de nous sentir abattus. Nous voyons peut-être surgir en nous-mêmes des sentiments qui ne sont pas dignes de notre foi chrétienne, des sentiments qui vont à l’encontre de l’appel du Christ à la miséricorde, des sentiments qui peuvent entamer notre confiance en Dieu qui ne permet pas que nous soyons tentés au-delà de nos forces. Alors, oui, il est bon de nous laisser toucher par cette parole de l’Écriture : «  il ne faut pas que vous soyez abattus comme les autres, qui n’ont pas d’espérance » (1 Th 4,13). Personnellement, redire ces mots fortifie ma foi et m’encourage à ne pas sombrer dans l’abattement.

Après, nous pourrions nous dire que c’est peut-être arrogant et naïf de croire que nous n’allons pas vivre l’épreuve « comme les autres ». Je ne sais pas bien identifier, d’ailleurs, ces ‘autres’ qui n’ont pas d’espérance. En tout cas, pas de façon générale. Mais j’ai déjà rencontré des hommes et des femmes sans espérance.

Je ne parle pas des pessimistes ni de ces négativistes qui sont en permanence en train de nous avertir de ce qui va mal se passer. Car je connais des pessimistes qui ne voient pas facilement le bien sur terre mais qui s’appuient d’autant plus sur l’espérance. J’ai vu aussi des optimistes qui s’efforcent désespérément de ne voir que le bien parce que, justement, ils n’espèrent rien au-delà de ce qu’ils voient ou croient voir ici-bas.

L’espérance est autre chose que l’optimisme. L’espérance, c’est l’attitude de ces vierges de l’Évangile qui « gardent leur lampe allumée ». Elles savent que l’époux va venir et elles sont prêtes. La virginité, dans l’évangile, est une capacité, une attente confiante, bref, un témoignage d’espérance. Il est frappant de voir que ceux qui n’ont pas d’espérance ne croient pas non plus à la virginité comme un chemin de vie qui a du sens.

L’espérance se traduit par une fidélité, une solidité par delà la nuit. La lampe à huile reste une petite lumière dans la nuit. Elle ne supprime pas toute l’obscurité de la nuit, elle n’est pas un projecteur de 2000 Watts capable d’éclairer un stade de foot comme en plein jour ! Mais cette petite lumière suffit pour que la chambre ne soit pas plongée dans l’obscurité de la nuit, elle veille sur notre confiance et notre capacité d’agir et de réagir. C’est cela l’espérance, cette lumière intérieure discrète qui suffit à rester en contact avec le réel et à accueillir la vie qui vient, même dans l’épreuve, même dans la souffrance, l’incompréhension et la peur.

Notre espérance n’est pas une simple lumière, impersonnelle. C’est Jésus-Christ Ressuscité. C’est un ami et un frère, un époux qui vient combler de son amour toutes nos attentes, nos angoisses, nos peines et nos sentiments de vide. Concrètement, même si nous ne pouvons pas trop sortir ni nous rassembler, nous savons qu’Il viendra et que nous ne sommes pas faits pour rester seuls. La vision finale et la résurrection sera le rassemblement heureux auquel nous aspirons. Ce sera la fête de la Vie où plus aucun virus ni aucune terreur n’aura jamais de prise sur nous.

Ne soyons pas abattus, gardons la lampe de l’espérance allumée ! Amen.

Mgr Laurent Camiade, évêque de Cahors

Soutenir par un don