Conférence des évêques de France
Observatoire des nouvelles croyances
– Eléments d’histoire :
Les racines les plus anciennes du développement personnel proviennent d’une tradition protestante américaine, initiée au 18e siècle par Benjamin Franklin dans des livres de recettes pour réussir dans la vie et dans les affaires. Il sera suivi dans cette voie par Dale Carnegie, dont les livres sur la formation des vendeurs et des managers commerciaux furent vendus à 40 millions d’exemplaires. D’autres sources sont utilisées aujourd’hui telles que Les Quatre accords toltèques ou le stoïcisme.
En Europe, les origines historiques du développement personnel remontent à la fin du 19e siècle, dans les mouvements de jeunesse allemands Wandervogel (« oiseau migrateur » ou « esprit libre ») prônant la liberté et le plaisir immédiat. En France, les mouvements hygiénistes du début du 20e siècle trouvent dans le développement personnel naissant, une forme de réponse aux besoins fondamentaux suscités par les disettes, guerres et épidémies.
Les travaux de recherche en sciences humaines vont ensuite investir les champs de la psychologie et de la psychanalyse. Emile Coué et sa méthode d’autosuggestion en sont un exemple connu. À sa suite, dès 1921, les travaux de Fred Adler et de Carl Gustav Jung sur la psychologie individuelle vont alimenter l’esprit du développement personnel à une époque où ce terme n’existe pas encore.
Dans les années 1950, en Californie, un courant de pensée et de recherche se développe à Palo Alto, fondé sur l’analyse de problèmes relationnels dans le but d’apaiser des interactions difficiles. À l’origine des thérapies familiales, brèves et systémiques… l’école de Palo Alto cherche à résoudre des problématiques concrètes en s’intéressant aux processus. Citons également Eric Berne, psychiatre américain fondateur dans les années 60 de l’Analyse transactionnelle, dont les outils sont mondialement connus dans les milieux psychothérapeutiques et psychiatriques.
L’apparition de ces psychologies dites « humanistes », au début du 20e siècle, signera l’expansion des techniques de développement personnel avec entre autres, Carl Rogers qui a principalement œuvré dans les champs de la psychologie clinique, de la psychothérapie et de la relation d’aide ; mais aussi Abraham Maslow dont la théorie sur les besoins humains est devenue célèbre par sa représentation pyramidale.
Aujourd’hui la notion de « développement personnel » recouvre de multiples domaines, selon qu’elle est utilisée par des promoteurs de philosophies New Age, des formateurs en management ou en vente, des coachs, des éducateurs ou des thérapeutes.
– Description :
Le développement personnel est un ensemble de pratiques, appartenant à divers courants de pensées, qui ont pour objectif l’amélioration de la connaissance de soi, la valorisation des talents et potentiels, l’amélioration de la qualité de vie, la réalisation de ses aspirations et de ses rêves. Les pratiques des acteurs du développement personnel moderne s’appuient sur la psychologie, la sociologie, la philosophie, la diététique et l’activité sportive ; d’autres y rattachent des notions spirituelles ou ésotériques. Étant donnée la diversité des approches, il est compliqué d’établir une typologie précise. Néanmoins, une liste peut regrouper les grands courants selon :
- Les approches par typologies de personnalité : Myers Briggs Type Indicator (MBTI), Process Communication Model, Herrmann Brain Dominance Instrument (HBDI), ennéagramme, Success Insights…
- Les approches hors typologies de personnalité : la Programmation neuro-linguistique (PNL), l’Intelligence émotiononelle de Goleman, l’Élément humain de Schutz, les Constellations familiales, les approches systémiques…
- Les approches à orientation thérapeutique : l’analyse transactionnelle (AT), la Process Therapy Model, l’Hypnose ériksonnienne ou humaniste, le modèle des schémas, les thérapies comportementales et cognitives (TCC)…
- Les approches axées sur la détente et la relaxation : la sophrologie, la pensée positive, la méditation en pleine conscience, le yoga, le qi-gong, le tai chi chuan, la cohérence cardiaque…
Grâce à ces techniques, différents objectifs peuvent être visés : gestion du temps, connaissance de soi, communication
interpersonnelle, entreprenariat, éducation, leadership, motivations, marketing personnel, productivité, maîtrise mentale, équilibre de vie, bonheur, relations humaines harmonieuses…
En quelques décennies, une grande partie de ces approches s’est démocratisée et démultipliée au sein des entreprises, en particulier dans le domaine du management. Y sont régulièrement proposées des formations basées sur de la Process Com, du MBTI, de la PNL, de l’intelligence émotionnelle, de l’Élément humain, de la méditation…
– Points de rencontre avec la Foi Chrétienne :
Les techniques de développement personnel peuvent aider à la prise de conscience de soi, de ses richesses et de ses limites. Elles peuvent également contribuer au désir de développer ses talents, d’accéder à une vie meilleure et d’améliorer les relations avec son environnement familial, amical, professionnel.
