Confirmations des adultes - Labastide-Murat

Samedi 8 juin 2019

 Homélie de Mgr Laurent Camiade :

Mes frères,

Plusieurs adultes de notre diocèse vont recevoir dans quelques instants le sacrement de la confirmation. Ce sacrement confirme le premier des sacrements que l’on reçoit, le baptême. Déjà, au baptême, vous avez été faits semblables à Jésus-Christ, vous avez reçu l’Esprit Saint pour vivre comme lui, pour être, comme Jésus-Christ, tournés vers Dieu et remplis d’amour. Certains d’entre vous ont été baptisés tout récemment, dans la nuit de Pâques. D’autres, il y a des années. Plusieurs d’entre vous ont aussi communié pour la première fois il y a quelques mois seulement. D’autres vivent de l’eucharistie depuis des années, mais sans avoir été confirmés. Cela montre que l’action de Dieu s’inscrit dans le temps et qu’Il fait alliance avec nous. Dieu est patient envers nous. Il nous respecte. Quand il le faut, Il nous attend. Parfois aussi, Il nous bouscule, mais nous pouvons résister. Même si nous avions été baptisés et confirmés depuis longtemps, en chacun de nous, l’orientation fondamentale de nos vies dans l’amour de Dieu a toujours besoin de grandir, de progresser. Le sacrement de la confirmation porte en lui cette signification de notre croissance dans la foi. Accepter d’être confirmés, demander la confirmation, c’est accepter que notre foi doit grandir, qu’elle n’est pas seulement l’affaire d’une formalité, d’un instant administratif pour être en règle avec Dieu. Non. C’est beaucoup plus, c’est une alliance avec Dieu, un chemin de toute la vie.

Nous pourrions penser, et c’est une erreur, que notre baptême et notre confirmation nous engagent à être fidèles à un modèle tout fait de vie chrétienne, une posture standard, un protocole de vie chrétienne. Mais non, le Seigneur fait appel à notre soif : « si quelqu’un a soif, qu’il vienne à moi et qu’il boive » (cf. Jn 7,37).

Jésus ne s’impose pas. Il met le conditionnel : il y a d’abord un «  si  ». Jésus qui est Dieu fait homme, qui a la connaissance de toute chose, celles qui ont existé et celles qui existeront emploie le conditionnel ! Ce n’est pas rien de voir cela ! N’est-ce pas la marque du respect infini qui est le sien vis-à-vis de notre liberté ? Si tu as soif, viens ! Voilà ce qu’il te dit ! Tu as un pas à faire. Et l’Esprit Saint te sera donné car, ajoute Jésus, « comme dit l’Écriture : De son cœur couleront des fleuves d’eau vive  ». Du cœur de Jésus coulent des fleuves d’eau vive. Cette prophétie qui se retrouve dans plusieurs passages de l’Écriture (Isaïe 48,21 ; Ez 47,1 ; Za 14,8) se réalise de façon visible et symbolique sur la croix : le cœur transpercé de Jésus laissera couler du sang et de l’eau. Cette eau vive, c’est celle du baptême qui a coulé depuis sur des millions de têtes, c’est le don de l’Esprit Saint qui abreuve le cœur des hommes de mille et une manières. Car c’est toujours l’Esprit de Dieu qui pousse toute personne à aimer.

Avec le Seigneur, avec Dieu, que ce soit le Père, le Fils et le Saint-Esprit, rien ne se fait jamais sans vous, sans votre libre décision. C’est donc à vous aussi de confirmer que vous voulez être confirmés. C’est pourquoi, dans un instant, vous allez professer la foi de l’Église. Et c’est aussi pourquoi vous m’avez écrit des lettres pour me dire que, oui, c’est vous, librement, qui demandez le sacrement de confirmation.

J’aime rappeler que Dieu est presque jaloux de notre liberté. Il y tient peut-être plus que nous-mêmes ! Car il peut nous arriver d’avoir envie de ne plus être libres, de ne pas avoir de décision compliquée à prendre, de nous laisser faire par quelqu’un de confiance qui va nous faciliter la vie. Mais Dieu ne nous facilite pas la vie. Il veut que nous soyons libres et que nous allions puiser au fond de nous-mêmes notre soif d’être sauvés. Il ne nous sauve pas sans nous. Pourquoi ? Parce que sans liberté l’amour n’est pas possible. Et Dieu nous a créés pour aimer. Le péché freine notre capacité d’aimer, il la bride. Donc, il nous faut être libres pour aimer plus, pour aimer de façon plus gratuite, plus respectueuse de l’autre, plus authentique, moins égoïste.

