Ordination diaconale de Barthélemy Dinama Khonde

C’est dans la belle église de St Germain à Mercuès, récemment rénovée, que s’est déroulée ce dimanche 2 décembre 2018 l’ordination diaconale de Barthélémy Dinama Khonde.

Homélie prononcée par Mgr Laurent Camiade, Evêque de Cahors :

L’avènement du Fils de l’homme nous est décrit dans l’Evangile de ce premier dimanche de l’Avent, sous des aspects dramatiques. Nous connaissons, de fait, dans l’Église, des situations critiques. Certaines sont honteuses comme les abus sur mineurs. D’autres sont admirables, comme le témoignage des martyrs. Ces situations ne sont pourtant pas le quotidien ni l’ordinaire nos vies chrétiennes. La majorité des prêtres sont de bons pasteurs et la majorité des chrétiens ne sont pas des martyrs, bien que se réclamer de Jésus-Christ et de son Église demande très souvent du courage.

Ce qui est le lot commun dramatique de tous les chrétiens, c’est qu’en réponse à l’amour du Seigneur, nous sommes invités à engager notre existence de façon radicale. Et cet engagement radical est difficile. Nous pouvons être tenté de biaiser, de fuir, de chercher des accommodements ou de nous dire que Dieu n’en demande pas tant ! Nous pouvons aussi être tentés de nous durcir et de confondre cette dureté de cœur avec la vérité de l’Évangile. Mais au fond de nous-mêmes, nous savons que suivre un Dieu qui s’est abaissé, jusqu’à la mort de la croix, ne peut pas être une partie de plaisir ! Pourtant, suivre Jésus, chercher Dieu, se donner de tout notre cœur, c’est une joie sans limite.

L’ordination diaconale d’un futur prêtre, c’est un engagement radical et définitif. C’est une joie très grande. Même si cela suppose des renoncements importants. Tout engagement, tout choix de vie comporte cette double face : la joie de se donner et la radicalité des renoncements. Dans la société contemporaine, en particulier, renoncer à son autonomie personnelle va à contre-courant de tendances fortes.

Tenir debout dans la fidélité est un vrai défi. Le passage du rêve à la réalité est toujours une épreuve. Pourtant, c’est dans cette épreuve elle-même que l’on commence à comprendre ce que signifie aimer. La joie devient alors plus profonde. Plus austère, mais plus profonde. Cette joie-ci, joie subtile et vraie, dure longtemps. Elle traverse les doutes et elle anticipe la joie éternelle, celle dont parle Jésus. Elle nous permettra de « tenir debout devant le Fils de l’homme » (Lc 21,36).

Rappelons-nous, mes frères, comment Adam et sa femme n’osaient pas paraître devant Dieu après avoir péché. Ils se cachaient car ils étaient nus. Oser se tenir debout devant le Fils de l’homme, c’est avoir déjà reçu la force du Salut. C’est avoir commencé à être transformé par une confiance renouvelée en Celui qui vient nous sauver. Le Sauveur, le Christ, ne regarde pas avec mépris notre faiblesse. Et c’est parce nous connaissons ce regard de miséricorde qu’au dernier jour, nous aurons la force de nous « tenir debout devant le Fils de l’homme » (Lc 21,36).

Parfois, face à la pauvreté de notre Église, à nos propres contradictions, à notre péché et à nos déceptions, nous avons tellement honte que nous pouvons en venir à nous demander si Dieu ne va pas nous condamner, nous détruire.

Mais le message de ce premier dimanche de l’Avent, c’est : « redressez-vous et relevez la tête ». « Redressez-vous et relevez la tête car votre rédemption approche ! » (Lc 21,28)

Les liturgistes ont souvent souligné que le diacre, généralement, se tient debout. Debout, en silence, il se tient à côté du célébrant, prêt à servir. Il sert (du verbe « servir ») le lien entre le chœur et l’assemblée. En servant ce lien, il le resserre aussi, il participe ainsi à rapprocher les hommes affaiblis par le péché, les épreuves et les soucis de la vie de celui qui vient les sauver. En se tenant debout près du célébrant principal et debout devant le peuple de Dieu, il incarne la dynamique du service et de l’engagement de sa personne qui est la vocation de tout chrétien. Quand on est assis ou couché, ou même à genoux, on peut difficilement servir. Il y a un temps pour dormir et se reposer, un temps pour contempler et pour méditer, un temps pour pleurer nos péchés et adorer le Seigneur en ouvrant son cœur à l’Esprit Saint. Mais le temps du service est celui de l’homme debout qui se tient avec confiance devant le Fils de l’homme, non parce qu’il serait meilleur que les autres, mais parce qu’il a reçu « la force d’échapper » aux épreuves de la destruction de l’humanité. Dieu ne veut pas la destruction de l’humanité mais sa Rédemption. Dans la prière d’ordination du diacre vous entendrez tout à l’heure ces mots adressés au Seigneur : « Par sa fidélité à tes commandements et l’exemple de sa conduite, qu’il soit un modèle pour le peuple saint ; en donnant le témoignage d’une conscience pure, qu’il demeure ferme et inébranlable dans le Christ ».

