5° dimanche de Carême

Dimanche 29 mars 2020
Homélie de Mgr Laurent Camiade.

L’évangile aujourd’hui nous conduit devant le tombeau de Lazare, un ami de Jésus, un proche. Et nous voyons Jésus pleurer la mort de son ami (Jn 11,35).

Nous sommes tous fragilisés devant la mort. Qui peut se vanter de la regarder en face sans trembler ? Cyrano de Bergerac s’efforça jusqu’au bout de ne pas perdre « son panache ». Mais sur ce mot, il s’effondre, comme les autres.

Depuis plusieurs semaines maintenant, nous lisons chaque matin sur le journal le nombre de morts du Coronavirus, en Occitanie, en France, dans le monde. Beaucoup parmi nous, peut-être surtout les plus anciens, étaient déjà familiers des avis de décès : là au moins les morts ne sont pas des chiffres mais ils ont un nom. Parfois un nom connu et nous sommes plongés dans la tristesse. Ou la prière : qu’il repose en paix.

Jésus, pourtant, regarde de manière étonnante la mort de son ami. Il se réjouit d’abord de n’avoir pas été là ! « Je me réjouis de n’avoir pas été là, à cause de vous, pour que vous croyiez » (Jn 11,15). Il va réveiller Lazare. Lazare est vraiment mort, depuis quatre jours et le corps commence à se décomposer. « Il sent déjà » dit Marthe, avec ce langage simple et direct des Évangiles.

Je me demande et je demande au Christ Jésus : Seigneur, est-ce que tu te réjouis d’avoir l’air absent de ce qui se passe dans le monde aujourd’hui ? Cette épreuve va-t-elle aider ce monde apostat à croire davantage en toi ? Quel signe vas-tu donner, quelle résurrection, quel miracle, à cause de nous, pour que nous réveillions notre foi ?

Il est sûr que nos sécurités habituelles sont ébranlées, que notre système, nos banques, nos processus de décision, nos affaires, les équilibres —en vérité peu équitables— de nos échanges habituels, et jusqu’à notre façon de vivre la foi, sont secoués, suspendus. Nous ne savons pas pour combien de temps. Mais nous savons que cela a été décidé pour sauver des vies, parce que notre civilisation, malgré tant de cynisme parfois, croit que la vie humaine est précieuse. Nous sommes confinés parce que nous ne pourrions pas supporter de voir mourir nos frères et sœurs ni nos amis sans verser une larme, comme tu l’as fait, au tombeau de Lazare. Nous ne pourrions encore moins supporter d’en être responsables en ne prenant pas cette menace au sérieux.

Seigneur, quelle leçon de vie et de foi veux-tu nous donner en cette épreuve ?

Depuis le meurtre d’Abel par son frère Caïn, l’homme a bien souvent donné la mort. Même après les divines paroles du Sinaï, l’interdit du meurtre (Ex 20,13) a bien souvent été enfreint. Même la vie de notre planète est aujourd’hui en danger tant nos excès et notre consumérisme l’ont méprisée. N’est-il pas venu, le temps de verser des larmes, non seulement pour nos morts, mais aussi pour nos péchés et nos inconséquences ?

En entrant dans le temps de la Passion et en regardant Jésus pleurer au tombeau de Lazare, demandons cette grâce des larmes pour nos péchés, des larmes pour nos inconséquences, des larmes pour n’avoir pas assez versé de larmes, lorsque nous avons négligemment blessé ou ignoré nos frères, gaspillé nos ressources, détruit notre environnement et, de la sorte, souillé notre propre nature.

« Je suis la résurrection et la vie » (Jn 11,25) ; « Si tu crois, tu verras la gloire de Dieu » (Jn 11,40) nous dit Jésus. Je crois, Seigneur. Donne-moi de me réjouir avec toi dans la foi !

Amen.

Mgr Laurent Camiade
Evêque de Cahors

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