Du Brésil, la Lettre du père Jacques

Chers parents et amis,

Le temps de Noël et le nouvel an qui vient, me conduisent á votre rencontre pour vous dire mes voeux de Paix et de Joie, et renouveler cette communion qui passe le temps et les distances.
Nous allons célébrer Noël. Nos têtes et nos coeurs s´habillent d´espérance pour donner force et courage aux situations difficiles que nous vivons. Chacun de nous, famille et société, cherchons à tenir le flot pour arriver à bon port ! Je continue à accompagner les joies et les peines de chacun de vous, même si le temps et la distance imposent des délais de route. Cette route, je la continue à Roraima, sous le soleil qui flamboie et la route que poudroie ! Pas de grands changements dans mes activités au service des communautés rurales, pastorale de la terre, visites à la prison et tout ce que la vie amène chaque jour de demandes imprévues, engagements, etc. Vous savez que le Brésil a passé par des élections importantes en octobre dernier (Présidence de la République, Députés, Sénateurs, Chefs des différents Etats...) . Dilma Roussef a réussi à se maintenir à la Présidence de la République avec un faible écart de voix. malgré de réels progrès sociaux et des avancées remarquables, le Brésil reste un géant au pied d´argile : corruption politique, abus scandaleux dans l´exercice du pouvoir politique et économique, problèmes endémiques dans le domaine de l´éducation et de la santé, tensions croissantes et conflits avec la populations indigènes dans la démarcation de leur territoires et respect de leurs cultures, drogue, violences, etc. Les grands problèmes s´accumulent. Il n´y a pas de réponse facile et le peuple est trop souvent trompé et tenu dans l´illusion. Notre Etat de Roraima doit être au tableau du “dés-honneur” en matière de scandales politiques, abus de pouvoir et tromperies !
L´essentiel de mon temps se passe avec les gens de la terre. Le problème de la terre constitue un des grands problèmes du Brésil qui atteint aussi notre Etat de Roraima et la grande région d´Amazonie. Les peuples qui y vivent sont directement concernés et menacés par l´ avancée des grandes entreprises de culture de soja et production minière. Les paysans liés à l´agriculture familiale ont du mal à vivre et survivre, devant l´avancée des géants des entreprises agricoles. Cette vieille histoire du pot de terre contre le pot de fer ! Avec les gens de la terre, les populations indigènes qui occupent la moitié du territoire de notre Etat, sont les plus fragiles et les plus menacées. Un problème qui vient de loin et n´a jamais éte bien réglé. La récente constitution votée en 1988, avait aborde la question de la terre et des peuples qui en vivent. Décision avait été prise pour que es peuples indiens de Roraima, et d’ailleurs, soient reconnus et respectés dans leurs organisations sociales, leurs coutumes, leurs langues, croyances et traditions, droits de propriété sur leurs terres d´origine qu’ils occupent. Exigence était faite à l´Etat de démarquer ces terres d´origine, de protéger et ´de faire respecter tout ce qui appartient à ces peuples. Et voilà qu’aujourd´hui, tout ce qui avait acquis par le droit constitutionnel se trouve menacé sous la poussée d´une politique générale orientée vers l´expansion, la croissance économique et l´exportation. Mes activités me rendent plus proches des petits paysans, eux aussi confrontés au problème de la terre. Ils sont venus d´ailleurs avec leur famille, parce que on leur a dit que, à Roraima, il y avait terre et chance de vie pour aujourd´hui et pour demain. Ils ont la terre, mais une terre difficile et ingrate.

