Clin d’œil à Jean-Gabriel Perboyre

Comme vous le savez, la paroisse possède désormais ses bureaux à la Maison Perboyre, rue Joachim Murat.
Aussi, avais-je à cœur de redécouvrir avec vous le parcours de Père Perboyre.

Bonne lecture !
Père Luc Denjean

Jean-Gabriel Perboyre
Le calvaire de l’Église chinoise
Extrait du Livre des Merveilles, éditions Mame/Plon

- Les voilà, mon Dieu !
- Ils nous ont vus… Ils arrivent !
- Vite, vite, grimpez aux arbres ! Dissimulez-vous dans les buissons !
Hommes et femmes, pris de panique, cherchent une cachette : déjà, la troupe de l’empereur s’est détournée de la mission de la mission de Tcha-Yuen-Keou qu’elle a fini de saccager. Des hommes en armes s’approchent maintenant du bois où les chrétiens chinois ont pensé trouver un abri.
- Père, j’ai peur… On dit qu’il sont terribles avec nous.
- Aie confiance, Tchang. Confiance.

Le jeune garçon implore des yeux l’homme menu, malingre, qui seul semble conserver un peu de sérénité. Jean-Gabriel Perboyre l’attire contre lui, comme pour faire de son corps une protection. Faible rempart, en vérité, songe le prêtre : n’est-ce pas son apparence physique maladive qui a failli l’empêcher de gagner la Chine ? N’est-ce pas ce prétexte qu’usaient ses supérieurs lazaristes pour l’empêcher de venir ici trouver ce qu’il cherchait : la mission, le service des pauvres, et maintenant, il en est sûr, le martyre ?
- Où allons-nous nous cacher, père ?
L’enfant le ramène à la vérité du moment.
- Ne crois-tu pas qu’il est trop tard ?
- Père, je ne résisterai pas sous leurs chevalets. Je ne veux pas renier Jésus.

Le martyre. En ce mois de septembre 1839, le lazariste se sent-il prêt, lui ?
Lorsqu’il a abordé à Macao, voici quatre ans, il marchait sur les traces de son frère Louis, mort en mer en gagnant la Chine ; sur celles de son confrère François-Régis Clet, tué en 1820, et dont les reliques avaient été ramenées à Paris. L’avis d’un médecin, contre toute attente, avait fait fléchir ses supérieurs qui voulaient faire de lui un professeur de séminaire, à Saint-Flour, ou rue de Sèvres à Paris. Il avait pu quitter la direction des novices de la congrégation. Sa prière avait été exaucée :
« Priez, Dieu, répétait-il, que ma santé se fortifie et que je puisse aller en Chine afin d’y prêcher Jésus-Christ et de mourir pour lui »

Les hommes arrivent.
- Tchang, cache-toi sous ce buisson. Voilà. Rentre tes jambes, on les aperçoit encore.
La troupe saisit Jean-Gabriel Perboyre. Et vingt chrétiens avec lui. Tchang a échappé à leur chasse, caché sous son épineux. Au moment de l’arrestation, il a entendu le prêtre, qui l’a dissimulé, affirmer sans chercher de faux-fuyants « Je suis prêtre, je ne renoncerai jamais à ma foi ». Maintenant, le silence retombe sur le bois. Tchang sort du buisson. Comme lui, deux ou trois autres ont pu échapper à la bande de soldats.

La traque va continuer, il le sait. Elle a commencé quelques semaines plus tôt, lorsqu’après une période de tolérance, la persécution a ressurgi, et avec elle les incendies, les pillages d’églises, les arrestations. Voilà plus d’un siècle que se succèdent ainsi rémissions et éruptions de violence… Pourtant l’Eglise avait d’abord connu, deux siècles plus tôt, une expansion foudroyante et pacifique, sous l’impulsion des jésuites que les Portugais avaient emmenés dans leurs malles. Matteo Ricci, un italien, premier missionnaire à pénétrer en Chine (1583), avait séduit les mandarins et même l’empereur, par ses connaissances mathématiques et astronomiques. Dans sa foulée, les jésuites avaient adopté la langue chinoise, cherché des points de rencontre avec l’admirable civilisation locale, afin de présenter une théologie que l’on dira bien plus tard « inculturée ». Ricci avait adapté la liturgie aux coutumes chinoises, et le succès avait été tel que les convertis avaient afflué par centaines et qu’en 1615 le pape Paul V avait autorisé la messe en chinois.

Mais les méthodes jésuites présentaient, dès le départ quelques ambiguïtés… La manière de Ricci fut attaquée, et d’abord, sa terminologie : avait-il trouvé le terme chinois convenable pour nommer Dieu ? Les jésuites qui lui succédèrent dans l’emprise du Milieu se scandalisèrent des aménagements que Ricci avait instaurés : adoption du costume et d’un nom chinois, discrétion dans l’exposition du crucifix en public, tolérance des taux d’emprunt usuraires, célébration des fêtes du calendrier traditionnel chinois… Ces dissensions internes inaugurèrent les difficultés. Si les jésuites, à l’instar du père Schall von Bell, conseiller impérial, gérèrent habilement l’arrivée au pouvoir de la dynastie mandchoue, qui succédait à celle des Ming, le contexte occidental leur devint en revanche défavorable. Le Portugal n’était plus seul à faire de la Chine une terre d’intérêts – et incidemment de missions. Les concurrents espagnols et français allaient jouer contre les jésuites « portugais », exploitant sans mal, tant elles étaient vives, les rivalités entre les ordres missionnaires : augustins, dominicains, franciscains, tous ligués en cette occasion contre la Compagnie de Jésus.(…)

A suivre le dimanche 16 août dans la prochaine feuille paroissiale de la paroisse St Etienne et sur le site du diocèse de Cahors.

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