La loi de bioéthique : "tous vraiment concernés"

22 février 2021

Marie Françoise Mas :

"La loi de bioéthique conduit à un bouleversement anthropologique majeur. Elle suscite polémique, accords et profonds désaccords, questionne notre liberté et notre fraternité envers les plus vulnérables. L’éthique n’empêche pas la science, elle doit s’affranchir des lobbies, des marchés florissants, repousser la fascination de la technique et les séductions de la recherche. Cette proposition de loi, très complexe, quasi inaccessible dans ses 1066 pages, a été débattue au Parlement dans l’urgence, sans vrai dialogue, souvent de façon politicienne, alors qu’elle engage notre Humanité et notre responsabilité vis-à-vis des générations futures.

Début février, le Sénat a supprimé ou modifié certains articles, et ce à titre consultatif puisque l’Assemblée a le dernier mot.

 L’article 1 concerne l’AMP :

- dans la loi de 1994, la PMA (Procréation Médicalement Assistée) c’est la Procréation qui est l’objet de la législation pour les couples hétérosexuels infertiles,
- dans le projet de loi actuel, l’AMP (Assistance Médicale à la Procréation), c’est l’assistance médicale, dans ses dimensions psychosociales et juridiques (droit de la filiation), qui est l’objet de la législation. Elle ouvre « l’accès de la procréation aux femmes célibataires ou en couple homosexuel ». Cet accès se fait hors indication médicale, remboursé par la Sécurité Sociale. Il permet à la femme de transformer son désir d’enfant en un droit, de se libérer de sa « stérilité sociale » et de recourir à un donneur.

Le Sénat a supprimé cet article car :
- l’AMP place la mère qui devra assumer seule l’éducation de son enfant « dans une plus grande vulnérabilité » bien que cette monoparentalité soit « choisie et non subie »
- l’AMP remet en cause l’objet même de la Sécurité Sociale : la dimension thérapeutique de la Médecine est remplacée par la demande sociétale. Pour beaucoup de médecins elle « change la raison d’être de notre métier ».
- L’AMP prive délibérément l’enfant d’avoir un père. La loi qui prétend que l’enfant n’a pas besoin de père est un message adressé à tous les enfants et destitue le père dans leur psychisme. Cette privation est contraire à la Convention des Droits de l’Enfant : « tout enfant dans la mesure du possible a le droit de connaître ses parents et d’être élevé par eux ». Elle induit une inégalité et une discrimination entre les enfants avec père ou sans père. Le père est plus qu’une une figure d’attachement. Sa privation, à la fois symbolique et réelle, crée « une atteinte à la filiation » (Sylviane AGACINSKI). L’enfant est amputé de son ascendance paternelle, voire de sa double ascendance dans le cas d’un double don de gamètes.

 L’article 2 concernant l’autoconservation des ovocytes, sans raison médicale, pour procréer plus tard par PMA est aussi rejeté par le Sénat.

 L’article 2 bis prévoit un plan de lutte contre l’infertilité : prévention, recherche des causes dans le but de déboucher sur une meilleure prise en charge qui ne peut être que bénéfique.

 L’article 3 aborde le problème de l’accès aux origines : au moment du don de gamètes, le donneur doit consentir « à lever son identité à la majorité de l’enfant si celui-ci en fait la demande ». Les sénateurs soumettent cette disposition à la bonne volonté du donneur, sans se préoccuper du traumatisme psychoaffectif de l’enfant provoqué par un éventuel refus.

 L’article 4 établit les règles de la filiation dans les couples de femmes : par reconnaissance anticipée, un enfant peut avoir deux mères : une mère qui porte l’enfant et accouche, et une mère d’intention. La création d’une filiation par « déclaration anticipée de volonté devant notaire » a pour but d’annuler la réalité biologique fondatrice de notre humanité, et d’effacer le lien charnel au profit de la volonté. Dès lors se profile l’inscription à l’Etat Civil d’un enfant né par GPA. Pour les sénateurs, l’établissement de deux filiations maternelles est impossible : la femme qui n’a pas accouché pourra adopter l’enfant de sa conjointe.

 Dans l’article 4 bis : le Sénat supprime la retranscription automatique à l’Etat Civil français des enfants nés de GPA à l’étranger mais autorise la transcription des jugements d’adoption.

 Article 20 : Interruption Médicale de Grossesse. Dès le passage en commission, le Sénat a retiré le critère de détresse psychosociale permettant le recours à une IMG jusqu’au terme de la grossesse, pratique qualifiée par certains sénateurs d’infanticide.

IVG : La proposition de loi Gaillot (3292), rejetée par le Sénat, envisage d’étendre le délai légal de l’IVG de 12 à 14 semaines. Rapidement l’Académie de Médecine ainsi que le Collège National de Gynécologie-obstétrique se sont opposés avec vigueur et sévérité à cette proposition qui demande également, pour les médecins, la suppression de la clause de conscience spécifique à l’IVG.

 De nombreuses propositions, qui touchent au fondement de notre Humanité, mériteraient une analyse très vigilante et approfondie mais trop longue pour être abordée ici :

- la recherche sur l’embryon,
- les embryons chimériques, par l’insertion de gènes humains dans l’animal,
- les cellules souches embryonnaires,
- les cellules souches reprogrammées,
- les embryons transgénique,
- les « bébés médicaments », etc.

Soyons attentifs : les avancées thérapeutiques ne doivent pas dissimuler des pratiques d’eugénisme.

Tous vraiment concernés :
Informons- nous, discernons le « meilleur équilibre », mobilisons-nous contre les dérives... et, « lorsque l’enfant paraît », nous pourrons redire avec toutes les générations :
«  un enfant nous est né, un enfant nous est donné  »."

Marie Françoise Mas
le 22 février 2021

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