C’est une grande responsabilité pour nous d’avoir à poser des choix ! Quand on reçoit la confirmation à l’âge adulte, on a déjà eu l’occasion de poser pas mal de choix. Vos lettres montrent que vous avez pu commencer à relire ces choix, à les évaluer, à discerner entre ce qui était déjà sous la motion de l’Esprit de Dieu et ce qui en était plus éloigné. Nous voyons alors, à quel point la vie chrétienne est difficile. Saint Paul n’hésite pas à dire que «  la création passe par les douleurs d’un enfantement qui dure encore » (Rm 8,22). Et il ajoute «  et nous aussi, nous gémissons ; nous avons commencé à recevoir l’Esprit Saint, mais nous attendons notre adoption et la rédemption de notre corps. Car nous avons été sauvés, mais c’est en espérance » (Rm 8, 23-24). L’Église, que le pape saint Paul VI avait qualifiée d’experte en humanité, connaît depuis longtemps les difficultés que les fidèles rencontrent lorsqu’ils veulent être réellement fidèles. C’est au point, d’ailleurs, que l’on aime contester ce substantif de « fidèles » pour désigner les chrétiens. On préfère le mot de « disciples » qui évoque un chemin, un apprentissage.

Le disciple marche à la suite de Jésus ce qui l’autorise à de ne pas être toujours parfait. Le disciple a soif de la parole qui sort de la bouche de son maître. « Si quelqu’un à soif, dit Jésus, qu’il vienne à moi et qu’il boive, celui qui croit en moi ! » (Jn 7,37) Ainsi, la fidélité la plus importante, c’est la fidélité à écouter la parole du Seigneur. C’est, en somme, une fidélité à la soif spirituelle qui existe dans nos cœurs, au fond de nos âmes. Le premier don que l’Esprit de Dieu sème dans le cœur des hommes, c’est la soif spirituelle. Paul parle d’un gémissement. Ce gémissement, selon une longue tradition spirituelle, est le cœur même de la prière. Prier, c’est gémir vers Dieu.

Est-ce qu’il vous arrive de gémir devant Dieu ? De ne savoir même pas quoi dire, de n’avoir aucun mot, mais d’être plongé longuement dans un doux gémissement ? Quand nous voyons combien nous sommes des êtres fragiles et peu dignes de notre vocation à la sainteté, comment ne pas gémir ? Quand nous sommes malades ou déçus de ceux en qui nous avions mis notre confiance, comment ne pas gémir devant Dieu ? Ou même simplement si nous songeons à la distance qui demeure toujours entre Dieu qui nous aime tant et notre faible capacité de l’aimer en retour, comment ne pas gémir ?

Dieu ne nous laisse pas seuls devant la terrible liberté qu’il nous a donnée ni devant le désir infini qu’il a semé en nous. Il nous donne de l’aide. Les sacrements sont l’aide la plus puissante car on les reçoit librement. C’est librement que l’on va communier chaque dimanche à la messe. C’est une nourriture qui demande de notre part un acte de foi, une décision libre de mettre notre vie en accord avec le projet de Dieu.

Chers amis, vous pouvez attendre de ce sacrement qu’il déploie votre vie chrétienne. Le livre du prophète Joël dont nous avons entendu un chapitre, nous dit de la part de Dieu que lorsqu’il répandra son Esprit sur tout être de chair, un grand élan prophétique va se manifester. C’est ce qui s’est réalisé à la Pentecôte, lorsque les Apôtres se sont mis à annoncer la bonne nouvelle du Christ et que chacun les entendait dans sa propre langue. Mais c’est aussi quelque chose d’actuel que nous devons laisser jaillir en nous et autour de nous dans l’Église.

Que l’Esprit de Dieu nous fasse partager sa joie, la joie d’un désir infini que Jésus veut combler. Qu’il nous donne aussi le courage d’en devenir les témoins.

Amen.

Mgr Laurent Camiade
Evêque de Cahors

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