Une meilleure compréhension de son propre fonctionnement aide à poser un regard plus ouvert et bienveillant, à l’image de Jésus : « Jésus posa son regard sur lui et l’aima » (Mc 10, 21).
– Points d’attention :
La vie intérieure chez les chrétiens est un lieu d’altérité et de rencontre avec le Christ. Dans la plupart des approches de développement personnel, la vie intérieure est le lieu où se (re)trouver soi-même. Par l’usage qu’ils peuvent faire des techniques de reconnexion à soi et à son intériorité, les chrétiens doivent se rappeler que tout développement de la vie intérieure a comme finalité la rencontre intime avec le Christ.
Le développement personnel ne saurait remplacer ni l’accompagnement spirituel, ni la thérapie. Là il est important de distinguer la limite entre le coach, le thérapeute, le formateur, l’accompagnateur spirituel et le gourou. Qu’est-ce qui est de l’ordre du psychologique ? Qu’est-ce
qui relève du spirituel ?
Il convient d’être vigilant sur les compétences des personnes qui accompagnent, leurs formations, leurs diplômes, leurs aptitudes, leurs lieux de relecture, de supervision et la posture qu’elles prennent.
– Mise en garde :
Les frontières entre les techniques de développement personnel, les thérapies et les médecines parallèles sont poreuses. De fait, la notion de développement personnel peut être utilisée pour légitimer des méthodes très variées, dont certaines relèvent du charlatanisme ou des pseudosciences, et peuvent tendre vers l’escroquerie, la manipulation mentale, jusqu’aux dérives sectaires.
Dans les cas les plus extrêmes, ces approches peuvent conduire :
- à la soumission à des exercices ou à des idées qui entravent la liberté de conscience, et au risque de manipulation mentale ou physique ;
- à des promesses fictives ou liées au porte-monnaie ;
- à l’intériorisation des injonctions de réussite personnelle conduisant à la culpabilité et à une forme d’autoesclavage ;
- à renoncer à des soins médicaux ;
- à croire que l’on peut se sauver, corporellement et spirituellement, seul par ses propres moyens (pélagianisme).
– Questions pastorales et discernement :
La foi en Dieu peut être compatible avec les techniques de développement personnel lorsqu’elles ouvrent :
- à la conscience de son unité corpsâme- esprit ;
- à la relation libre et gratuite à l’égard de soi, des autres et de Dieu ;
- à l’agir en vue du bien de tous, sans désir d’aliénation ou d’emprise.
Elle libère les chrétiens de l’idolâtrie de la connaissance et de la volonté propre, parce que Dieu seul sauve (cf. pape François, Gaudete et exsultate, n° 48).
Le salut chrétien passe par le développement de tout l’être : « Je suis venu pour que les hommes aient la vie et qu’ils l’aient en abondance » (Jean 10, 10 ; cf. Vatican II, Lumen gentium n° 6). Mais il ne faut pas confondre le « renaître à soi » prôné par les techniques de développement personnel, avec l’invitation de Jésus à Nicodème de « naître d’en haut » (Jean 3, 3.7).
L’Observatoire des nouvelles croyances
présidé par Mgr Vincent Dollmann, archevêque de Cambrai.
7 juin 2024