Cet homme fortifié par l’Esprit Saint, ferme et inébranlable, debout, n’est pourtant pas un homme orgueilleux qui prétend dominer les autres. C’est à l’inverse l’homme qui sert ses frères parce qu’il reçoit sa force de Dieu. Cet homme se tient debout et relève la tête non avec un air de supériorité sur les autres, mais le regard tendu vers Celui qui vient, le Fils de l’homme, c’est-à-dire le Christ, le Sauveur. « Ferme et inébranlable dans le Christ ».

Le diacre, dans l’Église, est un ministre ordonné pour rappeler à tous les chrétiens la vocation de toute l’Église au service, à servir plutôt qu’à être servi. Si le futur prêtre est ordonné diacre avant de devenir prêtre, c’est précisément pour rappeler qu’il n’y a pas de fonction dans l’Église qui ne soit d’abord un service. L’autorité elle-même est un service, elle a pour but de faire grandir, de conduire le Peuple de Dieu à sa pleine maturité, à la stature du Christ, selon l’expression de la Lettre aux Ephésiens. Dans la prière d’ordination du diacre nous demanderons que Barthélémy « fasse preuve d’une autorité pleine de mesure ». L’autorité n’a pas pour fonction d’écraser ni de multiplier les règlements ni les interdits, mais d’encourager à sortir de soi-même pour se redresser et relever la tête, pour se préparer à la rencontre avec le Seigneur qui vient.

Nous accueillons aujourd’hui dans le sacrement de l’ordre un futur prêtre noir-africain d’origine congolaise. Il apportera de la couleur dans notre presbytérium ! Nous avions déjà l’habitude d’accueillir des prêtres africains, mais pour une durée déterminée, dans l’esprit de l’encyclique fidei donum du pape Pie XII, qui a imaginé la possibilité d’une entraide entre diocèses sous forme de mise à disposition de prêtres pour un temps limité. Barthélémy, lui, se prépare à devenir prêtre de notre diocèse de façon stable, au même titre que les autres prêtres du diocèse qui ont été ordonnés ici. C’est donc, pour notre diocèse, un engagement à lui permettre de prendre vraiment racine en Quercy. C’est un signe fort de la vocation d’accueil de l’étranger de nos communautés chrétiennes et de notre société. Nous aurons plaisir à recevoir de lui les dons propres de sa culture. On reconnaît habituellement comme caractéristiques de la culture noire-africaine une grande joie de vivre, un sens de l’hospitalité et de la communauté, la patience pour dialoguer longuement et mettre à plat les problèmes selon la coutume de la palabre ; et encore un sens religieux développé. Barthélémy Dinama Khondé, vous portez en vous la richesse de votre histoire, de votre long parcours de formation missionnaire et de vos charismes personnels. Vous êtes un don du Seigneur pour notre Église.

Aujourd’hui, Barthélémy, vous vous engagez pour toujours à vivre le célibat, à obéir à l’évêque de Cahors et ses successeurs, à faire progresser le peuple chrétien et lui annoncer fidèlement la Parole du Christ, à prier pour ce peuple. Vous allez donner toute votre vie dans un esprit de service. Nous —c’est-à-dire tout le Peuple de Dieu— devons vous en être reconnaissants, vous soutenir dans votre chemin de conformation au Christ et d’intégration dans la culture lotoise. Et vous, cher Barthélémy, partagez-nous généreusement vos charismes propres, soyez vraiment au service du peuple de Dieu !

Mes frères, continuons aussi de prier pour les vocations dans notre diocèse et dans toute l’Église. Prions spécialement pour les jeunes que le Seigneur appelle : qu’ils sachent surmonter les peurs spécifiques de notre époque et les fragilités de leur génération. L’Église a besoin des atouts de leur jeunesse, de leur spontanéité joyeuse, de leur vigueur et de leur dynamisme. Le Christ leur dit, comme à nous tous, « Redressez-vous et relevez la tête ! » « N’ayez pas peur ! » « Soyez toujours dans la joie ! » Et quand le Seigneur viendra, à la fin des temps, si vous êtes restés éveillés, vous aurez la force d’échapper aux malheurs de ce monde pour « tenir debout devant le Fils de l’homme » (Lc 21,36).

Amen.

Mgr Laurent Camiade, évêque de Cahors

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