Devant les difficultés, beaucoup vont chercher le bonheur ailleurs, dans les villes les plus proches, (Boa Vista) ou plus loin, à Manaus (800 km). Finalement, pour toutes ces raisons, nos terres sont prise dans la mire des grandes entreprises agricoles, plus soucieuses de profits économiques que de service social. Devant l´ampleur et la permanence des problèmes liés à la terre, la Conférence des Evêques du Brésil a publié, en avril dernier, um document important qui rappelle que la terre d´abord a une fonction sociale, et n´est pas seulement instrument de profit et de convoitise pour les puissants de ce monde.
Notre Eglise diocésaine vit au coeur de ces problèmes et de ces tensions, disciple de Jesus venu mettre pied sur cette terre pour “chercher et sauver ceux qui étaient perdus”. Sur cette route, nous rencontrons beaucoup de gens de “bonne volonté”. Avec nous, un certain nombre croient et agissent parce qu’un “autre monde est possible”. Avec eux, on se rencontre, on cherche, on partage la parole et le pain, on avance... Les relations sont plus difficiles avec les églises dites “évangéliques”, porteuses d´un salut facile, souvent bricolé par des intérêts personnels inavoués, pour oublier le poids du quotidien. Ces dernières années, ces églises se multiplient et disputent espace et influence à l´Eglise Catholique qui continue pourtant à être référencée par sa capacité à penser et agir.
Comme partout ailleurs, dans les sociétés urbaines, massifiées, ou dans les sociétés rurales dispersées et déracinées, beaucoup cherchent leur route ou attendent un signe ou miracle du ciel Nos communautés chrétiennes apprennent à se situer dans ces sociétés nouvelles. L´enfant de Belem nous a indique la route de la Vérité et de la Vie : chercher le “Très haut” á partir du “très bas” ! Le prochain Carême 2015 va justement nous conduire notre Eglise du Brésil sur ce terrain d´incarnation : “Fraternité : Eglise et Société”. Au milieu de ce pèle–mêle ecclésial , dans le voisinage immédiat de tant d´églises évangéliques, c´est par là que nos Communautés sont appelés à faire la différence : une église qui « sert le peuple », et non une église qui « se sert du peuple ».
Je viens de recevoir un beau message de dom Pedro Casaldaliga, évêque bien connu au Brésil, admiré pour sa fidélité et son courage évangélique, redouté aussi pour ses exigences prophétiques. Aujourd’hui fragilisé par l´âge et la maladie, il est toujours présent à son diocèse de São Felix do Araguaia et a gardé ses dons de poète. C´est de là qu’il nous envoie son message de Noël que je vous partage :

“Monte vers le Haut pour naitre avec moi, dit Neruda, le poète...
Descends vers le bas pour naitre avec moi, dit le Dieu e Jesus !
Il faut naître nouveau, frère Nicodème, et il faut naître em montant du bas !
D´espérance en espérance .de crèche en crèche. Noël est encore là.
Désorienté par le vent du désert dont nous ne savons ni d´oú il vient, ni où il va.
Pris par la chair et ses désirs, empêchés de vivre dignement,
Seulement cet Enfant peut nous sauver,
D´espérance en espérance, de crèche en crèche de Noël en Noël,
Toujours de nuit ... en naissant de nouveau, Nicodème.
A partir des périphéries de nos vies, avec la foi de Marie,
Les silences de Joseph et tout le mystère de cet enfant.
Noël est là ! Avec les pauvres de la terre, nous confessons qu’il nous a aimés jusqu’à l’extrême,
En nous donnant son propre Fils, Dieu qui se fait petit dans un total abaissement.
Noël, c´est Lui ! Noël, c´est un temps nouveau ! Voici son message : tout est grâce.
Tout est passage, Pâques. Tout est Règne de Dieu !

Dom Pedro Casaldaliga

C’est de ce “très bas” où je vis, au diocèse de Roraima, que vous transmets mes voeux de Paix et de Joie pour Noël et la nouvelle année. Merci pour vos nouvelles, votre soutien, votre aide et fidèle amitié. On se retrouvera peut-être au printemps prochain !
J’habite toujours Boa Vista, la Maison appelée “Prelazia”, avec notre évêque dom Roque et de mon jeune collègue prêtre brésilien Paulo. Si vous souhaitez vivre une expérience d´immersion, et connaitre la chaleur brésilienne, notre maison et notre coeur vous sont ouverts ! Je m´associe en ce moment à l´action de Grâces du Diocèse de Cahors qui accompagne Mgr Turini vers son nouveau diocèse de Perpignan.
Mon amitié et ma prière vous accompagnent.

Pe. Jacques Hahusseau

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