Homélie de Mgr TURINI à la célébration de la Cène du Seigneur


« Reste avec nous, car déjà il se fait tard et déjà le jour baisse »
. Vous reconnaissez cette demande, c’est celle des disciples d’Emmaüs qui, au moment où Jésus fait semblant d’aller plus loin, lui demande de ne pas les quitter.
• Ils ne savent pas encore qui est cet étranger qui les a rejoint et qui chemine à leurs côtés,

• Ils ignorent tout de cet homme qui leur ouvre le cœur à l’intelligence des Ecritures.

• Ils n’ont pas reconnu en Lui, Jésus de Nazareth dont le Corps sans vie a été descendu de la Croix, et que des femmes déclarent avoir vu vivant, ressuscité.

Mais peu importe, ils ne veulent plus se séparer de ce nouveau compagnon qui fait route avec eux.

En ce soir où l’Eglise célèbre la Cène du Seigneur, cette demande des disciples est revenue à ma mémoire et je l’ai méditée tout au long de ce jour.

« Reste avec nous Seigneur » : c’est une prière, un appel et un besoin qui expriment clairement que nous ne pouvons pas nous passer de Jésus dans notre vie.
Tous les matins, nous devrions commencer notre journée par cette prière toute simple qui tient en quatre mots.

• Reste avec moi Seigneur, au moment où je vais reprendre mon travail alors que je n’ai pas forcément envie de revoir certaines têtes, surtout celles avec qui j’ai du mal à m’entendre.

• Reste avec moi Seigneur, quand je ne supporte pas que l’on préfère les idées de mes collègues aux miennes.

• Reste avec moi, quand le succès, la réussite dans ma vie professionnelle, risque de me monter à la tête au point d’en arriver à « snober » les autres,

• Reste avec moi, quand je ne comprends plus grand-chose aux comportements de mes enfants et de mes petits enfants et que je n’arrive plus à déchiffrer la « grammaire » de leur existence et de leur choix,

• Reste avec moi, Seigneur au moment de l’épreuve morale, physique où je suis découragé révolté, où je ne parviens plus à y voir clair, où je commence à douter de toi,

• Reste avec moi, quand tout va bien pour moi et que je risque de l’enfermer dans une splendide cage dorée, dans un égoïsme confortable,

• Reste avec moi, quand je ne comprends plus rien aux évènements du monde, que l’avenir de l’humanité me paraît de plus en plus bouché et incertain, que le terrorisme, la guerre, les gaz à effet de serre menacent notre planète et notre vie,

Peut-être pensez-vous que nous sommes loin de l’eucharistie ? Au contraire nous en sommes au cœur. « Reste avec nous Seigneur », cela veut dire :
Nourris-nous de ta présence à chaque instant de notre vie, dans nos moments de grand bonheur comme dans ceux où nous connaissons le malheur. Nourris-nous de ta présence car nous en avons besoin pour vivre à tout instant.

C’est cette demande que Jésus a exaucé avant même de l’avoir entendu, le soir du Jeudi Saint quand il prit le pain et le vin, les consacrant et les bénissant par Sa Parole et par ses gestes pour en faire le Sacrement de Sa Vie offerte à tous.

Le Christ institue l’Eucharistie pour rester avec nous, pour que rien ne nous sépare de Lui, pour vivre en communion avec Lui et Lui avec nous et Lui en nous.
Mais que se passet-il ? Plus les jours de la semaine passent et plus l’écart risque de se creuser entre Celui qui se donne sur l’autel et ceux qui le reçoivent dans la communion à la messe dominicale.
La présence réelle de Jésus ne se limite pas au temps de la célébration eucharistique, elle déborde le cadre liturgique parce que dans l’Eucharistie, Jésus se fait notre compagnon de route. « Je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin des temps », quand vous rentrez chez vous, quand vous reprenez le chemin de toutes vos activités, quand vous réglez vos problèmes et vos soucis, quand vous vous retrouvez en famille, avec vos proches et vos amis.
Il est là.

« Reste avec nous Seigneur »
, cela veut dire également, ne cesse pas de nous aimer.
Lui, le « Maître » et le « Seigneur », accomplit les gestes du dernier des esclaves, celui qui lavait les pieds de ceux qui prenaient place à la table de son Maître.
Ce geste c’est tout le résumé de la vie de Jésus. Allez jusqu’à l’humiliation s’il le faut, afin que le don de lui-même donne à notre existence toute sa valeur et sa grandeur d’enfant de Dieu.
C’est aussi le geste d’un homme libre qui n’est pas enfermé dans ses titres et dans ses privilèges et qui sait en sortir pour témoigner à ses frères du primat de l’amour magnifiquement repris par ce verset qui ouvre l’Evangile de Jean : « Sachant que l’Heure était venue de passer de ce monde à son Père, ayant aimé les siens qui étaient dans le monde, il les aima jusqu’au bout ».

Si l’eucharistie manifeste que Jésus remplit tous les jours de notre vie, le lavement des pieds nous dit de quelle manière Il la remplit : en se faisant le serviteur et l’esclave de tous.
Rien ne l’y oblige, rien ne l’y pousse il le fait librement et par amour.

Nourris-nous de ta présence, ne cesse pas de nous aimer. Quand ils ont reconnu Jésus à la fraction du Pain, quand ils se sont nourris de Sa présence, les disciples d’Emmaüs ne restent pas les deux pieds dans le même sabot. Ils rebroussent chemin et s’en retournent de là où ils étaient partis, à Jérusalem pour « raconter ce qui s’était passé en chemin et comment ils l’avaient reconnu à la fraction du pain ».
Quand Jésus a lavé les pieds de ses disciples Jésus leur dit : « C’est un exemple que je vous ai donné afin que vous fassiez, vous aussi, comme j’ai fait pour vous ».

Nous ne sommes pas de simples consommateurs de sacrements mais en les recevant Jésus nous communique sa force et sa grâce pour accomplir aujourd’hui ce qu’ils signifient :
Nourrir par notre vie, nous qui avons été nourri par la Sienne, celles et ceux
• qui nous disent leur faim d’un vrai bonheur,

• qui aspirent à bâtir leur vie solidement,

• qui sont affamés de justice et de vérité,

• qui cherchent leur route à tâtons et attendent des guides porteurs d’une Parole qui ne trahit pas, qui ne ment pas.

Quand nous quittons la table eucharistique, c’est pour revêtir à notre tour la tenue de service, comme il l’a fait. L’amour fraternel prolonge l’eucharistie que nous célébrons. Le sacrement de la charité prolonge celui de l’eucharistie. En pratiquant l’un et l’autre nous sommes sûrs de porter en nous le Christ pour nos frères.

En terminant, je vous invite à prier pour vos prêtres et votre évêque. L’Esprit Saint fait descendre dans nos mains le Christ, Fils du Dieu vivant afin que nous le déposions dans les vôtres. Ainsi vos mains et votre cœur sanctifiés par sa présence et son amour, s’ouvrent davantage pour se tendre vers les autres, pour unir et non pour séparer, pour être signes de communion et de charité fraternelle

Priez pour vos diacres, prêtres, évêque, que rien ici-bas ne nous sépare de l’amour du Christ et qu’ainsi nous demeurions parmi vous d’authentiques serviteurs de sa Parole et de vrais pasteurs selon son coeur. AMEN.

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