Homélie de clôture de la visite pastorale à Souillac

Dimanche 16 juin 2019

Solennité de la Sainte-Trinité C ; Jn 16, 12-15

Homélie :

Saint Augustin, père de l’Église du IV° siècle a écrit un grand et magnifique traité sur la Sainte Trinité. Beaucoup d’entre vous connaissent sans doute cette histoire légendaire selon laquelle il se promenait un jour au bord de la mer. Il aperçoit un jeune enfant fort occupé, allant et venant sans cesse du rivage à la mer : cet enfant avait creusé dans le sable un petit bassin et allait chercher de l’eau avec un coquillage pour la verser dans son trou. Augustin lui demande : - Que fais-tu là ? - Je mets l’eau de la mer dans mon trou. - Mais, ce n’est pas possible ! reprend Augustin. La mer est si grande, et ton bassin est si petit ! - C’est vrai, dit l’enfant. Mais j’aurai pourtant mis toute l’eau de la mer dans mon trou avant que vous n’ayez compris le mystère de la Sainte Trinité.

Cette histoire, bien que n’ayant aucune historicité, est souvent citée pour dire qu’on ne peut pas percer le mystère de Dieu qui est inaccessible. Mais ce mystère nous a pourtant été révélé, ce qui fait que nous en savons quelque chose. Pour autant, il reste au-dessus de nous. Saint Augustin qui avait beaucoup travaillé était, en réalité rendu très humble par sa propre recherche. A la fin de son grand traité de la Trinité, il écrit : « En tout ce que j’ai dit […] je confesse que cette merveilleuse connaissance de Dieu dépasse ma faiblesse et que je ne peux m’élever jusqu’à elle ».

Dieu est inaccessible à l’homme s’il veut s’élever lui-même jusqu’à le connaître. Mais Jésus-Christ nous l’a révélé et l’Esprit Saint, dit Jésus, « vous conduira dans la vérité tout entière ».

Nous ne pouvons pas contenir la vérité sur Dieu-Trinité, mais nous pouvons nous laisser guider, conduire « dans la Vérité », c’est elle qui nous contient !

L’Evangile et la profonde réflexion des pères de l’Eglise, des docteurs et théologiens, nous aident dans ce cheminement au cœur du mystère de la Trinité. Car dans la mesure où chacun se laisse conduire par l’Esprit Saint, c’est toujours Lui, à travers les autres personnes, qui nous fait connaître Dieu. Et Dieu veut être connu de nous, pour que nous puissions l’aimer.

Dans la charte des paroisses de notre Diocèse, une phrase de Saint Hyppolite de Rome est mise en exergue : « l’Eglise est le lieu où fleurit l’Esprit Saint ». Cette belle image de l’Eglise comme un champ de fleurs spirituelles nous aide à regarder l’Eglise avec émerveillement.

Car, bien sûr, dans l’Eglise, il y a la faiblesse des membres, il y a des pécheurs, (nous tous), il y a parfois aussi des contre-témoignages graves, des abus, des crimes, des malhonnêtetés. Tout cela est indigne de Dieu. Mais, sur ce fumier, parfois malsain, l’Esprit Saint ne cesse pas de faire pousser des fleurs et c’est cela qui est réellement l’Eglise, ce que l’on appelle « la croissance du Royaume de Dieu  » (cf. Lumen Gentium n° 3).

Jésus, dans l’Evangile, donne beaucoup de paraboles sur le thème de la germination, comme par exemple celle du bon grain et de l’ivraie qui nous frappe toujours nous qui sommes habitués plutôt à retirer les mauvaises herbes. Dieu n’arrache pas l’ivraie de peur d’abîmer en même temps le bon grain qu’il a semé. On voit ici que Dieu ne se donne pas d’exigence de productivité et ne se met pas la pression. Il a du temps. Il prend le temps d’aimer chaque personne et de voir ce qui pousse, ce qui fleurit.

Regarder fleurir l’Esprit Saint et grandir le Royaume de Dieu sur la terre, cela, c’est se laisser conduire dans la Vérité tout entière. C’est découvrir le grand mystère de la Trinité. Le Père envoie son Fils pour accomplir son œuvre de Salut. Le Fils obéit pour manifester la Gloire du Père et revient vers Lui, pour que, par lui nous soit envoyé l’Esprit, cet Esprit d’Amour qui unit le Père et le Fils et vient nous élever dans la vie trinitaire.

  • Le baptême nous a fait entrer dans cette vie trinitaire. Au nom du baptême nous pouvons donc devenir des acteurs de la croissance visible du Royaume de Dieu.
  • Ceux qui, pour un temps, sont appelés à faire partie d’un conseil pastoral — chargé de préciser les orientations missionnaires d’une paroisse— ont reçu l’Esprit-Saint, dans l’Eglise, au service de tous et surtout de la croissance du Royaume de Dieu.
  • Ceux qui sont appelés, pour trois ans (renouvelables une seule fois) à former avec le curé (et le vicaire) une EAP, ont à favoriser la mise en œuvre du projet pastoral. Ils ne sont pas chargés de tout faire, mais plutôt de veiller à l’unité de la paroisse, au bon déroulement de sa mission, d’encourager, d’aider les prêtres à discerner qui appeler pour des tâches précises.

Tout cela doit contribuer à nous faire avancer sur notre chemin dans la Vérité tout entière du mystère de la Trinité, dans la vraie connaissance de Dieu et la manifestation de sa Gloire.

La mission de l’Eglise peut ressembler ainsi à celle d’un petit enfant qui, patiemment, sans se lasser, verse l’eau de la mer dans un trou dans le sable. Cela paraît une tâche impossible à mener à bien, surtout dans le contexte actuel. Mais si l’on vit soi-même dans le cœur de la vie trinitaire, si l’Esprit Saint a été répandu dans nos cœurs et que nous accomplissons cela en communauté fraternelle, cela est source de joie !

Amen.

Mgr Laurent Camiade
Evêque de Cahors

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