« Je vous appelle : mes amis... »

 A l’occasion de la journée mondiale de prière pour la sanctification des prêtres (23 juin, solennité du Sacré Coeur), le Cardinale Dario Castrillon Hoyos, préfet de la
congrégation pour le clergé, propose la relecture et la méditation de l’homélie prononcée par le pape Benoît XVI au cours de la messe chrismale, le 13 avril dernier. Nous en publions un extrait. Vous trouverez l’intégralité de ce texte dans le n° 2358 de la Documentation Catholique ou
sur le site du Vatican (http://www.vatican.va/holy_father/benedict_xvi/homilies/2006/documents/hf_ben-xvi_hom_20060413_messa-crismale_fr.html).

(...) Le Seigneur a placé sa main sur nous. Il a exprimé la
signification de ce geste dans les paroles : « Je ne vous
appelle plus serviteurs, car le serviteur ne sait pas ce que fait son maître ; mais je vous appelle amis, parce que tout ce que j’ai entendu de mon Père, je vous l’ai fait connaître » (Jn 15, 15). Je ne vous appelle plus serviteurs, mais amis : dans ces paroles, on pourrait même voir l’institution du sacerdoce. Le Seigneur fait de nous ses amis : il nous confie tout ; il nous confie sa personne, afin que nous puissions parler en son nom - in persona Christi capitis.
Quelle confiance ! Il s’est véritablement remis entre nos
mains. Les signes essentiels de l’Ordination sacerdotale
sont au fond tous des manifestations de cette parole :
l’imposition des mains ; la remise du livre - de sa parole
qu’il nous confie ; la remise de la coupe à travers laquelle
il nous transmet son mystère le plus profond et personnel.
Le pouvoir d’absolution fait également partie de tout cela.
Il nous fait participer également à sa conscience en ce
qui concerne la misère du péché et toute l’obscurité du
monde, et dépose la clé entre nos mains pour rouvrir la
porte vers la maison du Père. Je ne vous appelle plus
serviteurs, mais amis. Telle est la signification profonde de
la condition de prêtre : devenir ami de Jésus Christ. Pour
cette amitié, nous devons nous engager chaque jour à
nouveau. Nous devons nous exercer à cette communion
de pensée avec Jésus, nous dit saint Paul dans l’Epître
aux Philippiens (cf. 2, 2-5). Et cette communion de pensée
n’est pas une chose uniquement intellectuelle, mais c’est
une communion des sentiments et de la volonté, et donc
également de l’action. Cela signifie que nous devons
connaître Jésus de façon toujours plus personnelle, en
l’écoutant, en vivant avec Lui, en nous arrêtant auprès
de Lui. L’écouter, - dans la lectio divina, c’est-à-dire en
lisant l’Ecriture Sainte de façon non académique, mais
spirituelle ; ainsi, nous apprenons à rencontrer Jésus
présent qui nous parle. Nous devons raisonner et
réfléchir sur ses paroles et sur son action devant Lui et
avec Lui. La lecture de l’Ecriture Sainte est prière, elle
doit être prière, - elle doit naître de la prière et conduire à
la prière. Les évangélistes nous disent que le Seigneur, à
plusieurs reprises - des nuits entières -, se retirait « sur la
montagne » pour prier seul. Nous aussi nous avons besoin
de cette « montagne » : c’est le sommet intérieur que nous
devons gravir, la montagne de la prière. Ce n’est qu’ainsi
que se développe l’amitié. Ce n’est qu’ainsi que nous
pouvons apporter le Christ et son Evangile aux hommes.
Le simple activisme peut aller jusqu’à l’héroïsme. Mais
l’action extérieure, en fin de compte, reste sans fruits et
perd de son efficacité si elle ne naît pas de la communion
intime avec le Christ. Le temps que nous passons pour
cela est véritablement un temps d’activité pastorale,
d’une activité authentiquement pastorale. Le prêtre doit
être surtout un homme de prière. Le monde, dans son
activité frénétique, perd souvent le sens de l’orientation.
S’il manque la force de la prière, dont jaillissent les eaux
de la vie capables de rendre féconde la terre aride, son
action et ses capacités deviennent destructrices.
Je ne vous appelle plus serviteurs, mais amis. Le
coeur du sacerdoce est d’être amis de Jésus Christ. Ce
n’est qu’ainsi que nous pouvons véritablement parler in
persona Christi, même si notre éloignement intérieur du
Christ ne peut compromettre la validité du Sacrement.
Etre ami de Jésus, être prêtre signifie être un homme de
prière. Ainsi, nous le reconnaissons et nous sortons de
l’ignorance des simples serviteurs. Ainsi, nous apprenons
à vivre, à souffrir et agir avec Lui et pour Lui. L’amitié avec
Jésus est, par antonomase, toujours une amitié avec les
siens. Nous ne pouvons être amis de Jésus que dans la
communion avec le Christ tout entier, avec la tête et le
corps ; dans la vigne abondante de l’Eglise animée par
son Seigneur. Ce n’est qu’en elle que l’Ecriture Sainte est,
grâce au Seigneur, une Parole vivante et actuelle. Sans
le sujet vivant de l’Eglise qui embrasse tous les âges,
la Bible se fragmente en passages souvent hétérogènes
et devient ainsi un livre du passé. Celle-ci est éloquente
dans le présent uniquement là où il y a la « Présence » - là
où le Christ reste toujours notre contemporain : dans le
corps de son Eglise.
Etre prêtre signifie devenir l’ami de Jésus Christ, et
cela toujours plus avec toute notre existence. Le monde
a besoin de Dieu - non pas d’un dieu quelconque, mais
du Dieu de Jésus Christ, du Dieu qui s’est fait chair et
sang, qui nous a aimés jusqu’à mourir pour nous, qui est
ressuscité et qui a créé en lui un espace pour l’homme. Ce
Dieu doit vivre en nous et nous en Lui. Tel est notre appel
sacerdotal : ce n’est qu’ainsi que notre action, en tant
que prêtres, peut porter des fruits. Je voudrais conclure
cette homélie par une phrase d’Andrea Santoro, le prêtre
du diocèse de Rome qui a été assassiné à Trébizonde
tandis qu’il priait ; le Cardinal Cé nous l’a communiqué
au cours des Exercices spirituels. Cette phrase dit : « Je
suis ici pour habiter parmi ce peuple et permettre à Jésus
de le faire en lui prêtant ma chair... Ce n’est qu’en offrant
sa chair que l’on devient capable de salut. Le mal du
monde doit être porté et la douleur doit être partagée
en l’absorbant jusqu’au bout dans sa chair comme l’a
fait Jésus ». Jésus a revêtu notre chair. Donnons-lui la
nôtre, de cette façon Il peut venir dans le monde et le
transformer. Amen !

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