Jubilés de Sœur Marie et Sœur Marcelle

Carmel de Figeac, Saint Elie, 20 juillet 2020.

Homélie de Mgr Laurent Camiade :

« Vous allez obtenir votre Salut, qui est l’aboutissement de votre foi. » (1 P. 1, 9) dit l’Apôtre saint Pierre. L’aboutissement de votre foi : la foi est un long chemin. Il demande persévérance et fidélité.
25 ans de fidélité, ce n’est déjà pas rien à notre époque.

Nous voici à réfléchir sur la fidélité dans l’engagement. Et cela nous pousse à rendre grâce pour la fidélité de Dieu, car Dieu seul peut donner la grâce de la fidélité et Il, même s’il nous étonne parfois, Il ne déçoit jamais.

On peut admirer cette fidélité mais, il est sans doute plus intéressant de regarder comment fait Dieu pour continuer d’attirer à lui durant toutes ces années.

Il ne s’agit pas de juger ceux qui connaissent des ruptures tragiques dans leur parcours de vie. A ceux-là, nous pouvons témoigner qu’en toute situation et même si cela paraît parfois compliqué, il existe cependant un chemin de fidélité à trouver, il existe toujours une forme de don de soi possible, dans la confiance envers Dieu.

A notre époque d’accélération et de ruptures on peut en venir à se demander : pourquoi s’engage-t-on ? A quoi bon ?

Je pense qu’on s’engage pour se donner. C’est un besoin essentiel de l’amour que de s’exprimer par un don de soi total. Et puisque nous sommes en devenir, le don de nous-mêmes ne peut être total sans engagement (un engagement par vœu).

Après, on ne maîtrise pas les événements, les accidents, les déceptions possibles. Le pardon est une clé pour la fidélité. Mais le pardon nécessite souvent une étape de vérité qui peut prendre beaucoup de temps.

Dans la première lecture de ce matin, nous rencontrons le prophète Élie dont c’est la fête aujourd’hui. Et nous avons vu qu’Élie est découragé. Malgré sa fidélité et son zèle pour Yahvé, il est poursuivi par la colère de Jézabel et doit fuir ; il demande la mort. Découragement total !

Mais la fidélité de Dieu lui envoie son ange qui le nourrit et le réconforte. Dans les épreuves et les découragements, le Seigneur nous envoie souvent des anges, un ou des messagers de sa miséricorde. Cela se vit souvent à travers quelqu’un (ange ou, plus souvent, être humain) qui s’approche et nous fait du bien. Un sourire, un cadeau, un coup de téléphone, une lettre gentille... sans sa communauté et le soutien de ses sœurs, comment une carmélite tiendrait ?

Elie retrouve alors la force de marcher jusqu’à l’Horeb —quarante jours de marche. La présence de Dieu va alors se manifester dans le silence : « le souffle ténu d’une brise légère ».

C’est ce souffle doux et discret que les carmélites cherchent à entendre, chaque jour, dans le silence du Carmel.

On ne voit pas Dieu mais Il se manifeste discrètement, par le souffle de son Esprit qui est perçu par des cœurs qui affinent leurs sens intérieurs.

« Vous aimez Jésus-Christ, sans l’avoir vu. » (1 P. 1, 8) dit saint Pierre. Faire oraison, deux heures entières chaque jour en silence, c’est, pour des carmélites, rester à l’écoute de Celui qu’elles aiment sans le voir : Jésus-Christ.

Chercher à entendre Dieu qui passe discrètement suffit pour motiver leur fidélité.

Il y a eu le jour des vœux et du don de soi. Et chaque jour, il y a cette recherche de Dieu dans le silence. Aimer Jésus-Christ sans l’avoir vu.

S’il n’y a pas cette écoute, ce silence, cette disponibilité du cœur et cette patience (Dieu ne se fait pas entendre tout de suite), s’il n’y a pas cette disponibilité aux purifications, il n’y a plus de fidélité.

Pour Thérèse d’Avila aussi ce chemin a été long. Même après qu’elle a goûté un peu à l’oraison d’union, elle va connaître les obstacles venant de sa sensibilité qui n’est pas encore pleinement orientée selon Dieu. Elle a comme la tentation d’abandonner l’oraison.

Il faudra qu’elle se donne de nouveau à Dieu et plus totalement, en renonçant aux discussions de parloir auxquelles elle avait plaisir à s’adonner. Renoncer à des attaches affectives et à ses habitudes agréables n’est pas facile.

Aujourd’hui plus que jamais, internet et le téléphone peuvent envahir nos vies et les rendre indisponibles, en profondeur, à Dieu. Où est la fidélité au don de soi, à notre vocation, si nous écoutons avec plus de passion le bruit de l’orage ou celui du tremblement de terre que celui, discret, du Dieu amoureux qui veut tout à Lui sa petite carmélite ?

Sans cesse il faut revenir à l’élan premier de nos engagements. Au don total de soi qui est la seule vérité de l’amour. C’est le besoin de l’amour de s’exprimer comme un don. Ici-bas en tout cas.

L’amour de Dieu s’exprime par le Don de la vie du Christ sur la croix. Il s’exprime par le don de l’Esprit Saint, ce souffle discret de notre vie quotidienne. Le murmure d’un souffle léger.

C’est chaque jour qu’il faut le guetter.

Amen.

+ Mgr Laurent Camiade, évêque du diocèse de Cahors

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