Fête de la Toussaint 2020

Dimanche 1er novembre 2020.

 Homélie de Mgr Laurent Camiade :

Mes frères,

Nous célébrons tous les saints, tous ceux qui sont dans la pleine vision de Dieu et partagent avec Lui le bonheur absolu dans le ciel. Le moins que nous puissions dire est que nous n’en sommes pas encore là ! Mais penser à eux nous encourage.

Nous sommes aussi rassemblés aujourd’hui avec, présents dans nos cœurs, tous nos disparus, même ceux qui sont encore dans un temps de purification avant de goûter pleinement ce bonheur promis. Nous prions pour eux et nous avons besoin de nous souvenir d’eux, de déposer devant l’autel du Seigneur la tristesse de la séparation. Il faut bien dire, spécialement, ceux qui sont partis pendant le premier confinement et n’ont pas eu une célébration de funérailles vraiment publique ou même, ceux que nous n’avons pas eu le droit de visiter et d’accompagner dans leurs derniers instants, ceux-là méritent aujourd’hui notre attention spéciale, notre prière spéciale. Et nous avons le droit de crier vers Dieu que cela nous a fait mal de traverser, non seulement un deuil, mais un deuil confiné. Le Seigneur entend notre prière. Lui, n’a pas manqué d’être présent, même lorsque nous devions garder nos distances et éprouver ces sentiments d’absence.

Notre prière, en ce jour, rejoint bien sûr la prière des familles des victimes des attentats terroristes. Un enseignant, de simples paroissiens, décapités ou égorgés : comment ne pas être bouleversés ? Comment ne pas crier vers Dieu notre douleur ?

Mes frères, l’année 2020 est vraiment une année difficile dans le monde. Même le rythme des béatifications et des canonisations a singulièrement diminué. Je voudrais pourtant évoquer devant vous un nouveau bienheureux et un peut-être futur bienheureux. Je dirai ensuite un mot d’un bienheureux beaucoup plus ancien et qui nous concerne.

Le tout nouveau béatifié (il y a trois semaines, le 10 octobre) est mort en 2006 à l’âge de 15 ans d’une leucémie. C’est un jeune italien nommé Carlo Acutis. Un de ses biographe l’appelle « le Geek de Jésus ». C’était un jeune de notre époque, passionné d’informatique. Il est célèbre pour avoir réalisé une exposition sur les miracles eucharistiques. Il a, en effet, recensé, avec précision et sérieux, tous les miracles ayant eu lieu pour fortifier la foi en la présence réelle de Jésus dans l’eucharistie. 136 miracles reconnus par l’Église au cours de l’histoire. Des moments où Jésus soutient spécialement par des signes palpables la foi en la réalité invisible de sa présence. Cette béatification peut nous aider à croire que participer à la messe est important. Il est sûr que les périodes de confinement privent la plus grande partie des catholiques de la messe. Il ne leur est pas permis comme d’habitude de participer « en présentiel » à l’offrande eucharistique ni même de communier. Certains d’entre nous restent scandalisés par cette privation et ont du mal à la comprendre. Il s’agit, en fait, de participer à un effort collectif qui va par-dessus nos désirs individuels. Ce n’est que par des comportements sociaux cohérents qu’il est possible de freiner une épidémie et, par conséquent, de limiter un peu le nombre de morts qui en serait la conséquence. Le commandement de Dieu « tu ne tueras pas » doit être respecté. Notre manière de sanctifier le jour du Seigneur, en cette période particulière, doit se vivre par une communion spirituelle, un acte de foi en Jésus qui veut nous sauver et en méditant personnellement sur la Parole de Dieu à l’aide de nos missels ou des applications (aelf.org) qui donnent accès aux lectures du jour gratuitement. Beaucoup d’initiatives existent pour nous aider en ce sens. On peut aussi suivre la messe à la télévision ou sur internet, même si ce n’est pas la même forme de participation à l’eucharistie. De plus, il est toujours permis de visiter le Saint-Sacrement : il suffit, pour ceux qui n’habitent pas trop loin d’une église ouverte, de s’y arrêter pendant la semaine et d’adorer pendant quelques instants le Christ présent au tabernacle. N’hésitons pas à le faire ! La distance sociale ou physique n’empêchera jamais le Seigneur d’être proche de nous. Que le bienheureux Carlo Acutis nous y encourage !

