Dimanche 10 Mai 2020 - 5° dimanche de Pâques

Homélie de Mgr Laurent Camiade

La première lecture de ce dimanche raconte l’imposition des mains par les Apôtres aux 7 premiers diacres de l’Église. C’est un moment important dans la vie de la communauté chrétienne primitive. Il marque la place essentielle du service : service de la Parole de Dieu que les Apôtres ne peuvent pas délaisser ; service des pauvres et des étrangers, ici spécialement des veuves d’origine grecque, qui mérite un envoi en mission, une grâce, une bonne organisation de l’Église qui ne peut trahir sa fidélité aux œuvres du Christ.

Dans l’Évangile, nous retrouvons ces deux pôles : la parole du Christ et ses œuvres. Toutes deux sont une invitation à croire en lui, à croire qu’il est réellement le Fils de Dieu, l’image parfaite de son Père : « qui m’a vu, a vu le Père ».

La Parole du Christ et le service (des pauvres et des étrangers) sont deux piliers de la vie de l’Église. Les Apôtres décident d’ordonner des diacres afin de rester eux-mêmes « assidus à la prière et au service de la Parole ». Il faut donc compléter les deux pôles de la parole et de la charité par celui de la prière : la louange, l’adoration et la célébration du mystère pascal de Jésus-Christ.

Ainsi, le concile Vatican II, en rétablissant le diaconat permanent, le présente comme un service pour la liturgie, la Parole et la charité. C’est le mot service qui traduit le sens du mot « diacre ». L’Église, grâce à la mission des diacres, se souvient que tous les baptisés sont appelés à vivre dans un esprit de service.

Pour le mois de mai 2020, le pape François a demandé à l’Église de prier spécialement « Pour que les diacres, fidèles à leur charisme au service de la Parole et des pauvres, soient un signe stimulant pour toute l’Église ». Prions pour les diacres et pour ceux qui se préparent à être ordonnés diacres, pour ceux que l’Église appelle aujourd’hui à ce beau ministère. Souvenons-nous aussi que le patron de notre diocèse est le diacre saint Etienne, un de ces sept premiers ordonnés par les Apôtres au tout début de l’Église.

Nous allons entrer dans notre pays dans la phase progressive du déconfinement qui va redonner un peu plus de liberté à chacun d’entre nous, sans nous démobiliser pour éviter la propagation du virus qui paralyse notre monde. Ce mot de « service » peut guider nos premiers pas. Notre liberté doit nous permettre de mieux servir, d’être davantage au service de nos frères.

Ce « davantage » peut vouloir dire quelques gestes supplémentaires. Mais il doit désigner surtout une conversion de nos cœurs, selon laquelle l’intention profonde de nos choix libres, de nos gestes, de nos comportements, ne devra pas être la réalisation de nous-mêmes, mais bien le service. Le soir, avant de nous coucher, ne nous demandons pas d’abord combien de gestes de service nous avons posés, combien de bonnes actions ? Demandons-nous d’abord quelles ont été nos intentions dans nos choix posés durant cette journée ? Développer notre esprit de service suppose de cultiver notre attention aux autres, notre écoute, notre disponibilité, notre bienveillance, notre délicatesse. Notre sens de la responsabilité doit se fonder réellement sur le désir du bien des autres et non sur notre auto-préservation et notre besoin (légitime par ailleurs) d’être considérés.

Beaucoup parmi les fidèles habitués à pratiquer régulièrement qui n’auront pas accès à la célébration de l’eucharistie avant la Pentecôte vivent douloureusement cette privation. Nous pouvons offrir encore une fois cette épreuve en communion avec les chrétiens qui, dans le monde, pour diverses raisons, connaissent de semblables privations parfois de manière encore plus longue. Nous pouvons aussi demander au Seigneur que cette distance nous aide vraiment à reconsidérer en profondeur notre désir de l’eucharistie et des sacrements pour qu’ils grandissent et s’ajustent à ce que Dieu veut nous donner : non pas d’abord une assemblée sympathique et chaleureuse (cela nous ne pourrons guère le vivre avant longtemps car des mesures de distanciation vont perdurer, même après la Pentecôte) mais bien l’offrande spirituelle de nos vies, en communion avec la vie du monde qui nous entoure et par le Christ dont l’offrande de sa vie s’actualise pour nous sur l’autel.

De même, notre fraternité doit s’approfondir dans la vie ecclésiale, en se détachant de l’émotionnel et du ressenti des embrassades faciles, la distance physique peut nous inciter à regarder nos frères et sœurs plus attentivement, à mieux percevoir leurs besoins profonds en nous écoutant davantage. Plusieurs d’entre vous témoignent de ce que, durant le confinement, certaines conversations téléphoniques ont été bien plus profondes et en vérité que des dizaines de rencontres conviviales vécues auparavant, tandis qu’aucune inquiétude sanitaire n’apparaissait.

Que ce soit en famille, au travail, ou dans notre groupe ecclésial, demandons au Seigneur que grandisse notre esprit de service. Et que le ministère des diacres nous y encourage.

« Moi, je suis le Chemin, la Vérité et la Vie, dit le Seigneur Jésus ; personne ne va vers le Père sans passer par moi ». C’est en Jésus que nous trouvons le parfait modèle du serviteur. Ne le quittons pas des yeux et déposons tous nos actes devant sa lumière purificatrice. Qu’il leur fasse porter le fruit de bonté que son Père en attend.

Amen.

Laurent Camiade, évêque de Cahors

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