Dimanche 17 mai 2020 - 6° dimanche de Pâques

Homélie de Mgr Laurent Camiade :

L’Évangile de ce dimanche (Jn 14,15-21) est très touchant parce que l’amour de Dieu s’y révèle et que Jésus, quelques jours avant la fête de l’Ascension, nous y fait la promesse que son amour se manifestera toujours à nous.

Les chrétiens sont sans doute habitués aujourd’hui à entendre la promesse de l’Esprit Saint. Ils ont conscience que les sacrements sont célébrés dans l’Esprit Saint et sont les moyens pour accueillir la grâce de Dieu qui est l’effet en nous de l’action du Saint-Esprit. Nous essayons de vivre dans cette attitude d’accueil du Saint-Esprit, ou, du moins, nous sommes convaincus d’avoir à recevoir cela de Dieu. Si jamais nous l’avions négligé, il est toujours temps de raviver en nous ce désir et d’ouvrir nos cœurs avec confiance aux dons du Saint-Esprit.

Mais peut-être, dans notre culture marquée par la recherche de performance technique, avons-nous tendance à vouloir être habités par l’Esprit-Saint d’une manière trop technique, un peu comme notre ordinateur (qui occupe une grande place dans la vie de beaucoup d’entre nous) ne peut fonctionner sans électricité, sans recharger sa batterie régulièrement (et de plus en plus souvent quand il a plus de dix ans comme le mien !). Mais notre relation à Dieu n’est ni mécanique ni électrotechnique. C’est un lien vital.

Aussi est-il très important de garder vif en nous le souvenir de la promesse de la manifestation de l’amour du Christ. Jésus promet que son amour se manifestera à celui qui reçoit et garde ses commandements. La tendresse divine, sa bienveillance, sa compagnie amicale, sa miséricorde, ne sont pas des objets de foi abstraits mais des réalités manifestes, manifestées, palpables. Voilà une promesse importante pour notre vie chrétienne de chaque jour !

Parfois, nous sommes loin de percevoir cette proximité de Dieu, cet amour manifeste. Les soucis de nos vies accaparent notre esprit et notre affectivité. Nous sommes avec le Christ comme de ces époux vivant côte à côte par habitude mais qui ne se parlent plus. Ils ont construit la plus grande partie de leur quotidien pratiquement l’un sans l’autre. Il faut une épreuve, peut-être un temps de confinement ou bien une crise grave pour qu’ils se retrouvent. Cela ne va pas sans des renoncements ni des heurts, des ajustements.

Ainsi en est-il de l’expérience chrétienne. Recevoir à nouveau et garder les commandements de Jésus demande des remises en question et des efforts. L’Esprit Saint agit pour nous y aider. Mais cela n’a de sens que si nous sommes motivés par la promesse de cette amitié réelle, palpable, avec le Seigneur. Cette amitié qu’il nous a promise.

Pour certains et à certains moments, cette amitié sensible de Jésus peut se manifester sans cause extérieure, comme un sentiment de présence, de bénédiction et de douceur, comme une plénitude intérieure.

Mais le plus souvent, cela passe par des médiations.

D’abord la médiation des sacrements qui sont des gestes objectifs de la bienveillance de Jésus, de son attention à nos besoins de consolation, de purification, de nourriture spirituelle, de soutien pour vivre la fidélité. Ils sont fait pour rythmer notre vie de sorte que nous n’oubliions jamais de nous laisser aimer par le Christ.

Ensuite, dans les événements de nos vies, il y a des moments d’épreuve où nous pouvons nous demander si le Seigneur nous veut vraiment du bien. Mais l’expérience est que, même dans les pires épreuves, il y a toujours des petits signes de la présence du Seigneur à nos côtés. Cela peut être, par exemples, un encouragement donné par un proche, le soutien compréhensif d’un soignant, un sourire, un signe de reconnaissance pour une belle chose que nous avons faite, l’écho chez un frère du témoignage de foi que nous avons pu donner. Il y a tant de belles choses, même au cœur des tribulations. Ces belles choses nous rappellent que Jésus-Christ nous aime réellement, qu’il tient sa promesse : « celui qui m’aime sera aimé de mon Père ; moi aussi, je l’aimerai, et je me manifesterai à lui ».

Dans ce passage de l’Évangile Jésus multiplie les mots de tendresse et de bienveillance : «  Il [le Défenseur] sera toujours avec vous » ; « Il demeure auprès de vous  » ; « je ne nous laisserai pas orphelins » ; « je reviens vers vous » ; « vous me verrez vivant ».

Le temps liturgique entre Pâques et l’Ascension rappelle ces 40 jours de manifestation du Christ vivant qui s’offre à voir corporellement aux disciples dans leur maison, dans leur vie, dans leur travail de pêcheurs sur le lac. Il se laisser toucher. Il partage avec eux le repas. Il réconforte et enseigne les disciples désespérés sur le chemin d’Emmaüs.

Jésus ressuscité n’est pas monté directement au ciel. Il a choisi, parmi ceux qui l’aimaient, en premier Marie-Madeleine, puis Pierre et Jean, les Apôtres et quelques centaines de frères, des témoins. Il a pris soin de montrer qu’il va tenir sa promesse d’être toujours auprès de ceux qui l’aiment et sa promesse de manifester son amour, de nous le rendre chaque jour palpable. C’est à nous d’ouvrir nos cœurs à cette réalité de la présence du Seigneur ressuscité. C’est à nous de recevoir et de garder ses commandements comme notre trésor précieux, la boussole de nos vies.

Garder les commandements est la manière qui nous est offerte de manifester à Jésus notre amour pour lui. En effet, les commandements de Jésus sont fondés sur l’amour, non seulement parce que le premier commandement est d’aimer, mais parce qu’en respectant les commandements du Christ, en mettant en pratique ses paroles, on lui donne des preuves d’amour.

Et lui, de même, donne à ceux qui l’aiment des preuves d’amour que sont le sentiment intérieur de sa présence, les sacrements et tous les signes heureux qui illuminent nos vies.

Ce que Jésus attend de nous, c’est une vraie amitié, une vie en sa présence.

Et c’est cela notre joie. Amen. Alleluia !

Monseigneur Laurent Camiade,
évêque de Cahors


Évangile (Jn 14, 15-21) :

En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples : « Si vous m’aimez, vous garderez mes commandements. Moi, je prierai le Père, et il vous donnera un autre Défenseur qui sera pour toujours avec vous : l’Esprit de vérité, lui que le monde ne peut recevoir, car il ne le voit pas et ne le connaît pas ; vous, vous le connaissez, car il demeure auprès de vous, et il sera en vous. Je ne vous laisserai pas orphelins, je reviens vers vous. D’ici peu de temps, le monde ne me verra plus, mais vous, vous me verrez vivant, et vous vivrez aussi. En ce jour-là, vous reconnaîtrez que je suis en mon Père, que vous êtes en moi, et moi en vous. Celui qui reçoit mes commandements et les garde, c’est celui-là qui m’aime ; et celui qui m’aime sera aimé de mon Père ; moi aussi, je l’aimerai, et je me manifesterai à lui. »

– Acclamons la Parole de Dieu.

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