L’autre personne dont je veux vous parler, et que le pape François aimerait béatifier prochainement, même si son dossier est encore à l’étude, c’est le père Jacques Hamel. Ce prêtre ordinaire a été assassiné le 26 juillet 2016, par deux jeunes islamistes, dans la banlieue de Rouen. Les événements actuels nous le rendent très proche. La décapitation du professeur Samuel Paty comme le triple meurtre dans la basilique Notre-Dame de Nice nous secouent en profondeur. Ils viennent après de nombreux autres crimes terroristes depuis l’attentat du métro Saint-Michel en 1995. La France a été très souvent la cible du terrorisme islamiste. Nous ne pouvons pas nous y habituer. Ce qui frappe dans la personnalité du père Jacques Hamel, c’est qu’il sait distinguer parfaitement entre les personnes et la folie du terrorisme. C’était lui-même un homme ouvert au dialogue, vivant paisiblement dans un quartier où les relations entre chrétiens et musulmans étaient saines et fraternelles. Il connaissait de vue les jeunes qui l’ont agressé. Et ses derniers mots «  va-t’en Satan », montrent qu’il attribue cette folie à l’œuvre du diable et qu’il fait en cela jusqu’au bout son travail de prêtre qui est de sauver, de libérer ceux qui sont devant lui, plutôt que de leur riposter ou les insulter personnellement. Nous devons cultiver en nous cette vision surnaturelle du mal présent dans le cœur des hommes pécheurs. Bien sûr, nous sommes affectés et blessés, peut-être même effrayés ou affolés par ce que nous voyons. Mais cela ne devrait jamais éteindre en nous le désir de rencontrer les autres comme des frères. Être des frères ne veut pas dire que nous sommes toujours d’accord ni qu’il n’y a jamais de contradiction ni de dispute. Le vrai dialogue passe par des phases de contradiction. Interdire la confrontation et s’enfermer dans une communication toujours positive empêche de s’écouter réellement et tue la culture du dialogue. La communication toujours négative ne produit pas non plus de bons fruits ! C’est la recherche commune de la vérité qui devrait guider nos échanges. Rappelons-nous sans cesse la septième béatitude : « Heureux les artisans de paix, car ils seront appelés fils de Dieu ». Restons artisans de paix, un artisan travaille dur pour façonner l’objet de son art. La paix demande patience et efforts. C’est un ouvrage de chaque jour.

Enfin, je voudrais évoquer aussi un bienheureux de notre diocèse que nous fêtions hier, le 31 octobre, le bienheureux Christophe de Cahors, mort en 1272, à l’âge de 100 ans. Un des tableaux de cette cathédrale le représente. Il était d’origine portugaise et devint disciple de saint François d’Assise qui l’a chargé d’évangéliser le Quercy. Il est vénéré à Martel et a fini ses jours à Cahors. Il a circulé dans le diocèse en soignant les malades et les lépreux. Il a prévenu la chute imminente d’un énorme bloc de rocher du Mont Saint-Cyr. Vous savez, ce n’est pas facile de convaincre les gens, c’est comme quand on leur dit qu’il y a une épidémie, il y en a toujours qui n’y croient pas ! Mais le bienheureux Christophe a réussi à convaincre les habitants de quitter le quartier avant la catastrophe et il n’y a pas eu de victime. Cette grande figure de sainteté, de courage et de dévouement nous invite à prévenir nos contemporains des dangers de ce temps (toutes sortes de dangers) et à prendre soin, comme lui, des malades et des pauvres. Il est de fait heureux que, pour ce second confinement, le soutien pastoral et caritatif des plus fragiles soit reconnu comme prioritaire. En effet, les aumôniers des hôpitaux, des établissements médico-sociaux, des prisons, pourront continuer à travailler ; de même, les bénévoles des associations caritatives (distribution de nourriture, accueil, soutien scolaire...) pourront poursuivre leur mission. Malgré le trouble de ces temps compliqués, que la charité, l’Amour de Dieu et du prochain, guide tous nos actes.

Amen.

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